La loi Hamon a donné une plus grande liberté aux particuliers souscrivant un crédit immobilier. A partir du 26 juillet 2014, ils bénéficieront d’un délai d’un an pour résilier et changer leur contrat d’assurance emprunteur, si celui-ci a été souscrit auprès de la banque prêteuse. Comment les assureurs présents sur ce marché se préparent-ils à saisir l'opportunité ? Les banques ont-elles mis en place une stratégie défensive ? Isabelle Tourniaire, chargée d’études et associée au cabinet de conseil BAO, répond à nos questions. Interview.

Isabelle Tourniaire, votre cabinet de conseil en assurance, BAO (1), épluche les différents contrats d’assurance emprunteur en circulation sur le marché. La loi Hamon, adoptée le 13 février 2014, ouvre un peu plus ce marché. Est-ce une bonne nouvelle pour les acteurs ?

« Pour ce qui concerne l'assurance emprunteur, la loi Hamon vise avant tout les consommateurs. Pour eux, le droit à résiliation et à substitution est essentiel : cette assurance représente en moyenne 25% du coût du crédit immobilier d'un couple d'emprunteurs soit autour de 1.000 euros par an, ce qui est le plus gros poste assurance d'un ménage. Cette loi vise à remettre de la concurrence dans un marché qui en manque manifestement, avec des tarifs qui varient du simple au double selon les contrats, et des garanties également très contrastées, sans aucune corrélation avec les prix. L'IGF [Inspection générale des Finances, NDLR] le rappelait dans son rapport de novembre 2013 : 85% des contrats vendus sont actuellement des contrats distribués par les banques elles-mêmes. Cette loi pourrait donc permettre aux consommateurs d'accéder à des assurances de meilleure qualité à un moindre coût et de redynamiser le pouvoir d'achat d'une partie des emprunteurs. » 

Depuis le vote de cette loi, avez-vous remarqué des évolutions au sein des différents contrats d’assurance emprunteur ?

« Nous bouclons actuellement notre enquête 2014 sur le panorama des garanties du marché, afin de juger des évolutions. Nous remarquons tout d'abord une multiplication des contre-offres défensives bancaires, offres que les banques développent pour limiter les délégations d'assurance. Les banques s’organisent, non pas en surenchérissant les garanties de leurs contrats standards pour disqualifier leurs concurrents au titre d'une réelle non-équivalence de garanties, mais en créant des offres propres à prix plus bas mais à garanties moindres. Du côté des alternatifs [les assureurs qui proposent la délégation d’assurance emprunteur, NDLR], les options des contrats se sont multipliées, visant vainement à répondre à toutes les objections possibles des banques. » 

Chez quels banquiers et assureurs avez-vous remarqué des changements notables ?

« Du coté des offres standards bancaires, le Crédit Agricole a corrigé une faiblesse de son contrat standard en couvrant désormais l'incapacité à l'exercice de la profession de l'assuré et non plus à n'importe quelle profession, ce qui était restrictif. Plus à la marge, BNP Paribas a clarifié son engagement de maintien des tarifs sur la durée du prêt. En moyenne, les contrats dits alternatifs, et hors ajout d'options, restent dotés de meilleures garanties que ceux des banques, ce qui montre bien que l'utilisation de la notion d'équivalence de garanties n'est pas adaptée aujourd'hui. Pourtant, face à des objections mouvantes, ces offres se sont étoffées de nombreuses options (option de couverture des personnes sans activité, des mi-temps thérapeutiques, de certaines activités, etc.). »

Par conséquence, y a-t-il une augmentation des tarifs des contrats alternatifs ?

« Ces options relèvent le tarif des contrats alternatifs et érodent leur compétitivité par rapport aux offres bancaires, quand bien même la non-équivalence de garantie n'était pas réelle au départ. Ces demandes de renchérissement de garanties ne relèvent pas d'une analyse objective de l'équivalence et s'apparente souvent à une pénalisation du client qui cherche à obtenir une délégation. D'ailleurs, lorsqu'une banque préfère placer sa contre-offre défensive moins fournie en garanties que d'accepter une délégation d'assurance, la logique poursuivie n'est pas un besoin de sécurité supplémentaire mais bien une volonté de rester l'intermédiaire du contrat d'assurance. » 

Attendez-vous d’autres évolutions au sein des contrats d’ici le mois de juillet ?

« C’est possible mais les évolutions restent lentes. Du côté des alternatifs, certains assureurs n’ont peut-être pas encore perçu tous les atouts du marché de l’assurance-emprunteur et pourraient renforcer leur présence. Les contre-offres défensives des banques peuvent poursuivre leur évolution. »

(1) BAO, Banque Assurance Optimisation, est un spécialiste du marché de l’assurance emprunteur et publie notamment un observatoire du marché de l’assurance emprunteur.