Le Livret A a réussi en janvier 2017 sa meilleure collecte nette depuis près de 4 ans, à 2,89 milliards d’euros. Pourtant, son taux (0,75% net) n’a pas changé depuis août 2015. Alors, pourquoi les Français recommencent-ils à garnir leurs Livrets A ? Tentative de réponse avec Alain Tourdjman, directeur des études économiques du Groupe BPCE.

Il faut remonter à avril 2013 (3,05 milliards d’euros) pour retrouver un tel chiffre : en janvier 2017, les Français ont placé 2,89 milliards d’euros supplémentaires sur leurs Livrets A. Un bon résultat - dans le même temps, l’assurance-vie en euros n’engrangeait que 400 millions d’euros - qui confirme un retournement de tendance commencé en juin 2016. A nouveau, les Français se souviennent qu’ils ont un Livret A.

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Le Livret A, symbole des taux bas

Comment expliquer que le Livret A retrouve de sa superbe ? Tout est question de symbole, a récemment expliqué Alain Tourdjman, à l’occasion d’un point presse consacré aux placements financiers des Français. « Les ménages ont mis du temps avant d’accepter le nouveau régime de taux, ils ont longtemps été dans le déni », explique le directeur des études économiques du Groupe BPCE. « Les baisses de taux ont été très mal vécues, et le Livret A en a fait les frais : il est devenu le symbole des taux bas. »

Cette « réaction affective » des Français a profité au Plan épargne logement (PEL) et à l’assurance-vie, deux produits à la courbe des taux plus avantageuse. Mais leur pouvoir d’attraction s’effrite à leur tour. Le PEL a ainsi engrangé 22,6 milliards d’euros en 2015 (1), avant que l’abaissement du taux des nouveaux plans à 1% le 1er août 2016 ne freine sa collecte : 18,4 milliards l’an dernier. L’assurance-vie a aussi connu des années fastes en 2014 (+43,5 milliards sur les fonds euros) et 2015 (+32,2 milliards). Comme le PEL, elle a ralenti en 2016 (+25,5 milliards). « L’intérêt pour le produit reste fort », nuance Alain Tourdjman. « Mais les effets cumulés des lois Eckert (2) et Sapin II (3), ainsi que l’érosion du rendement des fonds euros au moment où on commence à parler de remontée des taux, ont contribué à ce ralentissement. »

Une « évaluation plus rationnelle »

Dans ce contexte, les Français semblent voir le Livret A sous un nouveau jour. « Les ménages sont entrés dans une période d’acceptation des taux bas. Ils font du coup une évaluation plus rationnelle des avantages du Livret A, ce qui explique ce retour en grâce », croit savoir Alain Tourdjman.

Ce retournement de tendance concerne d’ailleurs plus généralement tous les produits de placement à court terme. « Il y a un effet général d’amélioration, qui profite aussi au Livret de développement durable (LDD) et aux livrets B fiscalisés », poursuit le spécialiste de l’épargne. Et ce presqu’indépendamment de la question du rendement.

Malgré le retour de l’inflation

C’est en effet au moment où le Livret A est le moins attractif que le produit retrouve son attrait au yeux du grand public. Son taux net - 0,75% - n’a plus bougé depuis août 2015. Dans le même temps, on assiste à une hausse de l’indice des prix à la consommation (1,4% sur un an en janvier 2017). Bilan : le rendement réel, net d’inflation, du Livret A est actuellement négatif, et ce pour la première fois depuis 2012, comme le montre ce graphique :

© MoneyVox

Dans l’immédiat, il n’y a d'ailleurs guère d’espoir d’amélioration. Le gouvernement a en effet décrété en juillet 2016 que le taux du Livret serait gelé jusqu’à la présidentielle de mai 2017. Il faudra donc attendre au mieux jusqu’en août 2017 pour assister à l’application de la nouvelle formule de calcul et voir, éventuellement, le taux du Livret A se redresser.

Un retour en grâce durable ?

Eventuellement est le mot. Car même si le retour de l’inflation justifiait une hausse du taux, probablement à 1,25%, cette revalorisation interviendrait après l’élection présidentielle. Dans un contexte, donc, presqu’impossible à anticiper aujourd’hui. « La tendance pousse à la hausse du taux du Livret A », confirme Alain Tourdjman. « Mais juste après l’élection, ce sera une décision très politique. Il est donc difficile de dire si elle sera prise ou non : tout dépendra du type de gouvernement que nous aurons. »

C’est donc pour une part le destin politique du pays qui influera sur celui du Livret A. Son retour en grâce sera-t-il pérenne, même en cas de stabilité du taux ? Les Français le verront-ils comme une valeur refuge en des temps troublés ? Réponse dans les prochains mois.

(1) Les chiffres de collecte cités dans cet article sont ceux de la Banque de France. (2) Loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence, entrée en vigueur début 2016. (3) Lire sur le sujet : Assurance-vie : jusqu'où iront les pouvoirs de Bercy ?