Rebondissement dans le feuilleton des clauses de domiciliation de revenus ! Le Comité consultatif du secteur financier n’est pas parvenu à un consensus sur le sujet… mais sa présidente et une large partie de ses membres demandent l’abrogation de l'ordonnance qui encadre cette domiciliation depuis janvier 2018.

Rappel des derniers épisodes. De très longue date, les banques prêteuses contraignent leurs clients emprunteurs à ouvrir un compte bancaire et à y domicilier leur salaire ou autres revenus. Longtemps, cette contrainte reposait sur une règle tacite, non écrite, ou sur une clause intégrée dans le contrat de prêt immobilier, même si cette clause pouvait souvent être qualifiée d’abusive.

Le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a voulu lever cette ambiguïté en publiant un décret et une ordonnance encadrant ces pratiques : depuis le 1er janvier 2018, si la banque prêteuse réclame la domiciliation de « salaires et revenus assimilés », elle doit décrire précisément l’avantage – souvent un taux préférentiel – dans l’offre de prêt, et la contrainte de domiciliation est limitée dans le temps, à 10 ans maximum. Pour l’heure, cet encadrement a eu peu d’effets : de rares banques ont mis en place la nouvelle clause, et la plupart des établissements bancaires l’ont fait disparaître de leurs contrats en s’appuyant à nouveau sur un accord tacite, à l’oral, avec les clients emprunteurs.

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« Un risque de généralisation de la clause »

Bruno Le Maire a demandé au Comité consultatif du secteur financier (CCSF), organisme paritaire rattaché à la Banque de France, d’effectuer « un premier bilan ». Celui-ci a été remis le 24 janvier au ministre, comme le signale le président de l’UFC-Que Choisir, Alain Bazot, dans un billet publié ce vendredi, dans lequel il regrette que le rapport en question n’ait pas été rendu public. cBanque a tout de même pu le consulter : la présidente du CCSF, Corinne Dromer, souligne l’absence de consensus au sein du comité. Les établissements bancaires se sont en effet prononcés « en faveur d’un maintien de l’ordonnance », alors que « la quasi-totalité des autres membres » (courtiers en crédit, associations de consommateurs, syndicats…) ont réclamé son « abrogation ».

Les membres du CCSF favorables à l’abrogation estiment en effet que cet encadrement de la domiciliation pourrait provoquer un effet inverse : la « généralisation de la clause de domiciliation des revenus ». Ils jugent donc préférable de « revenir à la situation antérieure ». En effet, en l’absence de clause écrite dans le contrat, le client emprunteur est libre de changer de banque quand il le souhaite, sans pénalité, et ce même si son conseiller bancaire lui a demandé la domiciliation au moment de la souscription. A contrario, si les banques intègrent la clause réglementaire, l’emprunteur ne peut plus changer de banque sans risquer une pénalité, et se retrouve donc contraint pendant 10 ans (durée maximale).

Réduction de la durée maximale, en attendant l'abrogation ?

Consciente que l’abrogation de l’ordonnance sera délicate à mettre en œuvre « rapidement » au Parlement, la présidente du CCSF préconise en attendant de réduire « la durée de la domiciliation de 10 à 5 ans ». « Une durée maximale de 5 ans serait inférieure à la durée effective des prêts », explique Corine Dromer, dans les préconisations qui n’engagent – précise-t-elle – « que la présidente du CCSF », faute de consensus. « En effet, si la durée initiale des prêts était en moyenne de 18,6 ans en 2016, leur durée effective n’était que de 7,1 ans. » La durée maximale de 10 ans ayant été fixée par un décret en Conseil d’Etat, elle peut en effet être réduite sans attendre de faire voter un texte au Parlement, via un nouveau décret. Les regards se tournent donc désormais vers Bruno Le Maire et le gouvernement, pour savoir s’ils prennent en compte les préconisations de la présidente du CCSF.