Ce n'est plus un scoop : les taux de prêt immobilier sont au plus bas de leur histoire. A tel point que les emprunteurs, même s'ils ont déjà réalisé un rachat l'année dernière, ont tout intérêt à renégocier une nouvelle fois ! Ce rachat, qui engendre des frais supplémentaires, ne sera toutefois rentable que si l'écart de taux est suffisant.

Les taux de crédit immobilier attaquent cette rentrée scolaire comme ils ont entamé leur été : par une baisse et, donc, par de nouveaux records. Les taux fixes sur 20 ans se situent désormais à 1,64% en moyenne selon le courtier Meilleurtaux, et à 1,43% sur 15 ans. Le mois dernier, l’observatoire Crédit Logement-CSA relevait lui aussi une nouvelle baisse, de 1,67% en juin à 1,59% en juillet pour les prêts immobiliers sur 20 ans. Un mois plus tôt, ce même observatoire avait reconnu sa « surprise » concernant les niveaux record atteints par les taux. En effet, en décembre 2014, les prêts sur 20 ans se négociaient en moyenne à 2,50% et l'observatoire parlait déjà de plus bas inédit.

Conséquence directe de ces records à répétition : les emprunteurs se sont rués dans leur banque et chez les courtiers pour renégocier leur crédit, afin d’obtenir de meilleures conditions de remboursement. En août 2015, les rachats et renégociations représentaient ainsi plus de la moitié des volumes de prêts à l’habitat selon la Banque de France. Cette part est redescendue sous les 30% en début d’année 2016 mais, suite aux nouvelles baisses de taux, elle dépasse à nouveau 44%. D’où cette question : à quel moment faut-il racheter ? Et peut-on multiplier les rachats pour un même projet immobilier ?

Viser « 1% » de moins ?

Longtemps, une règle a été rabâchée : pour s'intéresser à un rachat de prêt immobilier, il faut viser 1 point de moins. Autrement dit des taux qui se négocient à 2%, par exemple, quand le crédit en cours a été signé à 3%. Pourquoi cet écart ? Car racheter son crédit en changeant de banque prêteuse engendre des coûts : pénalités ou indemnités de remboursement anticipé (IRA), frais de garantie, frais de dossier, de courtage, etc.

Lire à ce propos : Racheter son crédit immobilier, combien ça coûte ?

Exemple : un crédit de 2014 racheté en 2015 - étape 1

Mars 2014. Agnès et Tony signent un crédit immobilier de 200.000 euros à un taux nominal de 3,21% sur 20 ans. Avec l'assurance et les différents frais, le taux effectif global (TEG) ressort à 3,84% pour un coût total de 97.630 euros.

Juin 2015. Au plus fort de la baisse des taux, ils obtiennent un rachat dans une autre banque (1). Objectif du moment : abaisser leurs mensualités. Ils optent donc pour un prêt conservant la même date de fin de remboursement, avec un taux nominal de 2,17% pour un TEG de 2,78%. Ils parviennent ainsi à abaisser leur mensualité de 1.230 euros à 1.156 euros, à partir du 1er juillet 2015.

Les IRA, pourtant, se font de plus en plus minces en cette période de taux bas. « Dans les faits, un écart de 0,70 point peut parfois suffire », expliquait ainsi Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux, au printemps dernier. Son concurrent AceCrédit est quasiment sur la même longueur d’ondes : « Aujourd’hui, avec un écart de 0,80 point, cela peut devenir intéressant », juge Frank Levy, directeur général du groupe, avant de nuancer : « Mais c’est un minimum, sinon, les gains risquent d’être faibles. »

Autre courtier, autre son de cloche : « Il faut au minimum un delta de 1% entre l’ancien et le nouveau crédit », tempère Sylvain Lefèvre, président de la Centrale de financement, en pointant les pratiques trop « agressives » de certains courtiers sur la renégociation : « Il faut aussi qu’il reste une dizaine d’années de remboursement pour que l’opération soit rentable. Réaliser un rachat pour gagner 5 à 10 euros par mois, cela ne correspond pas à notre vision. »

Multiplier les rachats, c'est multiplier les coûts

Evidemment, tous ces courtiers renvoient à une logique du cas par cas. Car la règle du point d’écart (ou même de 0,70 pt) n’offre qu’un ordre d’idée. D’autant que certains frais sont incompressibles : comme le fait de conclure une nouvelle caution bancaire, ou de réaliser une mainlevée hypothécaire.

