Depuis le début de l’année, tout emprunteur peut changer d’assurance de prêt immobilier ! Une petite révolution pour ce marché cadenassé par les banques. Cependant, le changement d'assurance n’a rien d’une formalité.

Au 1er janvier 2018, la loi du 21 février 2017, déjà surnommée « loi Bourquin », a changé la donne pour tout particulier remboursant un prêt immobilier : il peut demander la substitution de son assurance emprunteur par un contrat alternatif, afin de réduire ses cotisations ou pour améliorer sa couverture.

Le mode d’emploi : Comment changer d’assurance de prêt immobilier ?

A tous les coups l’on gagne ?

Les assureurs concurrents des groupes bancaires et les courtiers en crédit ou en assurance se sont évidemment emparés du sujet, en multipliant les prises de paroles et publicités sur le sujet. Parmi les messages diffusés, simulations à l’appui : « des milliers d'euros à économiser pour tous les emprunteurs ». Réaliste, en sachant que l’âge ou l’état de santé, qui ont évolué depuis la signature du crédit, peuvent faire grimper les prix ? « Les assureurs alternatifs ont vraiment baissé leurs tarifs », observe Isabelle Tourniaire, responsable des études du cabinet spécialisé BAO. « Ils étaient déjà bas mais ils les ont à nouveau abaissé dans l’optique de la loi Bourquin. » Autrement dit : « Pour les emprunteurs, dans tous les cas, il est intéressant de faire un devis. »

« Le problème des comparateurs, c’est qu’ils ne prennent pas en compte l’équivalence des garanties »

En revanche, Isabelle Tourniaire met en garde contre les simulations réalisées trop rapidement sur internet, en évoquant le cas d’emprunteurs déçus par les devis finaux, moins avantageux que la première simulation : « Le problème des comparateurs, c’est qu’ils ne prennent pas en compte l’équivalence des garanties », souligne-t-elle. En effet, le changement d’assurance est possible à condition que les garanties du nouveau contrat d’assurance soit au moins équivalentes à celle de l’assurance initiale. « Il faut très vite choisir un interlocuteur qui est capable d’identifier les caractéristiques du contrat initial, et de les comparer efficacement », développe Isabelle Tourniaire. Mieux vaut donc se tourner dès le départ vers le (ou les) assureur(s) de son choix.

Comment va réagir la banque prêteuse ?

Plusieurs lois (Chatel, Lagarde, Hamon) ont eu vocation à rendre le marché de l’assurance emprunteur plus concurrentiel lors des dix dernières années. Sans succès, la part de marché des assureurs filiales des groupes bancaires reste de 85% : les banques qui octroient les crédits immobiliers tiennent à conserver la main sur l’assurance liée. La « loi Bourquin » ouvre le changement à l’ensemble des emprunteurs mais les banques ne laisseront évidemment pas leurs clients partir sans réagir : « Elles vont répondre avec des offres défensives quand un emprunteur lancera les démarches, à l’image de la procédure de renégociation de taux immobilier », avance Sandrine Allonier, directrice des relations banques du courtier VousFinancer.

Surtout, comme le gendarme bancaire, l’ACPR, l’a signalé dans un rapport récent, les banques ont par le passé usé de pratiques visant à « ralentir » les démarches de changement d’assurance. Objectif : décourager les emprunteurs. Car les établissements de crédit ont un rôle clé : tout changement d’assurance est soumis à l’acceptation de la banque prêteuse !

« Plusieurs échéances sont envisageables » pour demander le changement

Ces pratiques auront-elles toujours cours avec la « loi Bourquin » ? Pas impossible, car il reste des zones d’ombre dans la procédure de changement. Principale ambiguïté : à quelle date faut-il faire jouer son droit annuel de résiliation ? « Les banques évoquent la date anniversaire du crédit mais, lorsqu'aucune date n'est précisée dans le contrat, plusieurs échéances pourraient être retenues », égraine Isabelle Tourniaire, de BAO : « la date anniversaire de la demande d’adhésion, celle de l’émission de l’offre de prêt, celle de la signature de l’offre, celle du déblocage des fonds, celle de la première mensualité, etc. » Autre problème : les anciens contrats de crédit ne disposent pas de la fiche standardisée d’information aujourd’hui en vigueur. Ce qui complique évidemment l’équivalence de garanties.

Pour résumer, si une banque veut mettre des bâtons dans les roues d'un emprunteur désireux de changer d’assurance, elle en a toujours les moyens. Comment lever ces ambiguïtés ? « Le CCSF (1) pourrait peut-être établir une règle de place », juge Isabelle Tourniaire, en particulier sur la question de la date d’échéance annuelle. En attendant, les emprunteurs souhaitant changer d’assurance doivent être conscients que la démarche ne sera pas une simple formalité !

Plus d’infos sur l’assurance de prêt immobilier

(1) Comité consultatif du secteur financier (CCSF), organisme lié à la Banque de France.