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Membre39498
Pour info, je tombe sur un arrêt Cass. 1re civ., 23 janv. 2019, n° 17-20818, non publié, qui tranche une question souvent discutée : « lorsqu'il est substitué au taux conventionnel d'un prêt mentionnant un taux effectif global erroné, l'intérêt au taux légal court, à compter de la souscription de ce prêt, au taux alors en vigueur, et obéit aux variations auxquelles la loi le soumet ».Billet d'humeur : quand des Magistrats ne respectent même pas les décisions de la Haute Cour !
(Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 10 juillet 2019, n° 18/01481)
Petit rappel : nous en avons abondamment parlé sur ce Forum, le retentissant arrêt de la Cour de cassation du 22 mai dernier (n° 18-16.281) a fixé de manière définitive (mais apparemment pas pour tout le monde) la sanction en matière d'erreur de TEG :
« [...] l’inexactitude du TEG dans un acte de prêt est sanctionnée par la nullité de la stipulation d’intérêts... »
C'est clair, net et précis, et je pense que tout le monde sera d'accord là-dessus.
Pour plus d'infos, je vous invite à relire l'analyse de cet arrêt sur Village-Justice :
TEG et nullité de la clause d’intérêt
Or, voici des Magistrats Toulousains qui se foutent royalement de ce que peut bien raconter la Haute Cour.
La lecture de leur décision fait ressortir les éléments suivants :
1) La Cour reconnaît explicitement une erreur de TEG : « Ainsi la cour considère que le TEG est inexact. »
2) Puis les Magistrats nous explique que : « S’agissant de la sanction, l’article L313-2 du code de la consommation dispose que le taux effectif global calculé comme il est dit à l’article L313-1 doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt immobilier ou à la consommation. »
Comme chacun le sait maintenant, la jurisprudence considère depuis longtemps qu'un TEG erroné équivaut à une absence de TEG, et doit donc être sanctionné.
Depuis 1981, rappelé donc ce 22 mai, la Cour de cassation sanctionne l'absence de TEG par la nullité relative du contrat de prêt, c'est-à-dire en annulant la clause d'intérêts contractuels (conventionnels), et en y substituant l'intérêt légal à la date de signature des actes.
Cette façon de voir les choses est logique et le raisonnement s'appuie sur le droit des obligations : à défaut de TEG, l'emprunteur n'a pas pu conclure en toute connaissance et l'on dit alors qu'il n'y a pas eu rencontre des volontés.
3) Mais les Magistrats de Toulouse n'en ont cure : pour eux, l'affaire doit être jugée selon le droit de la responsabilité civile, c'est-à-dire le préjudice, qui conduit à indemniser l'emprunteur en minimisant ses intérêts de 20 %.
« C’est donc à juste titre que le premier juge a dit que la seule sanction applicable en cas d’inexactitude du TEG était celle de l’article L312-33 du code de la consommation, devenu par suite d’une erreur matérielle manifeste, L133-22 dans le dispositif de la décision.
En conséquence, il convient de faire application de ce texte, et de dire que la Caisse d’épargne sera déchue du droit aux intérêts conventionnels à concurrence de 20%. »
Désolé, mais moi, perso, je trouve cela scandaleux.
Il ne faut pas penser que je prends partie pour l'emprunteur contre sa banque. Non, je raisonne en matière de Justice avec un grand “J“... On a une Haute Cour qui dit le Droit (avec un grand “D“), alors que les Juges et Magistrats s'y tiennent ! C'est cela rendre la Justice.
Dans cette affaire, la cour d'appel de Chambéry avait jugé qu’il fallait appliquer le taux légal en vigueur à la date du prêt soit 3,99 % ; l’arrêt est cassé sur pourvoi de l’emprunteur.
Ce qui est incompréhensible, c’est que cet important arrêt ne soit pas publié au Bulletin (pas plus que l’arrêt lui aussi très important du 22 mai 2019 n° 18-16281, dont Jurisprudence s’étonne plus haut qu’il soit ignoré de la CA Toulouse)