Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a débouté mardi trois particuliers, soutenus par l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, qui réclamaient à l'assureur CNP Assurances et à l'établissement de crédit Cofidis de lui reverser une partie des bénéfices générés par un contrat d'assurance de prêt.

Depuis mai 2007, l'UFC-Que Choisir bataille pour obtenir des compagnies d'assurance et des banques qu'elles restituent une partie des bénéfices qu'elles dégagent des contrats d'assurance de prêt.

Même si la loi ne l'impose pas, les établissements de crédit subordonnent systématiquement l'octroi d'un prêt immobilier ou d'un crédit à la consommation à la souscription d'un contrat d'assurance de prêt. En cas de décès ou d'invalidité, l'assureur se substituera à l'emprunteur et remboursera le prêt. Les primes versées par les emprunteurs au titre de l'assurance de prêt sont placées par les assureurs et génèrent des bénéfices, dont une partie est reversée aux établissements de crédit. Les emprunteurs, eux, ne reçoivent rien.

Pas de droits individuels sur les bénéfices

Les emprunteurs qui assignaient en justice avaient souscrit un crédit à la consommation auprès de Cofidis (contrôlé par le Crédit Mutuel) et un contrat d'assurance de prêt auprès de CNP Assurances. Le TGI de Paris a estimé que les trois particuliers ne disposaient pas d'un droit individuel sur les bénéfices générés par les contrats d'assurance de prêt, selon le jugement consulté par l'AFP.

Pour ce faire, il s'est notamment appuyé sur deux communications du ministre de l'Economie, datées de 2007 et 2012, ainsi que sur les observations d'un universitaire, Luc Mayaux, professeur à l'université Jean-Moulin - Lyon III.

L'avocat des trois emprunteurs et de l'UFC-Que Choisir, Me Nicolas Lecoq-Vallon, a regretté que le tribunal n'ait pas répondu à plusieurs arguments qu'il avait soulevés, notamment le fait que le contrat passé entre CNP et Cofidis stipulait bien le principe dit de la participation aux bénéfices.

UFC-Que Choisir : « Le problème n'est pas tranché »

Pour Alain Bazot, le président de l'UFC-Que Choisir, le tribunal ne comble pas le « vide juridique » concernant l'attribution d'une partie des bénéfices. « On nous dit qu'il n'y a pas de droit individuel pour les emprunteurs de réclamer leur dû, mais on ne nous dit pas où doit aller cet argent. Le problème n'est pas tranché », considère-t-il.

L'UFC comptait beaucoup sur la portée d'un arrêt du Conseil d'Etat, rendu le 23 avril 2012 après une procédure initiée par l'association de consommateurs. Il avait consacré le fait que les contrats d'assurance décès (le contrat d'assurance de prêt comprend une garantie décès) ne sauraient être exclus du champ de la participation aux bénéfices. La plus haute juridiction administrative n'avait cependant pas évoqué le droit individuel des emprunteurs à la participation aux bénéfices.

« On attendait beaucoup de cette décision »

« C'est vrai qu'on attendait beaucoup de cette décision », admet Alain Bazot, au sujet d'une procédure initiée en 2007. Mais, « le scandale qu'on a dénoncé demeure », assure-t-il, n'excluant pas de faire appel. « On entend bien, par toute action possible, briser l'immobilisme des pouvoirs publics et voir du côté de la cour d'appel pour que ce sujet soit revu et tranché ». « Le tribunal nous prive de cette voie qu'est l'action de groupe », regrette le président de l'UFC-Que Choisir, qui se refuse, pour l'instant, à intenter une action de groupe sur l'assurance emprunteur compte tenu de cette décision défavorable.

Au passage, Alain Bazot a fustigé les « promesses extrêmement légères » du site actioncivile.com, qui a proposé à des emprunteurs d'envoyer une mise en demeure à leur banque pour exiger leur participation aux bénéfices. Fin juillet, le site a envoyé 46.208 de ces mises en demeure aux banques, chiffrant à plus de 120 millions d'euros le montant que ces emprunteurs étaient susceptibles de recouvrer.