Un papier intéressant rédigé par des économistes de marché et publié ce jour !
Le retour du bitcoin à ses fondamentaux ?
Depuis les plus hauts du Bitcoin (BTC) mi-décembre 2017 avec une valorisation qui a tout de même atteint près de 19 500 USD, c’est la débandade sur le marché du bitcoin (et celui des crypto devises de manière générale). Le news flow, très positif et très nourri au second semestre 2017 durant la (rapide) phase de hausse a laissé place à un environnement franchement baissier, la baisse de la principale monnaie virtuelle (le BTC) s’élevant aujourd’hui à plus de 65% (on n’aborde même pas les autres crypto devises, dont certaines ont abandonné près de 90% de leur valeur)
L’intérêt suscité par cette hausse exponentielle en 2017 a fini par attirer l’attention des régulateurs ces derniers mois. Ils se sont empressés d’encadrer, taxer, et d’annoncer des mesures pour tenter de contrôler ce marché, qui par essence est difficilement contrôlable (dans la mesure où ni l’exécution des transactions ni la gouvernance du réseau bitcoin ne sont centralisées).
La volonté des autorités dans de nombreux pays de réguler a fini par entamer l’appétit des investisseurs, mais aussi celui des acteurs plus « conventionnels » (en particulier ceux qui cherchent à lever de l’argent dans le cadre d’ICO). Parmi les nombreux éléments qui sont venus refreiner ces appétits, il y a eu les événements notables suivants :
(1) A l’aide d’injonctions aux brokers de crypto devises (notamment Coinbase) provenant de leur juridiction, les autorités américaines ont demandé les dossiers des traders les plus actifs, faisant craindre des taxations élevées des éventuels bénéfices issus du trading.
(2) Une tendance des grands réseaux sociaux à interdire les publicités relatives aux ICO. Cette interdiction peut paraitre anodine et justifiable quand on sait que 46% des ICO menées en 2017 ont échoué selon bitcoin.com. Cela a contribué à la réduction des achats de BTC et d’Etherium, qui sont échangés contre les jetons issus de l’ICO. A ce jour, cette interdiction a été décidée par Facebook, Google et Twitter, et chacune de ces annonces, a provoqué un brutal décrochage du BTC.
(3) Des autorités chinoises s’efforcent d’appliquer efficacement les diverses interdictions de trading, d’investissement dans les ICO, de mining des crypto devises, alors que le marché est encore dominé par des acteurs asiatiques (en particulier japonais). Après avoir interdit les plateformes d’exercer sur le sol chinois, ces plateformes ont déménagé dans les juridictions limitrophes, permettant aux traders chinois de poursuivre leurs activités malgré l’interdiction des autorités. Ces autorités chinoises ont donc récemment lancé une 3e phase dans leur interdiction du trading par leurs citoyens, en limitant l’accès à ces plateformes étrangères.
(4) Les fortes attentes de régulation que certains pays nourrissaient lors du dernier G20 ont fait craindre au marché une régulation mondiale qui aurait pu mener à une correction encore plus importante de cette nouvelle classe d’actif. Ce G20 a finalement accouché d’une souris alors que le FSB (Financial Stability Board) n’a pas considéré une régulation mondiale nécessaire du fait du risque non systémique que représentent les crypto devises.
Assurément, la volonté de réguler ce marché au niveau mondial a néanmoins stoppé nette la hausse effrénée du Bitcoin, ce qui a déjà mené un certain nombre de fonds basés sur les crypto devises à mettre la clef sous la porte. Cette montée de velléités de régulation à l’échelle mondiale a été concomitante avec d’autres facteurs plus techniques. Parmi ceux-ci, on notera le passage du nouvel an chinois, qui est traditionnellement une période de repli du bitcoin, ainsi que les ventes massives effectuées par l’organisme de dédommagement des victimes du scandale MtGox, qui a vendu 20 000 BTC de mi-décembre à mi-janvier. Ces ventes sont susceptibles de se poursuivre dans les mois à venir …
Cette déprime du marché se voit aussi bien sur les prix des crypto devises que dans le détail des activités de trading. Le nombre d’adresses utilisées dans une journée pour effectuer un échange de gré à gré, un paiement ou un transfert est en chute libre, sachant que ces données ne prennent pas en compte les achats/ventes effectués chez des brokers. Cette baisse du nombre d’utilisateurs peut légitimer la correction des cours du Bitcoin. En effet, les « modèles de valorisation » (si tant est qu’il soit pertinent) du bitcoin sont très proches de ceux utilisés pour valoriser les réseaux sociaux : le prix du bitcoin serait alors proportionnel au carré (par exemple…) de son nombre d’utilisateur.
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Ainsi une période d’incertitude s’installe durablement sur le marché des crypto devises. La confiance (ou l’euphorie) s’est dissipée et les investisseurs semblent pour l’instant en retrait, attendant une clarification des régulations à l’échelle mondiale. Cette période de consolidation va permettre un relatif assainissement du marché, et potentiellement un changement des acteurs, les spéculateurs laissant place aux institutionnels ou à des utilisateurs moins spéculatifs. Un rebond à moyen long terme ne pourra cependant pas être envisagé tant que les crypto devises ne rempliront pas leur promesse de se substituer au cash comme moyen de paiement. D’un point de vue technologique, les rapides progrès de la nouvelle technologie Lightning network laissent entrevoir une généralisation plus importante du bitcoin comme moyen de paiement, via une forte compression des coûts et des délais de transaction.