Un an et demi après la généralisation à toutes les banques de la distribution du Livret A, l’Observatoire de l’épargne réglementée (OER), présidé par le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer, en a tiré un premier bilan très positif dans son rapport publié hier. Pourtant, cet optimisme est loin d'être unanimement partagé. Revue de détail, et mise en perspective, des trois principaux sujets de satisfactions.

Une collecte dynamique, mais pour combien de temps ?

Premier motif de satisfaction de l’OER : la dynamique de la collecte du Livret A. « [Elle] s’est maintenue, explique Christian Noyer dans son avant-propos, la généralisation de la distribution n’ayant pas suscité, comme d’aucuns ont pu le craindre, de transfert vers d’autres produits de placement ».

De fait, les chiffres 2009 du Livret A sont corrects. Son encours total, 183,4 milliards fin 2009, a progressé de 11% sur l’année. Et cela malgré une rémunération en chute libre, puisqu’elle est passé de 4% en début d’année à 1,25%, son plancher historique, à partir du mois d’août.

Cette baisse du taux d’intérêt n’a toutefois pas été sans conséquence. Le rapport de l’OER montre bien que l’essentiel de la collecte s’est faite entre janvier et avril, c’est-à-dire au tout début de la généralisation à toutes les banques, avant de décliner. Et si, début 2010, elle est revenue un temps dans le vert, elle est de nouveau négative depuis le mois de mai.

Autre constat : ce dynamisme ne concerne que le seul Livret A. En effet, la généralisation a accentué le déclin du Livret de développement durable (LDD) et du Livret d’épargne populaire (LEP), dont les encours ont diminué entre 2008 et 2009.

Au final, le Livret A semble donc avoir tiré bénéfice en 2009 de deux facteurs concomitants : l’effort, d'une part, des nouveaux distributeurs pour promouvoir le produit (et capter ainsi une part croissante de l’épargne des Français) ; son image de placement de père de famille d’autre part, dans un contexte économique perturbé. Reste désormais à savoir ce qu’il adviendra de cette tendance, une fois la reprise amorcée et les banques moins zélées.

L’équilibre entre anciens et nouveaux distributeurs

Christian Noyer, toujours dans son avant-propos, constate qu'« aucun basculement brutal ne s’est produit dans la répartition des parts de marché entre anciens et nouveaux distributeurs (...) ». C’était une des craintes des adversaires de la généralisation : que celle-ci se fasse aux dépens des distributeurs historiques, Caisse d’épargne, Banque Postale et Crédit Mutuel.

Il ne semble pas que cela ait été le cas. Sur les 50 millions, environ, de Livret A détenus par les « historiques », seuls 300.000 ont fait l’objet de transferts en 2009 vers les autre banques. Au total, le nombre de comptes détenus par les « historiques » a augmenté de 813.000 en 2009. Loin, certes, des 9,5 millions ouverts chez les nouveaux entrants, mais en progression tout de même.

Fin 2009, le rapport de force entre historiques et nouveaux entrants était donc, en gros, de 5 pour 1. Un chiffre dont il sera intéressant de suivre l’évolution dans les années à venir.

L’emploi des fonds récoltés

« Les fonds collectés ont été réemployés, semble-t-il, de façon équilibrée à la fois aux financements d’intérêt général pour la partie centralisée par la Caisse des dépôts et consignations et au financement des petites et moyennes entreprises et du développement durable pour la partie conservée au passif des établissements bancaires » estime Christian Noyer, toujours dans l'avant-propos du rapport.

Petit retour en arrière. Par le passé, l’ensemble des fonds déposés sur les livrets réglementés étaient récupérés par la Caisse des Dépôts, afin de financer, notamment, le logement social. Ce transfert, c’est ce qu’on appelle la centralisation.

Depuis le début de l'année 2009, la loi de modernisation de l’économie (LME) a changé les règles du jeu, en permettant aux banques de « décentraliser », c’est-à-dire de conserver dans leur bilan, une partie de la collecte, à condition qu’elles utilisent ces sommes pour financer les PME, ainsi que les travaux de rénovation permettant de faire des économies d’énergie.

Pour 2009, le taux de centralisation s’est stabilisé, en fin d’année, à 66,4%. Mais il existe une grande disparité de cas entre les distributeurs historiques, qui centralisent à 88,5% (100% pour la Banque Postale) et les nouveaux entrants qui, eux, affichent un taux de 20%.

Au total, le volume des fonds conservés par les banques a augmenté de 12,4 milliards d’euros en 2009. Dans le même temps, les encours des prêts aux PME ont eux progressé de 6,4 milliards, tandis qu‘1,2 milliard a été alloué au financement de travaux d’économie d’énergie.

Reste donc un différentiel de 4,8 milliards, que l’OER justifie par le « contexte particulier lié à la crise économique », avant de remettre à l’année prochaine l’examen de ses causes : « Le prochain rapport examinera les conditions dans lesquelles ces prêts ont été mis en oeuvre et les difficultés éventuellement rencontrées.»

En attendant, certaines voix s’alarment déjà des conséquences, à moyen terme, de la LME sur le volume des sommes centralisées par la CDC. C’est le cas par exemple du sénateur socialiste Thierry Repentin qui, dans une interview accordée aujourd’hui aux Echos, estime que « l’objectif [de financement des PME] est loin d’être atteint » tout en s’inquiétant du futur financement du logement social.

2011 sera à cet égard décisif. Le gouvernement doit en effet s’appuyer, entre autres, sur le rapport de l’OER pour fixer, par décret, le taux de centralisation. Christine Lagarde s’était engagé à ce qu’il ne soit pas inférieur à 70%. Mais rien n’indique aujourd’hui que ces 70% suffiront à éviter un assèchement des fonds gérés par la CDC.