La clause de transfert de crédit immobilier, c’est une astuce méconnue pour conserver un taux « canon » en cas de futur changement de résidence principale. Mais cette clause a priori alléchante est-elle si utile et facile d’accès ?

Malgré la légère remontée des taux, depuis décembre 2016, les conditions de financement actuelles restent exceptionnellement favorables aux emprunteurs. En avril, les prêts sur 15 ans se négociaient en moyenne à 1,40% selon l’observatoire Crédit Logement-CSA, à 1,62% sur 20 ans et 1,90% sur 25 ans. Si les observateurs et économistes se risquent peu à livrer des estimations chiffrées, tous s’accordent sur le fait que la pente ascendante devrait perdurer. Dans ces conditions, pouvoir conserver un taux négocié en ce printemps 2017 pour une opération future ne peut être qu’une bonne affaire !

C’est justement l’objet de la clause de « report ou transfert du prêt sur un autre bien », une dénomination évoluant selon les contrats. Cette clause permet de conserver son financement à l’identique, dans la même banque, lors d’une opération d’achat-revente, avec éventuellement la souscription d’un crédit complémentaire. Une option qui s’active sans frais ni indemnités de remboursement anticipé, puisque l’opération ne nécessite pas le rachat du prêt. Seuls frais éventuels : la facturation de l’avenant actant ce transfert.

Une option rare, et non négociable

« Si elle ne figure pas dans le contrat, il sera quasi impossible de la faire ajouter »

Problème : toutes les banques n’intègrent pas cette clause dans leurs contrats de prêt immobilier. Et cette présence « ne se négocie pas », affirme Cécile Roquelaure, directrice de la communication du courtier Empruntis. « Si elle figure dans les conditions générales, tant mieux. Si elle n’y figure pas, il sera quasi impossible de la faire ajouter. » A ce jour, toujours selon Cécile Roquelaure, « seules deux banques nationales proposent le transfert de prêt, et deux réseaux mutualistes, mais pas dans toutes les régions ».

Leur identité ? Les courtiers ne la divulgent pas. Mais BNP Paribas confirme proposer cette clause, et la Banque Postale fait traditionnellement figurer cette possibilité dans ses contrats. Si vous avez signé un crédit récemment dans ces enseignes ou dans un réseau mutualiste, vous disposez peut-être de cette clause sans le savoir.

Des conditions strictes pour l’appliquer

Le simple fait de disposer de cette clause ne vous garantit toutefois pas de pouvoir transférer votre prêt actuel sur un nouveau bien dans 5 ou 6 ans. Les banques réclament ainsi que le nouveau bien soit dédié au même usage que celui du prêt initial (résidence principale vers résidence principale, par exemple), que le ou les emprunteurs n’affichent pas d’incidents de paiement, et que la valeur du bien soit supérieure ou égale à celle de l’ancien. « Il ne faudrait pas qu’une partie du capital restant dû devienne vacante », explique Cécile Roquelaure, d’Empruntis. Une autre condition varie elle d’un établissement à un autre : « Certains acceptent un délai de 6 mois entre la vente et l’acquisition. D’autres exigent que la signature ait lieu le même jour, chez le notaire ! »

« Dans les faits, la validation de ce transfert n’est pas acquise »

Si toutes ces cases sont cochées, il reste une étape à valider avant de faire jouer la clause de transfert : obtenir l’accord d’un organisme de cautionnement, c’est-à-dire Crédit Logement ou un organisme interne à un réseau tel que CEGC à la Caisse d’Epargne. « Les paramètres analysées lors du prêt initial peuvent avoir évoluer, et le bien n’est pas le même », souligne Jauffrey Ianszen, directeur réseaux et développement d’Immoprêt. « Dans les faits, la validation de ce transfert n’est donc pas acquise. » Quid d’un crédit hypothécaire ? Le transfert n’est pas envisageable (1), affirme Jauffrey Ianszen, car « le prêt est affecté à un bien financé », le logement initial.

Une clause coûteuse, retirée petit à petit des contrats

L’opération peut s’avèrer coûteuse pour la banque. En 2020, transférer un prêt de 1,60% sur 20 ans souscrit en 2017 sera évidemment moins rentable que d'octroyer un nouveau crédit de 3% (taux hypothétique). Raison pour laquelle certaines banques ont « suspendu cette option début 2016 » comme le soulignait à l’époque Sandrine Allonier, directrice des relations banques de VousFinancer, dans un communiqué.

Certaines banques ont « suspendu cette option début 2016 »

En ce printemps 2017, Cécile Roquelaure, d’Empruntis, confirme : « Une grande banque nationale et un grand réseau régional ont cessé de faire figurer cette clause dans leurs contrats en 2016. » A ce jour, le volume de transferts de prêt est évidemment anecdotique. Mais il pourrait bondir lors des prochaines années, sous l'impulsion d'emprunteurs cherchant à conserver les taux bas record de la période 2016-2017.

Un « plus » pour arbitrer deux offres équivalentes

Côté emprunteur, cette clause est donc d’une aubaine à saisir si elle se présente. Toutefois, les courtiers interrogés déconseillent de s’arc-bouter sur ce point : « Entre deux offres de financement équivalentes, sur le taux, la garantie et les frais, s’il l’une des deux comporte la clause de transfert, il ne faut pas s’en priver », conseille Jauffrey Ianszen, d’Immoprêt. Mais ce raisonnement ne vaut que pour deux offres extrêmement proches ou en tous points similaires : « L’argument majeur restera le financement », ajoute Jauffrey Ianszen. La clause de transfert ne constitue en effet qu’un pari sur l’avenir, et son activation reste hypothétique, en raison des nombreuses conditions préalables à son activation. A l'heure de signer un crédit, cet élément reste un « petit plus », en rien une priorité.

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(1) En théorie, le transfert d'un prêt avec une garantie hypothécaire est possible, mais coûteux et plus complexe qu'en réalisant un transfert de caution, qui lui n'implique pas de frais supplémentaires. En cas d'hypothèque, il est donc « possible d'activer la clause de transfert », complète Jauffrey Ianszen, par exemple « en faisant la mainlevée » pour basculer entièrement sur le cautionnement. Ou encore en transférant l'hypothèque vers le nouveau bien, en accord avec la banque et en réalisant un acte notarié.