Plus onéreux, les crédits immobiliers sur 20, 25 ans ou plus deviennent de plus en plus courants. Depuis le début de l’année 2019, plus de 40% des prêts sont signés sur des durées de 25 ans ou plus !

En 2013, un emprunteur lambda s’endettait sur 15, 16, 17, 18 ou 19 ans pour financer une acquisition immobilière. A l’époque, plus de 55% des crédits immobiliers accordés par les banques étaient signés avec une durée de remboursement inférieure à 20 ans, selon les données de l’observatoire Crédit Logement-CSA (1).

Depuis, les taux d’emprunt ont très fortement diminué : le taux moyen, toutes durées confondues, a été divisé par deux. De même source, il était de 3,10% fin 2013 pour tomber à 1,44% en février 2019. Avec la baisse du coût du crédit, le fait de s’endetter sur plusieurs décennies est devenu moins onéreux. Les pratiques des banques – et des emprunteurs – ont drastiquement évolué : en février 2019, 78% des prêts signés par les banques prévoient un remboursement sur 20 ans ou plus ! « La déformation rapide [de la production de crédits] est remarquable, amenant le poids des durées longues au niveau le plus élevé observé jusqu’à alors », commente l’observatoire Crédit Logement-CSA dans son baromètre mensuel.

Conserver les « primo-accédants, jeunes, sans trop d’apport »

La durée moyenne des crédits (prêts travaux y compris) a battu les records d’avant-crise : cet observatoire avait enregistré un pic à 223 mois, en moyenne, fin 2007. Un record égalé au printemps 2018, puis nettement dépassé en ce début 2019 avec une durée moyenne de 230 mois en février 2019.

Crédit Logement CSA durée moyennne

Cet allongement des durées d’emprunt, « très marqué à partir de 2017 », a permis selon l’économiste Michel Mouillart de « maintenir sur le marché des primo-accédants, jeunes, sans trop d’apport personnel, etc. » Professeur d’économie et membre de Crédit Logement-CSA, Michel Mouillart a insisté lors de la dernière conférence de cet observatoire sur le fait que les banques ont activé plusieurs leviers pour « solvabiliser la demande », et permettre aux ménages jeunes et modestes d’avoir accès au prêt immobilier. La dernière étude trimestrielle de cet observatoire montre que les emprunteurs de moins de 35 ans ont emprunté, pour 49% d’entre eux, sur 25 ans ou plus lors du 4e trimestre 2018 !

Les banques contraintes de « réduire leurs exigences en matière d’apport personnel »

Les autres leviers utilisés par les banques ? Les taux bas, les durées qui s’allongent, donc, mais aussi l’apport personnel : « Pour avoir la possibilité de faire entrer des contingents d’emprunteurs de plus en plus importants, il faut réduire les exigences en matière d’apport personnel », appuie Michel Mouillart, qui a pointé la « courbe spectaculaire » du taux d’apport personnel, autrement dit la part de l’opération financée avec les deniers personnels (épargne, don familial…) de l’emprunteur : « En moyenne, en 2018, nous sommes sur un taux d’apport personnel apparent [hors frais annexes, NDLR] de 16,1%. En l’espace de 5 ans, le taux d’apport personnel apparent a reculé de 8 points ! C’est du jamais vu. » Cette chute du taux d’apport personnel va selon lui « de pair avec l’amplification de l’augmentation des durées ».

Compenser le recentrage du PTZ

En clair : les banques ont très nettement assoupli leurs critères d’accès au crédit bancaire, pour le financement immobilier, afin de faire face à des niveaux de vie qui ne progressent pas aussi vite que la courbe des prix immobiliers. « Sans cela, les marchés n’auraient pas pu résister comme ils l’ont fait en 2018, aussi bien dans le neuf que dans l’ancien », ajoute l’économiste, qui pointe aussi la réduction des aides publiques à l’accession immobilière, en faisant référence au recentrage du Prêt à taux zéro ou encore à la suppression progressive de l’APL accession.

Les établissements de crédit n’ont toutefois pas totalement ouvert les vannes du crédit à long terme. « Plusieurs banques indiquent ne plus ou pratiquement plus commercialiser de prêts dont la durée est supérieure à 25 ans », affirme ainsi le régulateur bancaire, l’ACPR, dans sa dernière étude annuelle sur le financement de l’habitat, pour laquelle les données sont toutefois arrêtées à décembre 2017. Le régulateur ajoute que, lorsqu'elles accordent des prêts de plus de 25 ans, les banques les réservent « à des clients jeunes (moins de 40 ans), principalement des ouvriers ou employés, et primo-accédants ».

Les emprunteurs vont rarement au bout de leur crédit…

Signer un crédit sur 20, 25 voire 30 ans ne signifie par pour autant que vous aller rembourser la banque prêteuse pendant toute la durée inscrite sur le contrat. Mobilité professionnelle, divorce, déménagement, rachat de crédit par la concurrence, revenus revus à la hausse… Les raisons d’effectuer un remboursement anticipé sont nombreuses. La durée effective des crédits immobiliers était de 7,1 ans selon l’ACPR en 2016, le régulateur n’ayant toutefois pas publié de mise à jour de cette statistique depuis.

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(1) L'obsevatoire Crédit Logement base ses études, réalisées avec l’institut CSA et l'économiste Michel Mouillart, sur « plus de 20 000 opérations en moyenne » chaque mois, soit « un portefeuille d’environ 250 000 opérations immobilières nouvelles garanties chaque année ». Pour rappel, la société de cautionnement bancaire Crédit Logement est codétenue par les grandes banques exerçant en France (BNP Paribas, Crédit Agricole, LCL, la Société Générale, Crédit Mutuel, BPCE, La Banque Postale et HSBC).