Le droit annuel de substitution d’une assurance emprunteur par une autre a été retoqué par le Conseil constitutionnel, dans le cadre de la loi Sapin 2. Mais les sénateurs l’ont réintroduit dans un autre texte. Explications.

Sortie par la petite porte, retour par la fenêtre ! Le feuilleton du changement d’assurance de prêt immobilier a connu un rebondissement inattendu. Mercredi 21 décembre, le Sénat a adopté un amendement (1) créant un droit de substitution de l’assurance emprunteur, chaque année, donc au-delà des 12 premiers mois du contrat de crédit, délai instauré par la loi Hamon.

Pour comprendre, rappel de l’épisode précédent. En septembre dernier, dans le cadre de la loi Sapin 2 (2), les députés ont décidé d'instaurer la possibilité pour les emprunteurs de changer chaque année d’assurance de prêt immobilier. La mesure a passé toutes les étapes de la navette parlementaire, pour finalement être censurée par le Conseil constitutionnel. Non pas sur le fond mais sur la forme : elle ne présentait « aucun lien, même indirect, avec l’objet initial » de la loi Sapin 2.

Lire à ce propos : La résiliation annuelle de l'assurance emprunteur censurée par les Sages

Cette mesure faisant relativement consensus à l’Assemblée et au Sénat, il s’agissait de trouver un nouveau véhicule législatif. Joint par cBanque à la mi-décembre, le député PS Pierre-Alain Muet, moteur sur ce dossier, ne cachait pas sa déception : « Bien sûr que je souhaite redéposer un texte ! Mais il ne reste plus beaucoup de temps avant la fin de la mandature. Ni beaucoup de loi à amender. »

Un amendement qui ne concerne que les nouveaux contrats

C’est son collègue sénateur Martial Bourquin (PS) qui a trouvé le véhicule idoine : un projet de loi ratifiant deux ordonnances relatives à la consommation. Son amendement, déposé au nom de la commission des affaires économiques et adopté en séance, « encadre les modalités d’exercice du droit de résiliation et de substitution annuel du contrat dans les mêmes conditions que celles prévues durant le délai de 12 mois à compter de la signature de l’offre de prêt », pour reprendre le commentaire de l’amendement.

La même mesure que celle initialement prévue par la loi Sapin 2 ? Pas tout à fait. Cette faculté de résiliation et substitution annuelle ne concernerait que les « offres de prêt émises à compter du 1er mars 2017 ».

Une proposition de loi à venir pour les contrats en cours

Pourquoi cette restriction ? Cette décision fait suite à un « consensus » en commission comme l’a expliqué Martial Bourquin en séance au Sénat : « Non pas que nous ne voulions pas toucher au stock, mais nous voulons mettre en place un groupe de travail, qui œuvrera jusqu’en mars 2017, qui aura pour mission de rédiger une proposition de loi concernant les contrats déjà signés. »

Conscient du « risque constitutionnel », les sénateurs ont ainsi préféré « mettre ceinture et bretelles », comme l’illustre Martial Bourquin, en agissant en deux temps : un amendement dans un premier temps pour les nouveaux contrats, une proposition de loi ensuite pour les anciens. Le gouvernement s’est ainsi déclaré favorable à l’amendement, et la secrétaire d’Etat chargée de la consommation Martine Pinville a déclaré en séance qu’il « faut trouver une solution pour les huit millions de contrats en cours », avant d’ajouter : « Le gouvernement remettra donc, en mars 2017, un rapport sur ce sujet. »

Modifié et adopté en première lecture par le Sénat, le projet de loi a été envoyé en commission mixte paritaire pour élaborer un texte de consensus avec l’Assemblée nationale.

Déjà « un droit de résiliation », mais un « flou sur la substitution »

Les différentes tentatives des parlementaires visent à clarifier un débat d’ordre juridique. En effet, en mars dernier, la Cour de cassation a pris une décision fermant la porte à la résiliation-substitution annuelle. Les différentes parties prenantes s’appuient d’un côté sur le code des assurances, de l’autre sur le code de la consommation, qui peuvent être jugés contradictoires sur ce sujet.

Selon Isabelle Tourniaire, du cabinet conseil BAO, il existe bien, à ce jour, « un droit de résiliation », mais il subsiste « un flou sur la substitution ». Autrement dit, il est possible de résilier son contrat mais c'est son remplacement par une autre assurance qui peut poser problème : « Avant la loi Lagarde [en 2010, NDLR], ces demandes de résiliation à échéance d'emprunteurs immobiliers étaient largement acceptées », expliquait la responsable des études de BAO à la mi-décembre. « Elles le sont bien plus difficilement aujourd’hui. En effet, juste après la loi Hamon [en 2014, NDLR], les banques ont verrouillé leurs contrats de prêts pour ''interdire'' la substitution au-delà de 12 mois, pensant ainsi pouvoir priver les emprunteurs de leur droit de résiliation. »

Lire aussi l’interview : La résiliation annuelle va redonner du pouvoir à l'emprunteur

(1) Amendement n°8, créant un article additionnel après l’article 4 du projet de loi ratifiant les ordonnances sur la partie législative du code de la consommation et sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers.

(2) Loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.