Malgré la crise économique, les défauts de remboursement de crédits immobiliers n’ont pas explosé en France, contrairement à d’autres pays développés. Une exception qui doit beaucoup à l’habitude des banques françaises de s’appuyer sur les ratios d’endettement des ménages pour définir leur politique d’octroi.

L’édition datée de mars 2016 de « Rue de la Banque », un périodique publié par la Banque de France, s’intéresse à cette « exception » française, dans une étude (1) signée de deux économistes de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Contrairement à d’autres pays (Suède, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, etc.), rappellent les auteurs, il n’existe toujours pas en France de « limites réglementaires » imposant aux prêteurs de respecter certains ratios dans leur politique d’octroi de crédits immobiliers. L’étude précise à ce titre qu’un « relâchement des normes d’octroi » a été observé dans l’Hexagone « dans les années 2000 et ce jusqu’à la crise [des subprimes, en 2007] », dans un contexte de croissance de la production de crédits et de hausse des prix de l’immobilier.

Pourtant, ce « relâchement » n’a pas abouti à une explosion du taux de défaut à la suite du déclenchement de la crise bancaire. Certes, il a crû sur les profils à risque fort et moyen, mais sans mettre en péril la stabilité du système bancaire, comme cela a été le cas dans d’autres pays développés.

La gestion combinée des ratios pour réduire les risques

Comment les banques françaises sont-elles parvenues à limiter les risques de défaut dans ce contexte particulier ? En gérant « en combinaison » deux ratios : le taux d’apport personnel (ou ratio LTV pour Loan to Value) , qui rapporte le montant d’un prêt immobilier à la valeur du bien financé ; et le taux d’effort (ou ratio DSTI pour debt service to income) , qui rapporte les charges de remboursement au revenu disponible des ménages emprunteurs.

A partir de l’analyse de « 850.000 dossiers de prêts destinés à l’acquisition de la résidence principale » distribués dans les années 2000, les deux chercheurs ont mis en évidence des interactions entre ces deux ratios. Les chiffres compilés montrent notamment que le taux d’effort toléré par les établissements de crédit est plus faible pour les prêts dont le ratio LTV atteint ou dépasse les 100% que pour ceux dont le LTV est compris entre 95% et 100%. En résumé, les banques ont eu tendance à ne financer les emprunteurs, dont le prêt atteignait ou dépassait la valeur du bien acheté, que lorsque la charge de remboursement était faible par rapport à leur revenu disponible. De même, le ratio LTV moyen des opérations où le taux d’effort dépasse les 36% est inférieur à celui des opérations où le taux d’effort est compris entre 33 et 36%.

Ainsi, concluent les auteurs, « en l’absence de toute contrainte réglementaire, les banques paraissent donc bien utiliser les ratios LTV et DSTI pour éviter une prise de risque excessive. La connaissance des clients et des facteurs de risque associés à leurs caractéristiques leur permet de maintenir le risque de crédit (…) à un niveau soutenable. »

(1) Michel Dietsch et Cécile Welter-Nicol, « Taux d’apport personnel et taux d’effort : comment les banques françaises limitent leurs risques en matière de crédit immobilier », Rue de la Banque mars 2016