Faire appel à un courtier pour trouver le meilleur financement de son achat immobilier, une pratique qui semble se développer. Comment cette profession parvient à rémunérer cette activité d’intermédiation ? Combien gagnent-ils sur votre dossier de crédit à l’habitat ?

« Les IOBSP (1) perçoivent des commissions de banque et des honoraires de leurs clients. Les commissions de banque sont des recettes 100% garanties », explique l’enseigne de courtage In&Fi Crédits dans un billet sur son site internet dédié au recrutement de nouveaux franchisés. Et de poursuivre, « les honoraires des clients sont majoritairement incorporés au montant du crédit et donc réglés au déblocage des fonds (2). Dans ce cas, cette recette est aussi 100% garantie ». Voilà ainsi détaillée la structure type des revenus tirés par les courtiers des crédits immobiliers qu’ils trouvent pour leurs clients : d’un côté, des honoraires facturés au client-emprunteur pour les services rendus en termes d’accompagnement et de conseil et de l’autre, une rémunération par les établissements bancaires en tant qu’apporteur d’affaires. Mais voilà : ce modèle économique n’est qu’un standard de façade, qui cache des pratiques tarifaires variables. Et, sur un marché décrit comme en pleine évolution par de nombreux acteurs du secteur et où les enseignes continuent de se multiplier et de se disputer des parts de marché (Boursedescredits a par exemple été lancé en 2012 et l'Union de Crédit Immobilier en 2014), il est logique de voir certains protagonistes tenter de se différencier sur le terrain des tarifs. C’est notamment ce que nous avons voulu vérifier dans cette enquête auprès des principaux acteurs français du courtage en crédit immobilier. Ces 10 enseignes, selon leurs propres déclarations, totalisent en 2014 plus de 18,5 milliards d’euros de prêts à l’habitat, soit environ 16% du volume total de crédits immobiliers enregistré en France.

Commissionnement des banques : tous à 1%

Statu quo, apparemment, sur les commissions accordées par les banques : questionnées à ce sujet, toutes les enseignes – à l’exception d’ACE Crédits, qui n'a pas répondu sur ce point – annoncent avec une belle unanimité des rétributions bancaires de l’ordre de 1% du montant du prêt. Seul élément apparent de différenciation : des plafonnements de ces commissions « en fonction des partenaires bancaires ». Difficile, en la matière, d’obtenir davantage de précisions au-delà des fourchettes mentionnées par certains entre 1.500 et 3.000 euros ou des moyennes à 1.500 euros (chez Empruntis). Quid des sur-commissionnements, bonus au nombre d’affaires apportées pour les plus gros pourvoyeurs de dossiers auprès des banques, évoquées par un courtier indépendant souhaitant garder l'anonymat ? « Il n’est pas question de surprime ou de bonus, » balaie Maël Bernier, porte-parole de MeilleurTaux, en indiquant que ces pratiques risqueraient d’ailleurs de générer un « conflit » avec l’obligation des courtiers de ne pas cumuler plus de 30% des affaires avec un même établissement bancaire.

Autre motif de commissionnement, moins connu du grand public : la délégation d’assurance emprunteur. Car, de fait, si la banque faisant son offre de prêt « accepte » la souscription du client pour une assurance emprunteur « externe », le courtier est en position d’apporteur d’affaires, pour les assureurs cette fois-ci. Une « incitation à la délégation » pour les courtiers ? « De toute façon, l’emprunteur y gagne souvent », argumente Maël Bernier qui confirme que son enseigne touche aussi des commissions sur ce terrain. Mais au final, « ce sont les banques qui décident », en acceptant ou pas la délégation, explique la porte-parole, tout en indiquant faire partie, avec Cafpi, des opérateurs les plus actifs sur la question.

Honoraires à géométrie variable

C’est assurément sur les honoraires facturés au client-emprunteur que les stratégies des courtiers varient le plus. A commencer par les enseignes qui choisissent de ne pas en facturer du tout ! C’est ce que l’on retrouve notamment chez MeilleurTaux et Empruntis… via leur site internet et leurs conseillers à distance (sans passer par les agences). Credixia, et son concept d’agence unique dans le XIVe arrondissement de Paris se targue quant à lui d’être « le seul courtier au niveau national à proposer une offre gratuite et à rembourser intégralement les frais de dossiers qui pourraient être facturés par une banque ». La gratuité du service est aussi de mise, cette fois-ci au travers d’un réseau physique d’agences chez Immoprêt, et ce « quelle que soit la nature du dossier : recherche de financement, renégociation, etc. » « Diviser par deux ses marges n’était pas un choix évident », confie Ulrich Maurel, fondateur de l’enseigne. « Mais c’est ce qui a aussi permis notre développement ».

