J'avais effectivement vu passer cet arrêt.
Ce que l'on en retire :
- La Cour semble avoir bien compris les différences qui s'appliquent aux règles qui gouvernent le TEG et celles relatives au taux conventionnel (contractuel). Du reste, les emprunteurs le rappellent sans équivoque aux Magistrats. Donc, a priori, il ne devrait pas y avoir d'ambiguïté.
- La Cour explique clairement que le mois normalisé s'applique bien au seul TEG : « Selon cette méthode du mois normalisé qui a été expressément admise par la réglementation, en matière de taux effectif global pour les prêts à la consommation par le décret du 10 juin 2002 (annexe c- sous l’ancien article R313-1 du Code de la consommation) et par la jurisprudence toujours en matière de taux effectif global (cf pour exemple C. Cassation 1re civ 15 juin 2016 n° 15-16498), “une année compte 365 jours, ou pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés et un mois normalisé compte 30,41666 jours c’est à dire 365/12 que l’année soit bissextile ou non“. »
- Et pourtant, les Magistrats vont venir expliquer qu'aucune règle n'interdit d'appliquer ce même mode de calcul aux intérêts conventionnels. Ce qui est certain, c'est que jusqu'à présent, la Haute Cour ne s'est jamais exprimée sur ce sujet, sans doute parce que ce n'était pas nécessaire : en effet, sur les fondements de l'article 1907 du Code civil, le taux d'intérêt est soit légal soit conventionnel, sous-entendu que pour comparer les deux taux, ceux-ci doivent forcément s'exprimer sur la base d'une année civile de 365 ou 366 jours (c'est bien l'année civile qui gouverne le taux légal, n'est-ce pas ?). De sorte que le taux conventionnel (et donc le calcul d'intérêts qui va avec) se déterminera toujours par rapport à une année civile. C'est la loi, et ainsi que s'analyse l'article 1907 précité.
- Mais la Cour de Poitiers nous invente une nouvelle règle que j'appellerais la “règle de l'analogie“ : on peut utiliser le mois normalisé pour le TEG, alors pourquoi pas pour le calcul des intérêt du prêt ?
Et de statuer : « En raisonnant ainsi, le montant des intérêts conventionnels dus pour une échéance mensuelle s’obtient, que l’année soit bissextile ou non en multipliant pour chaque échéance, le capital restant dû par le taux d’intérêt stipulé au contrat puis par 30,41666 (mois normalisé) divisé par 365 jours. Ce rapport 30,41666/365 est le même que le rapport 30/360 mais la méthode du mois normalisé pour calculer les intérêts conventionnels ne s’assimile pas au calcul des intérêts conventionnels selon l’année lombarde, défini plus haut. Elle n’est pas interdite par la législation, n’est pas non plus exclue par l’arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2013 cité par les appelants et en l’absence d’une disposition législative ou réglementaire particulière concernant le calcul des intérêts conventionnels, elle peut être admise... »
- Pour appuyer leur argumentation, pour autant que l'on puisse transposer les règles du TEG au taux conventionnel (ce qui ne se pourrait pas, a priori), les Magistrats vont raisonner sur des échéances pleines : mais bien évidemment et mathématiquement, ils vont retomber sur leurs pieds puisque 30/360 est équivalent à 30,41666/365, également équivalent à 1/12 (pas de contestation mathématique là-dessus).
- Le “piège“ pour eux pourrait se situer sur l'échéance brisée, puisque dans ce cas, les intérêts devraient normalement se calculer en jours exacts sur l'année civile de 365 ou 366 jours. Apparemment, sans s'émouvoir plus que ça, la Cour d'appel de Poitiers invente une nouvelle règle : celle de « l'intérêt journalier » (sic !), n'ayant au grand jamais figuré dans le moindre texte, ni le moindre exemple donné dans l'Annexe de l'article R.313-1 du Code de la consommation (qui, je le rappelle, ne concerne que le seul TEG).
Tout cela n'empêche pas les Magistrats de s'en sortir d'une pirouette en nous disant : « Une règle de droit permet de calculer le taux d’intérêt conduisant à des intérêts de 54,50€ et il est de 3,31% (54,5x 365 x 100/75000 x 8) au lieu de 3,27% soit un écart de 0,04%.
L’expert en déduit que les intérêts pour cette échéance (mois incomplet) ont été calculés sur 360 jours selon la formule : 75000 x 8/360x3,27/100 = 54,50€
La méthode du mois normalisé conduit pourtant au même résultat. En effet, le calcul effectué sur un mois complet donne : 75000 x 30,41666/365 x 3,27/100 = 204,37€, et en ramenant ce chiffre sur 8 jours on obtient 204,37 x 8/30 (30 jours en novembre) = 54,50€, soit le montant figurant dans le tableau d’amortissement. »
Et de conclure, sans s'émouvoir que « Ainsi, l’application de la méthode du mois normalisé en le ramenant au nombre de jours effectifs du mois incomplet aboutit au montant des intérêts figurant sur les tableaux d’amortissement pour la première échéance et il n’est donc pas établi que la méthode utilisée par la banque soit illégale. »
Désolé d'être désagréable pour notre Institution Judiciaire, mais je trouve cela scandaleux ! :- (
Je peux me tromper, je ne suis pas juriste, juste lecteur assidu de la Jurisprudence et des textes qui vont avec, mais c'est mon analyse personnelle...
Chercheur de Jurisprudences