Un nouveau rachat en 2016 - étape 2

Eté 2016. Il reste un peu moins de 18 ans de remboursement. Agnès et Tony réalisent un deuxième rachat, dans une troisième banque, en cherchant à diminuer le coût de leur financement.

Cette fois, ils ramènent leur prêt sur 15 ans, à un taux de 1,36% (pour un TEG de 2,45%). Leur mensualité remonte à 1.256 euros au 1er août, mais ils économisent en tout plus de 34.500 euros par rapport à leur crédit initial de 2014, malgré les frais accumulés lors des deux rachats.

Les baisses de taux successives ont toutefois été si importantes que de nombreux emprunteurs ont réalisé plusieurs rachats ces dernières années, à l'image de l'exemple ci-dessus. « Nous avons des clients réalisant actuellement un rachat et qui en ont déjà réalisé un voire deux précédemment », confirme Frank Levy, d’AceCrédit, avant de citer des cas plus extrêmes de rachats « 1 an à 8 mois » après avoir signé leur premier crédit. A l’image de ces « serial racheteurs », racheter son crédit en 2014, en 2015 puis en 2016 est-il vraiment rentable ? Puisque ces procédures multiplient aussi les frais.

Scénario alternatif : le crédit de 2014 racheté uniquement en 2016

Eté 2016. Et si Agnès et Tony avaient attendu jusqu’en 2016 pour effectuer un seul et unique rachat. En visant directement le prêt sur 15 ans à 1,36%.

Côté mensualité, la différence n'est pas énorme : une mensualité de 1.243 euros (contre les 1.256 euros de l'exemple précédent) pour un coût total cumulé de 60.508 euros (contre 63.090 euros pour le premier scénario). Une différence qui s'explique par les frais supplémentaires occasionnés à chaque rachat. Une différence toutefois à relativiser par rapport aux 97.630 euros de coût total que représentait le plan de financement initial.

Et la simple renégociation, sans changer de banque ?

Lorsque le gain potentiel d’un rachat s’avère peu significatif, l’alternative peut être la simple renégociation. C’est-à-dire le fait de signer un avenant dans sa banque qui accepte de revoir le taux de crédit à la baisse. Dans ce cas, le taux ne sera peut-être pas aussi compétitif que dans une banque concurrente, mais l’opération n’engendrera ni IRA, ni frais de garantie !

A condition que la banque accepte, bien évidemment : « Il y a 2 ans, les banques rappelaient rarement leur client pour la renégociation », se remémore Sylvain Lefèvre, de la Centrale de financement. « Aujourd’hui, lorsqu’un client vient nous voir pour une simulation de rachat, avant de contacter sa banque, cette dernière le rappelle quasi systématiquement pour prendre rendez-vous », affirme-t-il. Frank Levy, d’AceCrédit, estime lui aussi que les banques ont « retenu la leçon » de l’année 2015 : « A mon avis, elles ont œuvré pour être plus réactives sur le réaménagement de crédit. »

D’autant que les emprunteurs souhaitant racheter ou renégocier ont un avantage : ils ne sont plus pressés. « On vit dans un monde de confort où les taux bas sont devenus la normalité », analyse Sylvain Lefèvre. Oubliée « l’urgence » de l’été 2015, de peur que les taux ne remontent. Vous avez tout le temps d’analyser et de négocier !

Un produit d'appel dans les banques en ligne

Le rachat de crédit est un moyen privilégié pour attirer les clients. Les banques en ligne l'ont bien compris : il est ainsi possible d'effectuer une demande de prêt en ligne chez Boursorama ou chez ING Direct à des taux concurrentiels. Trois autres banques ont d'ores et déjà annoncé leur arrivée prochaine sur ce créneau : Fortuneo, BforBank et Monabanq.

(1) Dans nos exemples, nous avons intégré, pour chaque nouveau rachat de crédit, les indemnités de remboursement anticipé (IRA) de l’ancien crédit, des frais de dossier de 500 euros, et les sommes perdues dans la manœuvre pour la caution bancaire, en l’occurrence une garantie Crédit Logement (près de 1.000 euros à chaque rachat, la caution n’est jamais restituée intégralement). L'assurance, elle, est calculée sur la base d'un taux annuel de 0,60% (pour deux têtes) du capital emprunté.