L’annonce par le gouverneur de la Banque de France, le 16 janvier dernier, d’une relance de la titrisation sur les créances immobilières fait craindre à certains observateurs une hausse des taux de prêts immobiliers plus forte et rapide que prévu. Explications.

Les crédits immobiliers ont débuté l’année 2014 à des niveaux toujours très bas. Après une courte période de hausse, de juillet à octobre 2013, ils sont à nouveau stables depuis cette date. Ainsi, selon l’Observatoire Crédit Logement, le taux moyen en décembre, tout type d’opération et de durée confondus, se situait à 3,08%. Dans ce contexte, difficile d’imaginer assister dans les prochains mois à une nouvelle baisse des taux immobiliers. Jusqu’ici, les observateurs du marché, notamment les courtiers spécialisés, pariaient plutôt sur une hausse modérée.

Un récent évènement, toutefois, change quelque peu la donne. Le 16 janvier dernier, à l’occasion de ses vœux, le gouverneur de la Banque de France a en effet jeté un petit pavé dans la mare en appelant les banques à renouer progressivement avec une pratique qui avait disparu en France depuis plusieurs années : la titrisation.

De quoi s’agit-il ? La titrisation consiste, pour les banques, à céder des créances, et notamment une partie de la dette des particuliers emprunteurs, à des investisseurs, sous forme de titres. Le procédé a l’avantage d’alléger le bilan des établissements de crédit, confrontés à des règles prudentielles de plus en plus strictes. Mais il est également très décrié : une forme poussée à l’extrême de titrisation a en effet eu un effet déclencheur dans la crise des subprime, en 2008, qui avait vu l’effondrement d’une partie du secteur bancaire, en particulier aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

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Conscient de ce lourd passé, le gouverneur de la Banque de France a donc plaidé pour le développement d’une forme « responsable et saine » de titrisation, qui ne porterait que sur une partie des créances immobilières, sans transfert de l’intégralité du risque sur les investisseurs. Pour autant, certains observateurs estiment que même cette titrisation responsable pourrait avoir un impact sur le niveau des taux de crédits immobiliers en France.

Restauration des marges

C’est le cas, par exemple, de Philippe Taboret, le directeur général adjoint de Cafpi, leader français du marché du courtage de crédits. « Une titrisation, même très partielle – il est question de 20% à 25% des crédits accordés – aurait des conséquences sur les taux », affirme-t-il dans un communiqué diffusé aujourd’hui. « En effet, les taux actuels, particulièrement bas, ne permettront pas de dégager une rémunération suffisante pour rendre les titres attractifs. La Banque de France a donc appelé les établissements prêteurs à restaurer leurs marges, quitte à ne plus utiliser le crédit immobilier comme un produit d’appel pour conquérir de nouveaux clients. Cette restauration des marges se traduira par un relèvement des taux d’intérêts. »

La crainte est la même du côté d’ACE, autre courtier spécialisé dans les crédits. « N’oublions pas qu’aujourd’hui le marché reste soutenu grâce à des taux de crédits historiquement bas : 3,10% pour un crédit sur 20 ans en moyenne », rappelle Joël Boumendil, son dirigeant, dans un autre communiqué. « Or, les particuliers éprouvent déjà des difficultés pour acquérir leur logement, compte tenu du prix élevé de l’immobilier et ils seront de nouveau les premiers à subir cette hausse des taux. »

Un signe avant-coureur ?

Phillippe Taboret va encore un peu plus loin. « La titrisation constitue aussi, pour les établissements de crédit, un moyen de se procurer de nouvelles ressources », poursuit-il. « Elles en auraient besoin si la politique monétaire de la Banque centrale européenne devenait moins accommodante. »

Pour aider les économies de la zone euro à passer la crise, la BCE a en effet largement ouvert le « robinet du crédit », affichant des taux historiquement bas. « L’annonce de la Banque de France d’une relance de la titrisation peut donc être perçue comme un signe avant-coureur d’un désengagement de la BCE, dans le sillage de celui amorcé par la FED, la banque fédérale des Etats-Unis », décode Philippe Taboret. « Si les grands argentiers réduisent le débit (…), les taux vont mécaniquement augmenter. »