Politique tarifaire des principales enseignes de courtage
Commissionnement de la banqueHonoraires clients
En % du
montant emprunté
PrécisionsMontantPrécisions
CAFPIEnviron 1%Plafond (montant non précisé)1% frais de dossier
+ 2% maximum pour frais de mandat de recherche de capitaux *
500 € minimum pour les frais de dossier
ACENCNC1% plafonnés à 950 €Intégrés dans le calcul du TAEG
MEILLEURTAUX1%NC950 € en moyenne en agence
Aucun frais si suivi par conseillers à distance
Pas intégrés dans le montant du crédit
CREDIXIA1%Plafonné selon la banque partenaireGratuit **Remboursement des frais de dossier de la banque
EMPRUNTIS1%Plafonnement en fonction des partenaires bancaires (moyenne : 3.000 €)1% maximum en agence
Gratuit via le site empruntis.com
Honoraires moyens facturés : 887 €
IN&FI CREDITS1%NCEntre 1% et 2%En fonction de la complexité du dossier. Barème fixé par chaque agence
IMMOPRET1%Plafonné en moyenne à 3.500 €GratuitPour tous les dossiers (recherche de financement, renégociation, etc.)
VOUSFINANCER1%Moyenne : 1.500 €1%Honoraires plafonnés, qui excèdent « rarement » 1.300 €
BOURSE DES CREDITS1%Hors PTZ, prêts aidés et prêts relais950 €Non intégrés à l’enveloppe de financement
UNION DE CREDIT IMMOBILIER1%Plafonné en fonction du partenaire bancaire (de 1.500 à 3.000 €)De 900 à 1.500 €Fonction du dossier. Peuvent être incorporés au crédit en fonction de la politique de la banque
Tableau réalisé sur la base des déclarations des enseignes de courtage contactées le 24 mars 2015.
* Pour les prêts libres, 1% du montant du ou des prêts avec un minimum de 500 €. Pour les prêts à l’accession sociale, 1% du montant du prêt avec un plafond à 500€. Pour les PTZ, gratuit. Les frais de mandat de recherche de capitaux à 2% maximum dans la limite du taux d’usure. Cafpi ne prend aucun frais en plus pour la cherche d’une assurance déléguée liée à un crédit.
** Pour tout financement ou rachat de prêt d’une résidence principale ou secondaire et le 1er investissement locatif.

A côté de ces offres de services gratuits, les standards du marché semblent se situer - comme pour les commissions bancaires – autour de 1% du montant emprunté… mais cette fois-ci assorti de très nombreux critères d’ajustement. Assiette du calcul (inclusion ou non des prêts aidés et autres prêts annexes), plafonds et seuils minimum divers et variés viennent souvent modifier la donne et rendent la comparaison compliquée. Reste qu’une moyenne de 950 euros (juste en dessous du seuil psychologique des 1.000 euros) semble se dégager. En attestent les déclarations chez Empruntis : « le montant moyen d’honoraires dans le réseau est maîtrisé et se situe dans une moyenne basse des pratiques des acteurs du secteur, » assure l’enseigne qui annonce ainsi « des honoraires moyens facturés au client […] de 887 euros ».

Honoraires incorporés ou pas ?

Autre différence de pratiques commerciales concernant les honoraires des courtiers : leur intégration, ou non, dans le montant du crédit. Manifestement, sur ce point, les avis divergent suivant les enseignes. Et, visiblement, il faut compter avec les pratiques des banques assurant le financement. « Nos honoraires peuvent être incorporés au montant du crédit. Quand c’est possible, c’est la meilleure solution. Ils sont facturés uniquement lorsque l’offre est acceptée par le client et ne sont encaissés qu’après le déblocage des fonds, » déclare-t-on chez In&Fi Crédits. A l’inverse, ils « sont payés sur les fonds propres du client et ne sont pas financés à crédit », lance-t-on chez Empruntis, où l’on semble en faire quasiment un gage de transparence.

En bon leader historique du secteur, Cafpi se positionne – tout au moins à la lumière des déclarations récoltées pour cette enquête – comme l’une des enseignes les plus chères concernant les honoraires client. Un positionnement qui semble bien assumé : « la politique tarifaire de Cafpi est cohérente, elle garantit à l’entreprise sa rentabilité. Elle permet de déployer des moyens logistique et humain à haute valeur ajoutée pour leur clientèle,» justifie l’enseigne de courtage. « Aujourd’hui face à l’offre qui est proposée par les différents acteurs du courtage, c’est le client qui fixe la valeur perçue et rendue du service ». Problème : Cafpi n’est bien évidemment pas la seule marque à revendiquer un service à haute valeur ajoutée !

Les principales enseignes de courtage : état des lieux
Date créationNombre d’agences (2014)Dossiers immo traités en 2014 ***Volumes de crédits immo 2014 ****Part des rachats de crédits immo
CAFPI1971196 (+31)33.000 (+10%)5.800 M€ (-4%)20%
ACE199557 (+9)9.4892.200 M€ (+10%)15%
MEILLEURTAUX1999200 (+39)NC+ de 4.000 M€30% (T4 2014)
CREDIXIA199913.000180 M€45%
EMPRUNTIS2000/2008 *80 (+20)10.000 (+25%)2.000 M€ (+27%)25%
IN&FI CREDITS2001/2004 **98 (+2)4.800 (stable)850 M€ (stable)30%
IMMOPRET200660 (+15)25.617 (+38%)2.600 M€ (+37%)17,5%
VOUSFINANCER2008110 (stable)5.500 (+10%)900 M€ (+10%)22%
BOURSE DES CREDITS201219.246NC27%
UNION DE CREDIT IMMOBILIER201433Non significatifObjectif 2015 : 300 M€NC
Tableau réalisé sur la base des déclarations des enseignes de courtage contactées le 24 mars 2015. Classement par « ancienneté » des enseignes.
* 2000 : création du site empruntis.com. 2008 : création d’Empruntis l’agence.
** Création du pilote en 2001. Développement en franchise en 2004
*** Nombre de dossiers de financement immobilier traités par l’enseigne en 2014. Evolution par rapport aux résultats 2013.
**** Volume de crédits immobiliers financés par l’enseigne en 2014. Evolution par rapport à 2013

(1) Intermédiaires en Opérations de Banque et Services de Paiement

(2) Toutes les enseignes de courtage contactées ont clairement indiqué que, conformément à la loi, leurs honoraires ne sont facturés/encaissés qu'au moment où les fonds sont effectivement versés. l'article L321-2 du Code de la consommation indiquant « Aucun versement, de quelque nature que ce soit, ne peut être exigé d'un particulier, avant l'obtention d'un ou plusieurs prêts d'argent ».