En 2019, le Crédit Foncier cessera d’octroyer de nouveaux prêts immobiliers. Que cela va-t-il changer pour les emprunteurs actuels ? Et quid des ménages habituellement redirigés vers le Crédit Foncier par les courtiers ou autres promoteurs ?

Un « projet d’intégration » au sein de BPCE ou un « démantèlement » ? Si l’on se tourne vers les représentants syndicaux ou vers la communication du groupe, le vocable n’est évidemment pas le même… Dans tous les cas, à l’horizon janvier 2019, l’enseigne Crédit Foncier doit bel et bien cesser l’octroi de prêts immobiliers aux particuliers.

Un discours rassurant pour les emprunteurs actuels

Pour les ménages ayant un remboursement en cours au Crédit Foncier, ou pour ceux qui s’apprêtent à y signer un prêt d’ici la fin 2018, les inquiétudes ont été rapidement balayées. Dès la fin juin, au moment de l’annonce de ce « projet d’intégration », BPCE avait publié un communiqué expliquant que l’activité du Crédit Foncier serait notamment « recentrée » sur « la gestion de l’encours des crédits existants jusqu’à leur extinction ».

« Gestion de l’encours des crédits existants jusqu’à leur extinction »

Selon le rapport financier semestriel de BPCE, le Crédit Foncier pèse aujourd’hui 77 milliards d’euros d’encours de crédits. Les emprunteurs actuels continueront donc de régler leurs mensualités directement auprès de la banque spécialisée. Même en interne, la question des crédits en cours n’est pas un sujet d’inquiétude : la direction semble avoir livré des garanties satisfaisantes.

Quel avenir pour la clientèle spécifique du Crédit Foncier ?

Se pose en revanche la question des futurs emprunteurs. Avec son positionnement particulier de spécialiste du financement de l’habitat, le Crédit Foncier gère de nombreux dossiers peu ou pas traités par les autres banques. L’établissement figure ainsi parmi les acteurs majeurs du Prêt à l’accession sociale (PAS), du Prêt à taux zéro (PTZ) ou de l’investissement en immobilier locatif. Au-delà du PAS et du PTZ, l’enseigne dispose de solutions adaptées aux ménages modestes, comme les prêts de durée longue (25 ou 30 ans), ou aux seniors, comme le prêt viager hypothécaire. Et le Crédit Foncier est un partenaire privilégié des réseaux de courtage en crédit, d’agences immobilières ou de construction de maison individuelle. La disparition de l’enseigne va-t-elle créer un vide ?

« Sanctuariser 2 milliards d’euros de production de crédit pour les prêts à l'accession sociale » en 2019

Non, répond BPCE, qui a affiché dès la fin juin son intention de préserver ce « savoir-faire » au sein des Banques Populaires et Caisses d’Epargne. Le groupe BPCE répète ainsi son envie de développer l’offre de prêts immobiliers de ses réseaux de banque de détail. L’objectif affiché reste comme annoncé fin juin de maintenir « la part de marché actuelle du groupe de 25% sur l’ensemble des compartiments du financement des projets immobiliers pour les particuliers, y compris sur les prêts sociaux ». Contactée, la communication du groupe réaffirme même ses ambitions sur le prêt à l’accession sociale en livrant un engagement chiffré : malgré la baisse de ce marché, BPCE veut « sanctuariser, pour l’année 2019, 2 milliards d’euros de production de crédit pour les PAS, soit autant qu’en 2018 ».

Un savoir-faire préservé ou dispersé ?

Concrètement, comment la continuité de cette activité va-t-elle s’articuler au sein des réseaux Banque Populaire et Caisse d’Epargne ? Sur ce point, un élu du comité d’entreprise déplore le « degré zéro de la préparation ». Cette source confirme la volonté du groupe de conserver l’expertise, mais craint que ce savoir-faire ne se retrouve dilué au sein des différentes banques et caisses régionales. « Gérer des clientèles spécifiques avec un processus industriel n’est pas si évident. Il va falloir reconstruire tout ce qui fonctionnait très bien au sein du Crédit Foncier. » Et elle redoute un calendrier trop resserré, avec l’échéance de décembre 2018 pour la fin de la production de nouveaux crédits.

