Le tableau d'amortissement des offres préalables de prêt du CIF

Elaphus

Contributeur régulier
1) Position du problème :

Il semble que par distraction on ait fait croire, mais bien entendu oralement, aux emprunteurs qui ne comprenaient pas être sur le point de souscrire un prêt à taux variable, qu’il s’agissait de taux fixe, et que c’était un contrat standard se déclinant à plusieurs "sauces" - variable et fixe -. Et que, comme quand on achète un lave-linge, la description de l'appareil comprend les appareils "avec ou sans option".

Donc qu'en fait, les "options" concernant les emprunteurs n'étaient que les paragraphes parlant de taux fixe, et puis, argument massue : "tenez vous en au tableau d'amortissement, vous voyez bien X mensualités fixes alors vous êtes en fixe".

L’argumentaire pourrait relever d’éléments de langage acquis à titre de formation car il était tout prêt à servir et fort élaboré, comme si le conseiller devait savoir y répondre.

Mais cela, à moins qu’un ancien conseiller soit pris de remords et prêt à en témoigner, on ne le saura jamais.

Il est de fait que le tableau d'amortissement en cause est celui d’un prêt à taux fixe !

Dès lors au lieu de se contenter de dire, en l’absence de preuves irréfutables, « on m’a trompé », il faut s’appuyer explicitement sur la loi. Il n’y a plus qu’à prouver la violation de la loi, et si les juges du fond ne suivent pas, la cassation sera ouverte sans avoir à se perdre dans l’appréciation souveraine des faits par ces juges, ou soulever la dénaturation d’un écrit au sens clair et incontestable. Il n’y a que cela qui puisse être reçu, toute autre potentielle dénaturation des faits par les juges du fond, donc ne reposant pas sur un écrit pas obscur – donc à interpréter cette fois – ne pouvant être un moyen de cassation.

2) Que dit la loi ?

Deux textes sont à considérer.
Le premier définit l’échéancier des amortissements, dit tableau d'amortissement, le second oblige à interpréter des clauses obscures en faveur du consommateur.

a) Article L312-8 du Code de la consommation

La rédaction de la partie utile ici a évolué au cours du temps, donc voyez, selon la date de votre offre, celle à considérer, mais en fait rien de fondamental n’a varié.
Il dispose que « L'offre définie à l'article précédent » doit, quant à ce tableau, distinguer pour son contenu selon qu’il s’agit d’un prêt à taux fixe ou d’un prêt à taux variable.

Examinez donc votre tableau d'amortissement : de quel type de prêt est-il le support ?

- État initial issu de la Loi n°96-314 du 12 avril 1996 - art. 87 (V) JORF 13 avril 1996

2° bis. Comprend un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts. Toutefois, cette disposition ne concerne pas les offres de prêts à taux variable ;

Donc : un tableau d'amortissement qui détaille pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts est celui d’un prêt à taux fixe. S’il s’agit néanmoins d’un prêt à taux variable, la loi a été violée. Peu importe qu’il s’agisse d’un dol délibéré, pour faire croire à tort qu’on souscrivait à taux fixe, ou qu’il s’agisse d’une distraction ( ?) de la banque : la déchéance du prêteur du droit aux intérêts est encourue.

Voyez ce sujet :
Quand la banque perd le droit aux intérêts, mise au point sur la déchéance du prêteur

https://www.moneyvox.fr/forums/fil/...e-au-point-sur-la-decheance-du-preteur.15336/

Le dernier alinéa de l’article, en outre, disposait alors que « Toutefois, cette obligation n'est pas applicable aux prêts dont le taux d'intérêt est variable, dès lors qu'a été remise à l'emprunteur avec l'offre préalable une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux. »

Donc en l’absence d’une telle notice cette obligation (« Toute modification des conditions d'obtention du prêt, notamment le montant ou le taux du crédit, donne lieu à la remise à l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable ») devait être respectée. Vérifiez donc que cela a bien été votre cas.

- État suivant issu de la LOI n°2008-3 du 3 janvier 2008 - art. 25 (V)

2° bis Pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est fixe, comprend un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts ;
Donc : un tableau d'amortissement détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts ne doit toujours pas être fourni.
2° ter Pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est variable, est accompagnée d'une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Cette simulation ne constitue pas un engagement du prêteur à l'égard de l'emprunteur quant à l'évolution effective des taux d'intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Le document d'information mentionne le caractère indicatif de la simulation et l'absence de responsabilité du prêteur quant à l'évolution effective des taux d'intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit ;
Le contenu de la notice a été renforcé : vérifiez donc que cela a bien été fait dans votre cas.

NB : cette loi a aussi ajouté ce dernier alinéa à l’article. « Toute modification des conditions d'obtention d'un prêt dont le taux d'intérêt est fixe, notamment le montant ou le taux du crédit, donne lieu à la remise à l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable. »
Les prêts à taux variable ne sont pas concernés par cette obligation, qui ne concerne que la phase pré-contractuelle d’obtention du prêt (une fois celui-ci obtenu, seul un avenant peut être contracté, à l’exclusion de toute émission d’une nouvelle offre préalable, qui ne peut plus concerner, depuis une loi de 1999, que les créations de prêts).

- État actuel issu de la LOI n°2010-737 du 1er juillet 2010 - art. 21
2° bis Pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est fixe, comprend un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts ;
Situation inchangée donc.
2° ter Pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est variable, est accompagnée d'une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d'intérêt et d'un document d'information contenant une simulation de l'impact d'une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Cette simulation ne constitue pas un engagement du prêteur à l'égard de l'emprunteur quant à l'évolution effective des taux d'intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Le document d'information mentionne le caractère indicatif de la simulation et l'absence de responsabilité du prêteur quant à l'évolution effective des taux d'intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit ;
Situation inchangée donc. Seul le reste de l’article L312-8 du Code de la consommation a été modifié, mais vous disposez ainsi de ce qu’il faut prendre en compte à chaque date pour ce sujet.

b) Article L133-2 du Code de la consommation (depuis une loi de 1995) :
Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible.
Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel. Le présent alinéa n'est toutefois pas applicable aux procédures engagées sur le fondement de l'article L. 421-6. (= par des associations)
Si le visa de l’article L312-8 du Code de la consommation ne suffit pas, ce texte permet de soulever la contradiction entre les clauses particulières de l’offre préalable et le contenu du tableau d'amortissement dès lors que celui-ci est celui d’un prêt à taux fixe.

suite:
 
3) Que faire ?

Les conclusions devant les juges du fond doivent donc :

- dans la discussion, analyser la contradiction ci-dessus quand elle existe, et soulever la demande de déchéance du prêteur du droit aux intérêts;

- au visa du dispositif des conclusions (à la fin, là où sont portées les demandes), citer les 2 articles L312-8 et L133-2 du Code de la consommation (Vu …).

Un dol éventuel peut être mis en cause, si les preuves en sont fournies.

Et placez ici vos témoignages, tant sur votre tableau d'amortissement que sur la façon dont on vous aurait éventuellement ‘vendu’ un prêt à taux fixe à la place d’un prêt à taux variable.
 
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