Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie, vient de demander à Pierre Duquesne, ancien de la Banque de France et du FMI, de faire des propositions pour une réforme de l’épargne réglementée. Le point sur les pistes de travail de cette mission de réflexion, chargée notamment de se prononcer sur le doublement du plafond du Livret A.

Doubler le plafond de versement du Livret A

Le plafond de versement du Livret A n’a pas changé depuis le 16 mai 1986, lorsqu’il était passé de 90.000 à 100.000 francs. En 2002, au moment du passage à l’euro, le législateur s’était contenté de convertir très exactement la somme dans la nouvelle devise, sans la revaloriser.

Toutefois, les jours du plafond de 15.300 euros sont sans doute comptés. Au cours de la campagne présidentielle, François Hollande s’était en effet engagé à doubler ce plafond, avec l’objectif de fournir des ressources supplémentaires pour le financement du logement social.

Cette mesure, parmi les plus symboliques et les plus populaires du programme économique du président de la République, sera aussi l’une des plus difficiles à tenir. Le gouvernement Ayrault semble en effet avoir pris la mesure des inconvénients d’un doublement immédiat, et notamment de la perte de recettes fiscales qu’il pourrait entraîner si les quelques 9% des épargnants disposant déjà de Livrets A au plafond décident de vider leurs assurances-vie ou leurs livrets fiscalisés pour profiter du nouveau plafond. Entre l’objectif de financement du logement social et la crainte de créer une nouvelle niche fiscale, le gouvernement va devoir trancher.

Refiscaliser partiellement le Livret A

La Cour des comptes a peut-être offert une porte de sortie à la nouvelle majorité de gauche. Tout en émettant des réserves sur l’opportunité d’un doublement du plafond qui, craint-elle, se ferait aux dépens de l’épargne longue, l’institution propose, dans son récent rapport sur « L’Etat et le financement de l’économie », de refiscaliser partiellement le Livret A : « En tout état de cause, le doublement du plafond du livret A et du livret de développement durable devrait, dans le souci de préserver le financement de la protection sociale, conduire à soumettre aux prélèvements sociaux tous les revenus tirés des dépôts pour leur partie supérieure aux plafonds actuels des livrets ».

Dans ce cas de figure, les intérêts générés par la partie de l’encours supérieure à 15.300 euros resteraient exonérés d’impôts, mais soumis par contre aux prélèvements sociaux, à hauteur actuellement de 15,5%, ce qui permettrait d’augmenter le plafond tout en préservant le financement de la Sécurité sociale.

Changer la formule de calcul

Autre piste fournie par la Cour des comptes, cette fois pour éviter que le Livret A fasse une concurrence déloyale à l’assurance-vie : modifier la formule de calcul.

Actuellement, pour déterminer le taux du Livret A, la Banque de France s’appuie sur l’inflation hors tabac et, le cas échéant, sur le niveau des taux interbancaires. Si ces indicateurs le justifient, le taux est ajusté automatiquement deux fois par an, au 1er février et au 1er août. Mais le gouverneur de la Banque de France peut décider de déroger en invoquant « des circonstances exceptionnelles ». C’est ce qui s’est passé par exemple en janvier dernier, lorsque Christian Noyer a justifié le maintien du taux à 2,25% (alors que la formule de calcul donnait 2,75%) par un recul imminent de l’inflation, qui est effectivement venu.

La Cour des comptes propose de supprimer cette référence aux « circonstances exceptionnelles » pour la remplacer par une référence à la « rémunération de l’épargne longue » dont le taux du Livret A ne pourrait pas s’éloigner au-delà d’un certain point, sans plus de précisions pour l’instant.

Faire la chasse aux doublons

D’après le récent rapport annuel de l’Observatoire de l’épargne réglementée, le nombre de Livrets A détenus en France était de 61,6 millions au 31 décembre 2011. Soit un taux d’équipement record pour un produit d’épargne de 94,3%, qui traduit, selon le rapport, « la persistance de nombreuses situations de multidétention, en infraction par rapport à la loi qui dispose qu’une même personne ne peut être titulaire que d’un seul livret A (…). »

Conséquence : un projet de décret, dévoilé récemment, autorise la consultation systématique, en amont de l’ouverture d’un nouveau livret, du fichier FICOBA, qui recense l’ensemble des comptes bancaires ouverts en France. Le décret, qui vient de passer le cap du Conseil d’Etat, devrait être publié prochainement.

Des surprises ?

L’encours du Livret A, dont 65% est centralisé dans le Fonds d’Epargne, est une ressource abondante mais coûteuse pour le logement social. En effet, au rendement servi aux épargnants (2,25% actuellement) s’ajoute la rémunération des réseaux bancaires qui collectent la ressource (0,5%). Le gouvernement pourrait choisir de revoir cette rémunération à la baisse.

Enfin, tant qu'à dépoussiérer le Livret A, il pourrait également s'attaquer à une de ses règles les plus datées, celle de la rémunération par quinzaine. A titre d’exemple, une somme déposée sur un Livret A le 2 du mois ne commence à produire des intérêts que le 16. Avec les progrès de l’informatique bancaire, rien pourtant n’empêche aujourd’hui les banques de calculer les intérêts au jour le jour, si ce n’est la perspective de ne plus bénéficier de liquidités ponctuellement gratuites. Le nouvel exécutif ira-t-il jusqu’à revoir cette règle ? Réponse à la rentrée.