Les entreprises confrontées à un décalage de trésorerie se tournent en principe vers leur banquier pour obtenir une facilité de caisse, un découvert bancaire, voire un crédit si les sommes en jeu sont plus importantes. Il existe cependant un autre moyen de récupérer rapidement de la trésorerie, sans attendre les paiements de ses clients : l'affacturage. Explications.

L’affacturage, appelé factoring par les Anglo-Saxons, consiste à vendre à une société (appelée factor) une facture dont on est le bénéficiaire mais non encore payée, afin d’obtenir la somme due sans attendre le règlement de son client. Cette technique de financement est ancienne. Elle débute au 15ème siècle en Europe, avant de connaître son véritable développement au 18ème siècle à la faveur des échanges entre les Etats-Unis et le Vieux Continent. En France, le secteur est encore plus jeune. La première entreprise à proposer de l’affacturage, la Société Française de Factoring, a lancé son activité dans les années 60. Depuis, l’affacturage est devenu la première source de financement de court terme des entreprises. Selon l’Association française des sociétés financières (ASF), les factors ont acheté en 2017 pour 291 milliards d’euros de factures, quand au même moment les membres de l’ASF ont accordé 3,6 milliards d’euros de crédit classique pour financer l’équipement des entreprises.

Du financement au recouvrement

Concrètement, l’affacturage permet à une entreprise de céder définitivement une créance. En effet, une fois acquise par le factor, celui-ci ne peut plus se retourner vers le cédant en cas de non-paiement de la facture par le client final. Une offre de factoring comprend donc le financement, la relance et le recouvrement de la facture. En ce sens, ce mode de financement se distingue du Dailly, qui ne comporte que le premier volet : la société de crédit pouvant demander à l’entreprise cédante de rembourser les fonds avancés si le client final n’honore pas ses dettes.

Les factors se rémunèrent en facturant une commission qui vient, de fait, diminuer la somme perçue par la société cédante. Celle-ci prend en compte les frais de dossier et de traitement ainsi que des frais financiers indexés sur l’Euribor (le taux de rémunération interbancaire des dépôts des banques en zone euro). En chiffres, cette commission correspond à quelques points de pourcentage. A titre d’exemple, dans le cadre de son offre Impulsion, BNP Paribas Factor, qui capte plus de 17% du marché de l’affacturage, prélève des frais variant de 0,7% à 3%, selon le montant de la facture et le risque. Même ordre de grandeur du côté de Finexkap. La start-up qui a remis au goût du jour l’affacturage en lançant en 2015 une offre dématérialisée facture en moyenne 2,5% son service.

L’affacturage ouvert aux TPE et aux créateurs d’entreprise

Historiquement, l’affacturage s’adresse aux structures importantes, aux sociétés d’import-export notamment. Et les très petites entreprises ne peuvent bien souvent pas prétendre à cette source de financement rapide. « L’affacturage est un secteur en pleine expansion qui croît de 10% à 15% par an […] Mais il n’y a que 30 000 TPE et PME qui y ont recours. 80% du volume provient de grandes entreprises », nous expliquait en juillet dernier Cédric Teissier, co-fondateur et CEO de Finexkap. L’une des causes : le montant des factures cédées par les petites structures ne représente souvent que quelques milliers d’euros, un montant insuffisant pour que les factors établis entrent dans leurs frais.

Toutefois, pour Cédric Teissier, l’arrivée de nouveaux acteurs a incité les sociétés en place à élargir la clientèle cible. « Depuis que l’on a créé Finexkap, les sociétés ont essayé de rendre les procédés plus simples », estime-t-il. Le Crédit Agricole a ainsi lancé Cash in Time en 2017, qui propose aux TPE-PME de céder, via une plateforme en ligne, une facture d’un montant minimum de 1 000 euros, moyennant une commission fixe de 3,5%.

Pour BNP Paribas Factor, dont plus de 9 clients sur 10 sont des TPE-PME, la digitalisation du parcours client n’est pas due à l’arrivée de jeunes pousses. « Finexkap ou d'autres start-ups font partie de l'environnement concurrentiel et donc BNP Paribas Factor, en tant qu'entreprise de premier plan, les observe. Mais, nous n'avons pas eu besoin de ces fintechs pour réfléchir à la digitalisation et à l'expérience utilisateur », a ainsi expliqué à cBanque Eric Turbot, son directeur général délégué au commerce. « D'une manière générale, la digitalisation de notre offre n'a pas été influencée par les nouveaux acteurs. La révolution numérique s'impose à tous quel que soit le secteur d'activité et les produits proposés. BNP Paribas Factor intègre de longue date dans ses plans stratégiques la digitalisation des parcours client. Pour ce faire, une large part des investissements décidés vont en direction du numérique et de l'IT », poursuit-il.

Lancée en 2011, l’offre Impulsion de BNP Paribas Factor s’adresse aux entreprises en phase de croissance comme aux sociétés en création. Commercialisée dans le réseau BNP Paribas, elle est également accessible en ligne et permet de financer une facture d’un montant maximum de 180 000 euros. « A l'origine, nous demandions systématiquement des cautions sur Impulsion. Toutefois, l'analyse d'une génération de contrats nous a montré que le niveau de risque réel nous permettait de lever le caractère obligatoire de cette disposition », détaille Eric Turbot.

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Un déblocage des fonds rapide

Outre la digitalisation du parcours client, l’évolution majeure du secteur de l’affacturage concerne le déblocage des fonds. Aussi bien les jeunes pousses que les acteurs traditionnels, tous avancent des délais de traitement express. Finexkap, comme Cash in Time, promettent un déblocage des fonds sous 24 heures une fois la facture cédée. De son côté, BNP Paribas Factor avance un délai de 8 heures. Pour y parvenir, les factors mettent en avant la rigueur des processus de sélection.

« A la souscription d'Impulsion, l'entreprise entre dans un processus d'ouverture de compte classique. De fait, BNP Paribas Factor se conforme aux mesures de connaissance client strictes et définies. Nous devons connaître l'ensemble des dirigeants de l'entreprises, c'est-à-dire ce qu'on appelle les bénéficiaires effectifs, et la situation de l'entreprise. Nous demandons donc les pièces d'identité des dirigeants, le Kbis de l'entreprise, ses statuts et son bilan », explique Eric Turbot de BNP Paribas Factor. Puis, « dans la vie du contrat, nous demandons par facture cédée une copie du bon de commande, une copie du bon de livraison signé ou de l'accusé de réception d'un service réalisé. Plus généralement, nous demandons à nos clients toutes pièces justificatives qui nous montrent que la facture est réelle, signée, certaine, liquide et exigible. L'objectif étant que BNP Paribas Factor puisse acheter une facture en connaissance de causes et tenir le financement en moins de 8 heures ».

Pour accélérer encore le déblocage des fonds, les factors misent désormais sur le virement instantané, ce nouveau moyen de paiement qui permet de recevoir en temps réel un virement. BNP Paribas Factor nous a indiqué y travailler avec sa maison mère, pour une horizon de lancement courant 2019. Chez BPCE, ce dispositif est déjà en place. Depuis septembre, le groupe né du rapprochement entre les Banques Populaires et les Caisses d’Epargne propose aux entreprises faisant de l’affacturage de recevoir les fonds par virement instantané.