C'est une conséquence des niveaux historiquement bas des taux du crédit immobilier : il est aujourd'hui impossible d'obtenir un prêt épargne logement car son taux dépasse celui de l'usure. Si depuis plusieurs années le prêt issu d'un Plan d'épargne logement n'était plus concurrentiel par rapport aux taux de marché, il restait utilisé pour obtenir la prime versée par l'Etat. C'est désormais l'accès à cette prime d'Etat qui se trouve compromis dans le cadre d'un prêt immobilier.

Décidément, la chute actuelle des taux du crédit immobilier à des niveaux historiquement bas a des répercussions pour le moins inattendues. Si elle submerge les banques de nouvelles demandes et fait le bonheur des emprunteurs d'hier (via les renégociations de prêts) et d’aujourd’hui, elle pose dans le même temps quelques problèmes aux détenteurs de certaines générations de Plans d’épargne logement. Par effet ricochet, ces derniers voient en effet leur accès à la prime d’Etat – à laquelle le PEL donne droit – sérieusement compromis.

L’origine du problème : le taux actuel de l’usure pour un crédit immobilier à taux fixe. Déterminé chaque trimestre par la Banque de France (sur la base de la moyenne des TEG pratiqués par les banques, majorée d'un tiers), ce taux de l'usure s'établit à 4,49% pour le 2e trimestre 2015 (contre 5,19% un an plus tôt). Soit un niveau inférieur à celui du taux du prêt à l’habitat que l’on pourrait obtenir grâce à un PEL, rendant ce prêt usuraire et donc illégal. Et puisque pour les PEL ouverts à compter de la fin 2002, le versement de la prime d’Etat est conditionné à la réalisation d’un prêt épargne logement, c’est donc l’accès à cette prime qui s’en retrouve presque complètement bloqué.

Prime d’Etat et taux de l’usure

Comme le montrent certains témoignages dans notre forum, ce conditionnement amenait bon nombre de détenteurs de Plans d’épargne logement à demander un crédit d’un montant minimum – malgré son taux élevé – dans l’unique but de récupérer la prime d’Etat, pour un montant pouvant s’élever jusqu’à 1.525 euros. Bien entendu, pour que le jeu en vaille la chandelle, il fallait avoir cumulé suffisamment d’intérêts (en fonction desquels le montant de la prime d’Etat est calculé) et/ou être en mesure de bénéficier d’une majoration de cette prime, accordée en fonction du nombre de personnes à charge « vivant habituellement dans le logement ». De fait, cette tactique s’avère aujourd’hui bien compromise, mais à des degrés divers suivant « l’âge » du PEL. En effet, depuis décembre 2002, date à laquelle l’octroi d’un prêt épargne logement est devenu une condition à l’obtention de la prime, la règlementation du PEL, assez complexe, a encore évolué à plusieurs reprises.

En savoir plus sur le Plan d’Epargne Logement et son fonctionnement.

Inventaire de ces différentes générations de PEL et des conséquences du niveau actuel du taux de l’usure :

PEL ouverts avant le 12 décembre 2002

Pour un PEL ouvert avant le 12 décembre 2002, le problème ne se pose pas. La prime d'Etat est directement comprise dans le taux de rémunération du Plan et elle sera récupérée lors de la clôture. Ainsi, un PEL ouvert le 1er janvier 2000 était rémunéré les dix premières années à 4,50%, dont les 2/7° représentaient la prime d'Etat, jusqu'à concurrence des 10.000 francs de l'époque.

PEL à 4,50% ouverts entre le 12 décembre 2002 et le 31 juillet 2003

Cette courte période a donné le jour à une génération « bancale » de Plans d’épargne logement. Le taux de rémunération de 4,50% intègre toujours la prime d’Etat et ce n'est qu'à la clôture que cette prime est déduite des intérêts pour n'être effectivement versée que si un prêt est octroyé. Ce sont aussi les PEL qui sont les plus affectés par la situation actuelle. En effet, ces plans donnent droit à un prêt présentant un taux effectif global de 4,86% (1) hors frais supplémentaires, 0,37 point au dessus de l’usure et donc impossible à obtenir.

