La crise économique qui découle de l'épidémie de coronavirus va-t-elle impacter durement les prix de la pierre ? En théorie, plusieurs facteurs laissent envisager une baisse. Mais les choses ne sont pas si simples, comme l'explique Pierre Madec, économiste, spécialiste de l'immobilier à l'Observatoire français des conjonctures économiques (Ofce).

Au début du confinement, les notaires tablaient sur une chute des prix de 10 à 15% sur le marché immobilier. Qu’en pensez-vous ?

Pierre Madec : « C’est un exercice compliqué d’anticiper comment les prix vont évoluer. De multiples facteurs entrent en ligne de compte. Du côté de la demande, les deux mois de confinement ont entraîné des phénomènes contradictoires. D’abord un choc de revenu négatif : nous avons calculé à l’Ofce que sur les 8 semaines de confinement, les ménages ont accusé une baisse de 11 milliards d’euros de leur revenu. Par exemple, les salariés placés en chômage partiel ont perdu, en moyenne, 410 euros sur la période.

Mais nous sommes dans une situation exceptionnelle. Et ce choc de demande négatif va de pair avec un choc de demande très positif. Les ménages ont dans le même temps accumulé 55 milliards d’euros d’épargne forcée dans la mesure où les possibilités de consommer étaient très limitées. Tout l’enjeu, sur cette partie de la demande, est de savoir quel choc va l’emporter. Si les ménages choisissent de placer cette épargne dans l’immobilier, cela va entraîner un choc positif avec à l’arrivée une hausse des prix. Bien sûr, cette augmentation ne serait pas uniforme et serait différente selon les territoires et le type de logement. »

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« Les ménages ont accumulé 55 milliards d’euros d’épargne forcée »

Et du côté de l’offre ?

P.M. : « Le confinement a entraîné un gel des transactions dans l’ancien et dans la production d’immobilier neuf. Mais depuis deux semaines, les projets redémarrent. Toutes les transactions qui n’avaient pas pu se faire se débloquent. Les vendeurs veulent poursuivre leur projet de vente et les acheteurs sont pour l’instant au rendez-vous. Les prix dans l’ancien qui volaient de record en record semblent se maintenir pour l’instant. »

La question de l’accès au crédit va être un déterminant essentiel aussi ?

P.M. : « L’assouplissement des conditions de crédit à travers la baisse des taux et l’allongement des durées de remboursement expliquent plus de 70% de la hausse des prix de l’immobilier enregistrée ces dernières années. Pour éviter que les banques ne distribuent des prêts à des ménages non solvables, le Haut conseil de stabilité financière a édicté fin 2019 de nouvelles règles : limiter strictement le remboursement à 33% des revenus nets des emprunteurs, avant prélèvement à la source, et ne pas proposer, sauf exceptions, de prêts sur une durée supérieure à 25 ans. En conséquence, plus de 200 000 ménages risquent déjà de se retrouver exclus de l’accès au crédit immobilier. Avec la crise économique qui va entraîner des faillites d’entreprises à partir de septembre et une montée du chômage, est-ce que les banques vont encore réduire l’accès au crédit, notamment aux ménages les plus fragiles ? Si c’est le cas, la pression sur les prix de l’immobilier sera moins forte.

« Est-ce que les banques vont encore réduire l’accès au crédit ?»

Et du côté des taux, la légère remontée enclenchée depuis le début de l’année est pour l’instant limitée. Mais si les ménages venaient à attendre avant de se lancer dans un projet immobilier, en raison de ce contexte très incertain, on peut imaginer que les banques vont se livrer à une forte concurrence et donc proposer des prêts encore plus attractifs qu’aujourd’hui. »

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Que faire alors ? Faut-il attendre avant d’acheter pour espérer une baisse des prix ?

P.M. : « Personnellement, je n’achèterais pas un bien immobilier demain. J’attendrais un peu de voir ce qui va se passer à la rentrée de septembre. Surtout qu’à plus long terme, on sait que la crise va bouleverser des choses. Le télétravail qui a été très pratiqué durant le confinement peut jouer sur la localisation future de certains ménages. S’ils peuvent poursuivre leur activité en partie à distance, ils pourraient vouloir quitter les grandes métropoles, notamment Paris, pour avoir plus d’espace et payer le m2 moins cher.

« Avant d'acheter, j’attendrais un peu de voir ce qui va se passer à la rentrée de septembre »

Je ne pense pas que les prix vont s’effondrer mais des dynamiques peuvent s’enclencher qui peuvent avoir des conséquences. A Paris, par exemple, 100 000 logements sont destinés actuellement à du meublé touristique, soit un quart du parc locatif privé. Vu les incertitudes sur l’avenir du tourisme, que vont décider leur propriétaire ? Ils pourraient décider d’investir ailleurs et de mettre en vente leur bien ce qui créerait un choc d’offre et jouerait à la baisse sur les prix. »

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