Questionné par un sénateur s’inquiétant de l’écart grandissant entre le taux du Livret A et celui de l’inflation, le ministère de l’Economie et des Finances défend dans sa réponse sa politique en la matière, et suggère des alternatives au livret réglementé.

« Conjugué à la hausse des prix de l'énergie et notamment du pétrole, le faible rendement du livret A constitue un danger majeur pour les petits épargnants français. » C’est ainsi que Stéphane Ravier, sénateur Rassemblement national (ex Front National) des Bouches-du-Rhône, concluait fin septembre sa question écrite au gouvernement. A l’origine de l’inquiétude du parlementaire d'extrême-droite, la hausse des prix « tellement forte » que « les placements à faibles risques, comme le livret A, ne sont plus rentables ». « Selon des économistes », poursuit-il, « l’écart est tel qu'il pourrait faire perdre entre 0,8 % et 5 % aux souscripteurs ».

Le sénateur a finalement obtenu une réponse du Ministère de l’Economie, publiée le 15 novembre dernier au Journal officiel. Et elle prend, sans surprise, la forme d’une justification des choix du gouvernement Philippe en matière de Livret A.

Livret A vs inflation : l’écart se creuse

+1,90% : c’est la hausse annuelle de l’indice des prix à la consommation hors tabac au mois d'octobre 2018. L'écart avec le taux du Livret A (0,75%) atteint ainsi 1,15 point, un niveau inédit dans l’histoire récente.

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Voir sur cBanque : le taux du Livret A

Un taux supérieur à ce qu’il pourrait être

Rappel : le 19 avril dernier, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire officialisait une réforme du calcul du taux du Livret A, qui entrera en vigueur en février 2020. En attendant, ce taux est gelé à 0,75% net, plus bas niveau historique depuis le 1er août 2015. Exit les révisions semestrielles prévues par la réglementation, de toute façon rarement mises en œuvre.

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C’est sur cette nouvelle formule de calcul que s’appuie Bercy pour relativiser la faiblesse actuelle du taux du Livret A (TLA) : « (…) Si elle avait été appliquée, la nouvelle formule du TLA aurait dû aboutir au 1er août 2018 à une baisse du TLA à 0,5 %. Le niveau actuel du TLA est donc supérieur à ce que donnerait aujourd'hui la formule adoptée pour l'après 2020. »

Le « plancher inflation » n’est plus

L’un des choix de la réforme a été de supprimer ce qu'on pourrait appeler la « plancher inflation ». Le mode de calcul précédent, introduit en 2008 (1), était en effet conçu de telle façon que le taux du Livret A ne pouvait descendre sous le niveau de l’inflation. Objectif : pouvoir présenter le produit d’épargne réglementée comme un rempart contre la hausse des prix et donc la baisse du pouvoir d’achat des Français.

La nouvelle formule, elle, prend comme référence la moyenne arithmétique entre l’inflation semestrielle et les taux monétaires. Or, rappelle Bercy, ces derniers « restent (…) négatifs : l’EONIA (2) se situe en moyenne à -0,36 % depuis le début de l'année de 2018 (…) ». C’est d’ailleurs précisément pour limiter l’écart, problématique notamment pour le financement du logement social, entre ce taux directeur et le Livret A que le gouvernement a choisi de changer la formule. Toutefois, il a pris soin d’introduire un taux plancher inconditionnel, qui n’existait pas jusque là : 0,5%.

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Une bonne collecte malgré tout

Dans ce contexte, estime Bercy, « (…) la rémunération du Livret A demeure très attractive pour un produit totalement liquide, garanti et défiscalisé ». Notamment en regard des rendements de produits comparables comme les livrets ordinaires, qui s’affichaient, selon la Banque de France à 0,26% brut en moyenne en septembre.

Le ministère de l’Economie et des Finances en veut pour preuve la collecte du Livret A, qui « demeure très dynamique en 2018, comme elle l'a été en 2017 » : « Entre fin décembre 2017 et fin août 2018, les encours de Livret A et de [livret de développement durable et solidaire, LDDS] sont ainsi passés de 376 à 389,5 milliards d'euros, soit une collecte nette positive de 13,5 milliards d'euros (+3,6%) ».

Source des données : communiqués mensuels de la Caisse des Dépôts sur les flux et les encours du Livret A, du LDDS et du LEP.

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Des alternatives

Enfin, Bercy rappelle qu’il existe des alternatives au Livret A comme support de l’épargne des Français. Le ministère renvoie ainsi à un autre produit d’épargne réglementée, le Livret d’épargne populaire (LEP), « qui bénéficie des mêmes garanties et exemptions fiscales que le Livret A et dont la rémunération est aujourd'hui fixée à 1,25 % ». Un support certes mieux rémunéré, mais moins accessible - seuls 40% des Français, les moins riches, y ont accès - et rarement mis en avant par les banques. Résultat : le nombre de LEP (9 millions environ) et leur encours (44 milliards d’euros) est en chute de près de 30% depuis 2008.

Autre alternative promue par le gouvernement : l’assurance-vie en euros. « Elle a servi [en 2017, NLDR], selon la Fédération française d'assurances, un rendement de 1,8 % net de frais en moyenne » rappelle Bercy, « soit 1,5 % après les prélèvements sociaux et entre moins de 1 % et 1,38 % après application de la fiscalité selon la durée de détention du contrat ». Des rendements, il faut toutefois le rappeler, en baisse constante depuis plus de dix ans.

(1) Cette formule a été légèrement revue en novembre 2016, introduisant un référence à la moyenne semestrielle de l’indice des prix à la consommation. Mais cette version modifiée n’a jamais été appliquée. (2) Lire EONIA, le taux de référence du marché interbancaire de la zone euro