« Reconstruire tout ce qui fonctionnait très bien au sein du Crédit Foncier »

Sollicitée, la communication du Crédit Foncier confirme que la continuité de l’activité sera assurée. Mais elle reconnaît que la future organisation reste en cours de réflexion, et qu’il est prématuré d’en dévoiler les contours. Une illustration, toutefois, des évolutions en cours : la Caisse d’Epargne Ile-de-France a intégré les prêts sur 30 ans à ses grilles de taux immobiliers, les durées longues étant l’une des spécialités du Crédit Foncier. Mais toutes les Caisses d’Epargne ou Banques Populaires feront-elles de même ? Là encore, il est trop tôt pour le savoir, même si BPCE met en avant des ambitions élevées concernant le développement du prêt immobilier.

La fin des crédits immobiliers sans domiciliation

Les partenariats avec les promoteurs immobiliers ou autres courtiers seront-ils renouvelés ? Un courtier partenaire témoigne lui aussi d’un discours rassurant de la part de BPCE, avec l’engagement de partenariats renforcés. Mais il anticipe un recentrage de la production de crédits, en écartant les dossiers jugés les moins rentables. Selon lui, la continuité de l’activité sera assurée pour les trois quarts de la production habituelle du Crédit Foncier : la majorité des dossiers PAS ou PTZ, déjà traités par les Banques Populaires et Caisses d’Epargne, devraient être pris en charge. L’incertitude porte plus sur les ménages modestes aux dossiers complexes, dont l’éligibilité au crédit pose question, ou pour le financement de l’investissement locatif, notamment en SCPI.

Pour l’investissement locatif, en particulier, la disparition du Crédit Foncier ôte une solution de financement sans domiciliation de revenus. BPCE n’a d’ailleurs pas caché ses intentions dans son communiqué fin juin : « L’activité de financement des particuliers [du Crédit Foncier] serait intégrée au sein des Banques Populaires et des Caisses d’Epargne, assortie d’une bancarisation des nouveaux clients ». La rentabilité de ce projet d’intégration repose en partie sur cette bancarisation.

Une activité maintenue, « assortie d’une bancarisation des nouveaux clients »

Jauffrey Ianszen, directeur du réseau Immoprêt, n’est cependant « pas inquiet » : « Passer par le Crédit Foncier pour un investissement en Pinel, c’était effectivement intéressant car il n’y avait pas de domiciliation, et que le financement était envisageable sans apport, à la différence des banques en ligne. » Mais il estime que cette frange de la clientèle pourra faire évoluer son mode de financement, et qu’ils « vont comprendre ». Plus généralement, concernant la disparition de l’enseigne Crédit Foncier, Jauffrey Ianszen reconnaît l’inquiétude initiale, comme « beaucoup de confrères », mais il a été rassuré par le discours de BPCE : « Les experts seront replacés. Si cela n’avait pas été le cas, là on aurait pu être inquiets. »

Au début de l’été, sur le site de débats Politique du logement, l’économiste et ancien président de l’Anil Bernard Vorms avait souligné l’intérêt de l’existence d’un spécialiste du crédit pour « deux types de clientèles auxquelles les banques françaises répondent moins bien que les établissements de crédit étrangers : les personnes âgées de plus de 60 ans et surtout les nouveaux profils professionnels, travailleurs indépendants et salariés sans CDI ». Selon lui, « la technicité du Crédit Foncier manquera pour mettre en place de nouveaux produits susceptibles de répondre à leur demande ». La direction de BPCE tente pourtant de rassurer les représentants syndicaux sur le maintien de toute la chaîne d’expertise – de l’analyse des dossiers au montage du financement – au sein du groupe. Les négociations restent en cours.