Pour la première fois depuis 2009, date de la généralisation de leur distribution à l’ensemble des banques, le nombre de livrets A détenus en France a légèrement diminué en 2013. Désaffection des épargnants ? Pas vraiment. Ce sont surtout les mesures de lutte contre la multidétention de ce produit d’épargne qui ont porté leurs fruits. Explications.

« Pour la première fois depuis la création de l’Observatoire de l’épargne réglementée, le nombre de livrets A détenus par les personnes physiques (particuliers et entrepreneurs individuels) a légèrement diminué en 2013 pour s’établir à 63 millions au 31 décembre 2013 (...) ». Soit une baisse de 300.000 en un an. Le constat est issu du rapport 2013 de l’Observatoire de l’épargne réglementée (OER), publié mercredi dernier. Certes, la création de cet organe lié à la Banque de France ne remonte qu’à 2009 (1). Mais il s’agit tout de même d’un petit événement pour un produit d’épargne dont le taux de détention rapporté à la population française atteint presque les 96%.

Comment expliquer ce phénomène ? Doit-on y voir une forme de désaffection des épargnants ? Pas vraiment. S’il est vrai que le Livret A est souvent décrié, ces temps derniers, pour son faible rendement (1% à compter du 1er août prochain), il conserve de nombreux atouts : la garantie de l’Etat sur les sommes versées, l’assurance qu’elles seront à l’abri de l’inflation, la défiscalisation des intérêts… Preuve de l’intérêt toujours porté à ce produit : sa collecte nette a atteint les 16 milliards d’euros en 2013.

Un taux de détention de 110% en Ile-de-France

La réponse, selon l’OER, est plutôt à chercher du côté d’une nouvelle réglementation mise en œuvre début 2013, qui renforce la lutte contre la multidétention. Rappel en effet : la loi (2) n’autorise la détention que d’un seul livret A par personne physique. Une règle connue de tous ou presque, mais parfois non respectée, de bonne foi - l’épargnant aura oublié qu’il détient déjà un Livret A - ou non. Certains chiffres sont parlants : le taux d’équipement en livret A atteint ou dépasse les 100% de la population dans plusieurs régions françaises : en Ile de France (110%), en Bretagne (102%), dans le Centre (100%) et en Alsace (100%).

Face à ce phénomène, qui s’est accentué depuis la généralisation de la distribution du produit en 2009, les pouvoirs publics n’ont, dans un premier temps, imposé aux banques qu’une vérification après coup, à partir d’une liste fournie par l’administration fiscale. La situation a changé depuis le 1er janvier 2013, avec la mise en œuvre d’un contrôle systématique de l’absence de doublons avant l’ouverture des nouveaux livrets A. Le dispositif « semble fonctionner de façon satisfaisante », estime l’OER qui préconise qu’il soit « étendu dans un deuxième temps à l’ensemble des produits d’épargne réglementée et en particulier au LDD. »

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Au moins 5,5 millions de livrets A dormants

Toutefois, ce contrôle a priori, qui ne concerne que les nouvelles ouvertures, n’explique pas à lui seul la baisse du nombre de livrets A. L’OER note également les « efforts des réseaux historiques pour réduire le stock de livrets A dormants ». La preuve : le repli constaté touche uniquement ces « réseaux historiques », c’est-à-dire les 3 enseignes qui disposaient avant 2009 du monopole de distribution du Livret A : la Caisse d’Epargne, la Banque Postale et le Crédit Mutuel. « Le nombre de livrets A détenus par [ces enseignes] a significativement reculé, passant de 46,7 millions à 45,4 millions (– 1,3 million, soit – 2,78 %) », détaille le rapport, « alors que celui des livrets ouverts dans les nouveaux réseaux a connu une forte croissance passant de 16,6 millions à 17,6 millions (+ 1 million, soit + 5,5 %) ».

En 2013, ces réseaux historiques ont ainsi fermé, toujours selon l’OER, 400.000 livrets A considérés comme « dormants », c’est-à-dire inférieurs à 30 euros et inactifs depuis plus de 10 ans. Pour autant, leur nombre reste élevé : 5,5 millions, soit 12,1% de l’ensemble des Livrets A, pour un encours de presque 52 millions d’euros. Pour assister à un véritable recul drastique de ce phénomène, il faudra sans doute attendre 2016. A cette date entrera en effet en vigueur une autre législation : celle issue de la loi, récemment promulguée, sur les comptes bancaires inactifs et les contrats d’assurance-vie en déshérence.

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(1) L’Observatoire de l’épargne réglementée a été créé par la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008, afin de suivre les effets de la généralisation de la distribution du Livret A à toutes les banques. Le premier rapport s’intéresse à l’année 2009.

(2) Article L221-3 du Code monétaire et financier