PEL à 2,50% ouverts entre le 1er août 2003 et le 28 février 2011

A partir de cette date, la situation est quelque peu clarifiée avec une prime qui n’est plus comprise dans le taux d’intérêt. Et, au premier abord, ces PEL semblent moins impactés par le niveau du taux de l’usure, puisque les prêts auxquels ils donnent droit correspondent à un TEG de 4,12%. Mais en intégrant les frais de garantie, cautionnement ou hypothèque, ainsi que l’assurance, le taux effectif global dépassera facilement les 4,49%, rendant le crédit là aussi usuraire.

PEL à 2,50% ouverts entre le 1er mars 2011 et le 31 janvier 2015

Les PEL ouverts depuis le 1er mars 2011 ont désormais une durée de vie limitée à 15 ans. Autre modification : la prime d’Etat n’est versée qu’à l’octroi d’un Prêt épargne logement d’un montant minimum de 5.000 euros. Par ailleurs, le montant maximal (1.525 euros) de cette prime est désormais réservé au financement d’acquisitions ou de construction de logements « verts ». La prime ne pouvant excéder 1.000 euros en dehors de ces conditions. En revanche, la rémunération de l’épargne de cette génération de PEL ainsi que le taux du prêt auquel ils donnent droit (4,12%) n'ont pas évolué. Par rapport au taux de l’usure, ils se retrouvent ainsi dans la même situation que ceux de la génération précédente.

Concernant la dernière génération de PEL (ouverts depuis le 1er février 2015), enfin, la question ne se pose pas aujourd’hui. En effet, même s’ils ne se heurtent pas au même problème sur l’usure (avec un taux contractuel de prêt PEL de 3,20%), ces derniers ne se trouvent pas encore dans la phase où les droits à prêt - et à prime - sont acquis (à partir de 3 ans, voire 4 ans pour une prise en compte « totale »).

Obtenir la prime d’Etat malgré tout

En résumé, pour les Plans d’épargne logement ouverts depuis décembre 2002, l’octroi d’un prêt à l’habitat ainsi que le déblocage de la prime d’Etat s’avère impossible à ce jour. Deux options alternatives s’offrent néanmoins aux détenteurs de ces PEL. La première et peut-être la plus simple : prendre patience et attendre que les taux de marché du crédit immobilier remontent, entrainant une révision des seuils de l'usure à la hausse. L’autre possibilité consiste à basculer sur un crédit à la consommation, dont les taux de l’usure sont nettement plus élevés : 20,23% pour des prêts d'un montant inférieur ou égal à 3.000 euros ; 14,15% entre 3.000 et 6.000 euros et 9,04% au-delà de 6.000 euros. La réglementation permet en effet d’utiliser ses droits à prêts PEL pour un crédit travaux afin de financer certaines dépenses « d’extension, […] de réparation et d’amélioration » sur des logements destinés à l’habitation principale.

Le taux du prêt PEL en théorie négociable !

Les taux des prêts épargne logement sont présentés par les banques (et par certaines communications gouvernementales) comme des taux fixes immuables. Mais selon la réglementation et l'article R315-9 du code monétaire et financier, le taux du prêt PEL est celui de la phase d'épargne auquel sont ajoutés « des frais financiers et des frais de gestion dans la limite d'un maximum fixé par arrêté ». La banque est donc libre de pratiquer une marge inférieure au maximum de 1,70 point que lui impose ces textes. D'autant plus que ce maximum a été revu récemment à la baisse par le gouvernement, à 1,20 point, pour les PEL ouverts à compter du 1er février 2015.

(1) Les taux contractuels des prêts épargne logement sont exprimés en taux actuariels annuels alors que le taux effectif global d'un prêt immobilier est lui communiqué en taux proportionnel. Ainsi, un prêt PEL de 4,97% (génération de PEL rémunéré à 4,50%) correspondra à un TEG de 4,86% en dehors de tous frais supplémentaires, et pour une périodicité mensuelle.