Votre conjoint a souscrit un prêt à la consommation sans vous en informer. Dans quels cas êtes-vous également engagé par ce crédit ? Et, que faire si la banque vous demande de payer à la place de votre conjoint ?

En instance de divorce ou suite à un concours de circonstances, vous apprenez que votre conjoint a contracté un crédit sans vous prévenir. Vous vous interrogez. A-t-il le droit d’utiliser notre compte joint pour rembourser ce prêt ? Que se passe-t-il s’il ne paie plus les mensualités ? Suis-je tenu de rembourser cette dette à sa place ? La banque peut-elle exiger que je mette la main à la poche ? Il n’y a pas de réponse unique à ces interrogations. Tout dépend en effet de l'utilisation du prêt et le montant emprunté mais aussi des liens qui vous unissent à votre conjoint.

Les époux sont « solidaires » des dettes ménagères

Si vous êtes mariés, le principe de solidarité des dettes ménagères s’applique. L’article 220 du code civil prévoit en effet que « chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement ». Autrement dit, si votre conjoint a souscrit un crédit dans le but de survenir aux besoins du foyer – paiement du loyer, des factures, équipement du logis, frais de scolarité ou encore dépenses d’habillement – l’organisme qui a consenti le prêt peut effectivement vous demander de mettre la main à la poche.

La loi intègre toutefois quelques exceptions à ce principe de solidarité. Vous n’êtes ainsi pas tenu de rembourser si les dépenses apparaissent « manifestement excessives » au regard du « train de vie du ménage ». La solidarité des époux est également appréhendée au regard de « l’utilité » de l’opération. Par exemple, des frais importants ne sont pas jugés excessifs s’ils s’avèrent indispensables.

Mais il n’existe pas de critères prédéfinis pour juger si une dépense est justifiée ou non. « L’appréciation est effectuée au cas par cas, chaque couple n’ayant pas le même niveau de vie ni les mêmes besoins », rappelle Sandrine Perrois, juriste pour l’association de consommateurs CLCV. « Si vous achetez une voiture à un prix cohérent qui vous permet de vous rendre au travail, cette dépense peut entrer dans le cadre de la vie courante », ajoute-t-elle. En revanche, si vous avez des revenus modestes et que votre conjoint opte pour une voiture de luxe, l’argument de la disproportion de la dépense pourra probablement être invoqué.

Dette personnelle : les avoirs en commun saisissables

En dehors des dettes ménagères, l’engagement du conjoint dépend du régime matrimonial choisi par les époux. « En cas de séparation des biens, c’est assez simple. Chacun reste responsable des dettes qu’il contracte seul », résume Sandrine Perrois. « En revanche, lorsque les époux n’ont pas rédigé de contrat de mariage et adoptent donc la communauté des biens, leurs avoirs communs sont engagés ».

Résultat, en cas de non-remboursement, la banque peut saisir les biens propres de l’emprunteur ainsi que les biens qu’il détient avec son conjoint. Les biens personnels de ce dernier restent eux protégés. L’article 1418 du code civil dispose en effet que « lorsqu'une dette est entrée en communauté du chef d'un seul des époux, elle ne peut être poursuivie sur les biens propres de l'autre ».

Bien sûr, si vous empruntez à deux, vous êtes engagés sur la totalité de vos biens quelle que soit votre situation maritale. D’ailleurs, « pour se protéger et couper court à la problématique des régimes matrimoniaux, les banques demandent souvent aux époux d’être co-emprunteurs », fait remarquer la juriste du CLCV.

Concubinage et Pacs : quelle solidarité ?

En concubinage, chacun est libre de gérer ses biens et est responsable des dettes contractées à son nom. Les concubins ne sont ni obligés de s’entraider, ni de payer pour les dettes ménagères. En revanche, les personnes pacsées tombent sous la coupe de l’article 515-4 du code civil. Dès lors, comme les couples mariés, « les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante ».

Litige avec sa banque : que faire ?

Voilà pour la théorie. Mais, en pratique, comment réagir lorsqu’une banque vous demande de rembourser un prêt contracté par votre (ex) conjoint ? Premier conseil, ne pas payer aveuglément. « Les consommateurs ne connaissent pas le code civil par cœur. Il est donc évident qu’à partir du moment où il y a une dette et un besoin de recouvrement, certains établissements vont essayer de recouvrer la somme y compris auprès du partenaire dont la responsabilité n’est pourtant pas engagée », souligne Sandrine Perrois du CLCV.

En cas de demande de recouvrement, la juriste conseille de se rapprocher d’une association de consommateurs pour connaître ses droits. Ensuite, si les interventions à l’amiable de l’association ou dans le cadre d’une médiation bancaire achoppent, vous devrez vous en remettre à la justice. « A un moment donné, suite à un impayé ou un problème de recouvrement, soit c’est la banque qui va prendre l’initiative de porter le litige en justice, soit c’est le consommateur qui va contester la somme qui lui est demandée », détaille Sandrine Perrois.

Pour tenter de se prémunir de ce type de situation, il est possible de prendre quelques précautions, insiste Maxime Pekkip, chargé de mission au sein de Crésus qui lutte contre le surendettement. Si vous vous séparez ou si vous avez un doute sur la gestion budgétaire de votre conjoint « il faut prévenir votre établissement bancaire afin de manifester votre opposition à la souscription d’un prêt, désolidariser votre compte et, si possible, résilier la totalité des contrats », conseille-t-il.

Souvent confrontée à ces drames de vie - certaines personnes faisant appel à Cresus après avoir découvert que leur conjoint a contracté plusieurs dizaines de crédits pour un endettement dépassant parfois plusieurs centaines de milliers d’euros – l'association plaide de longue date pour que chaque personne ait accès à tout moment à un relevé des emprunts souscrits.

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