Vous avez reçu une importante somme d’argent ? Faut-il en profiter pour épargner ou pour rembourser votre crédit immobilier ? Les taux bas ont changé la donne. Explications.

Nadia et Morgan ont emprunté 200 000 euros à 2% en mars 2016 pour acheter leur résidence principale. Un taux compétitif pour un crédit sur 20 ans. En septembre, Nadia perçoit un héritage de 40 000 euros. Dilemme : doivent-ils utiliser ce pécule pour alléger leur crédit, ou en profiter pour épargner ? D’un strict point de vue financier, le remboursement anticipé gagne presque à tous les coups.

Exemple : le match crédit vs épargne

Nadia et Morgan choisissent d’utiliser toute cette somme pour alléger leur crédit en faisant un remboursement anticipé de 40 000 euros en ce mois de juin, soit un peu plus de 2 ans après leur première échéance. Malgré les 400 euros de pénalités (IRA), ils réduisent leur crédit de 4 ans et 5 mois, ce qui leur permet d’économiser près de 14 470 euros sur les intérêts et plus de 3 090 euros sur l’assurance (taux de 0,35%). Soit 17 160 euros gagnés sur le coût initial de 56 820 euros !

Sur la même durée, les 13 ans et 3 mois restants, il faudrait trouver un placement garantissant un taux net de tous prélèvements sociaux et fiscaux de 2,73% pour gagner autant d’argent, en plaçant ces 40 000 euros. D’un pur point de vue financier, autant dire que le remboursement est (quasi) imbattable !

Lire aussi : Ce que vous rapporte un remboursement anticipé

Et si les taux remontaient ?

Voilà pour la théorie. Cette conclusion n’est cependant valable qu’à court terme. « Sur le long terme, cette photographie peut changer », confirme Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier en crédit Cafpi. « Les taux sont très bas. A terme, ils ne peuvent que remonter. Pourquoi alors se priver d’un crédit pas cher, à taux fixe ? » En effet, en cette période de taux bas, le prêt immobilier permet de bloquer un taux d’intérêt faible, avantageux pour l’emprunteur. Or, en France, le taux fixe est une spécificité du crédit.

« Pourquoi se priver d’un crédit pas cher, à taux fixe ? »

Côté épargne, il n'existe aujourd'hui plus de produit permettant de bloquer un rendement élevé sur le long terme. Dans la famille des placements grand public, le Plan épargne logement a longtemps rempli ce rôle (2,50% brut pour les plans souscrits jusque janvier 2015) mais, depuis, la souscription d'un PEL a perdu tout son attrait.

Surtout, dans 2, 3 ou 6 ans, si les taux remontent, il sera toujours possible de passer d’un produit d’épargne à un autre pour profiter des plus rémunérateurs. En revanche, pour le crédit, une fois qu’un remboursement anticipé est réalisé, il ne sera plus possible de faire marche arrière. En d’autres termes, si l’on parie sur une remontée des taux dans un futur proche, mieux vaut conserver son pécule sur un produit d'épargne.

Et si les taux restaient durablement bas ?

Peu d’observateurs se risquent à faire des prévisions précises sur l’évolution des taux en 2018-2019 et lors des années suivantes. Un consensus se dessine tout de même autour d'une remontée très lente : les taux resteraient ainsi durablement bas, pour l’épargne comme pour le crédit. Dans ce cas, le pari de l’épargne aura été perdant, financièrement parlant. Cependant, en cas de nouvelles baisses significatives des taux immobiliers, les emprunteurs pourront toujours racheter ou renégocier leur crédit pour en alléger le coût.

D’autres arguments, moins hypothétiques, penchent en faveur du placement plutôt que du remboursement. Interrogés sur ce même cas concret, un conseiller en gestion de patrimoine (CGP) et un courtier en crédit ont ainsi livré le même conseil : conserver l’argent. L’un est pourtant spécialiste de l’épargne et l’autre du crédit. Mais l’un comme l’autre livre le même argument principal : la souplesse !

Profitez de la forte baisse des taux pour réaliser votre projet !

Epargner : de la souplesse pour prévenir les coups durs

« Si vous remboursez et que demain vous avez un pépin, ou que vous perdez votre emploi, comment faites-vous ? », interroge Yves Gambart de Lignières, CGP indépendant (De Lignières Patrimoine). « Vous contractez un crédit conso ? Là le gain financier sur le coût du crédit serait caduc ! » En particulier dans le cas d’un jeune couple ayant optimisé son taux d’endettement, Yves Gambart de Lignières opte pour l’épargne, en conseillant surtout de placer cet argent sur des placements liquides, par exemple une partie sur un Livret A pour en disposer à tout instant, le reste sur une assurance-vie, en privilégiant le fonds en euros et « en évitant les fonds actions ». « Tout dépend de la composition du patrimoine des emprunteurs », nuance le CGPI, mais selon lui « il ne faut pas rembourser », quasiment dans tous les cas : « Cela permet de conserver une liberté qui vaut beaucoup d’argent ! »

« Conserver une liberté qui vaut beaucoup d’argent ! »

Par ailleurs, si les emprunteurs ont emprunté un montant maximum pour acquérir leur logement, le courtier en crédit Philippe Taboret voit cette rentrée d’argent comme une opportunité : « Ils peuvent réaliser des travaux ou effectuer des achats qu’ils ne pouvaient s’offrir quelques mois plus tôt. Car pour ce profil d’emprunteurs, la résidence principale est aussi leur principal placement. Donc autant soigner ce bien en priorité. »

Rembourser : si les mensualités sont trop importantes

La liberté qu’apporte cette entrée d’argent peut tout de même servir à alléger le prêt immobilier. Mais pas pour réduire la durée de l’emprunt, plus dans une logique de gestion de budget à plus court terme : « Si les emprunteurs ont trop forcé sur leur endettement et qu’ils s’en rendent compte au bout de quelques mois, un remboursement anticipé peut permettre de réduire les mensualités », convient Philippe Taboret. Objectif : retrouver du pouvoir d’achat.

Le directeur général adjoint de Cafpi transpose cette même logique à un autre type de profil : « Lorsque l’on approche de la retraite et que le budget est restreint, mieux vaut chercher à abaisser les charges mensuelles pour se ménager une zone de confort. » Deux cas de figure qui rejoignent un argument bien plus subjectif : l’aspect psychologique. Certains emprunteurs préfèreront toujours alléger leur dette. « C’est très personnel, et cela vaut tous les arguments », reconnaît le courtier, même s’il conseillera systématiquement le contraire.

Ce qu'il faut retenir

A court terme et financièrement parlant, effectuer un remboursement anticipé est souvent plus rentable qu'épargner.

A moyen et long terme, il peut être plus malin de profiter pleinement des taux bas actuels sur le crédit. En anticipant une remontée des taux, l'emprunteur profitera toujours d'un crédit « pas cher » et, à terme, d'un meilleur rendement sur ses placements.

Suivant votre situation actuelle, vous pouvez également choisir de baisser vos mensualités pour alléger votre budget mensuel.