Pour la deuxième fois en deux ans, la note de la dette souveraine française a été abaissée d’un cran par l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P), passant de AA+ à AA. Cette note, la troisième meilleure possible dans la classification de l’agence, est assortie d’une perspective stable, ce qui signifie qu’un nouvel abaissement n’est pas envisagé à court ou moyen terme.

En janvier 2012, quelques mois avant la défaite de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle, Standard & Poor’s avait déjà été la première agence à retirer à la France son AAA, la plus haute note possible. Elle a depuis été suivie par ses deux concurrentes, Moody’s et Fitch Ratings. A l’époque, le AA+ attribué par S&P l’était sous perspective négative, ce qui signifiait qu’il y avait « au moins une chance sur trois » qu’une nouvelle dégradation intervienne en 2012 ou 2013, notamment « si ses finances publiques devaient dévier du chemin tracé en matière de consolidation budgétaire », expliquait-elle à l’époque.

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Une critique de la politique gouvernementale

C’est justement la perte de sa « marge de manoeuvre budgétaire » qui vaut à la France une nouvelle dégradation. « Il nous semble », écrit S&P dans l’étude publiée hier, « que les pouvoirs publics disposent désormais d’une marge de manoeuvre réduite pour augmenter les recettes ». L’agence considère que la politique économique du gouvernement n’a pas « réduit de manière significative le risque que le taux de chômage reste au-dessus de 10% jusqu’en 2016 », ajoutant que « le niveau actuel du chômage amoindrit le soutien populaire en faveur de nouvelles réformes structurelles et sectorielles et affecte les perspectives de croissance à plus long terme ».

La critique est un coup dur pour le gouvernement Ayrault, qui a fait de la maîtrise des finances publiques sa ligne conductrice, dans l’espoir notamment de maintenir au plus bas les taux d’intérêt des emprunts d’Etat, et donc le coût de la dette publique. Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie et des Finances, a d’ailleurs rapidement réagi pour défendre et réaffirmer ce choix, et déplorer, dans un communiqué, « les jugements critiques et inexacts portés par l’agence de notation ». « Jamais un gouvernement n’avait conduit autant de réformes en un temps si court, et dans un contexte conjoncturel aussi difficile », rappelle-t-il. « Ces réformes incluent en particulier le Pacte pour la croissance, la compétitivité, et l’emploi, la loi sur la sécurisation de l’emploi, le chantier en cours de la modernisation de l’action publique, la réforme des régimes de retraites, la création de Bpifrance, la réforme bancaire. »

Une impact sur les taux immobiliers ?

Quelles conséquences peut-on attendre de cette dégradation ? La plus immédiate pourrait être une hausse du taux d’intérêt de l’OAT 10 ans, les titres de dette souveraine. Un risque que Pierre Moscovici a déjà tenté de désamorcer : « La dette française est et demeure parmi les plus sûres et les plus liquides au sein de la zone euro. Elle bénéficie de taux historiquement bas, preuve de la confiance réaffirmée des investisseurs. » De fait, la précédente dégradation, en janvier 2012, n’avait pas entraîné de hausse de l’OAT 10 ans, au contraire.

En cas de hausse, toutefois, la conséquence la plus immédiatement perceptible par les particuliers pourrait être une remontée des taux de crédits immobiliers. Cette décision de S&P, en effet, peut jeter le doute sur la fiabilité de la France en tant que débiteur. « [Les investisseurs] pourraient percevoir la France comme un pays moins sûr que des pays notés AAA comme l’Allemagne, avec le risque que le taux d’emprunt d’Etat (OAT 10 ans) remonte alors même qu’il s’était stabilisé ces dernières semaines à un niveau bas (2,31% hier) », explique Hervé Hatt, président du courtier spécialisé dans le crédit immobilier meilleurtaux.com, dans un communiqué. « Or les banques déterminent le niveau des taux fixes de crédit immobilier en fonction du taux de l’OAT 10 ans. Une hausse des taux de crédit est donc à prévoir. »

Cela reste toutefois encore très hypothétique. En effet, une autre décision récente, celle prise hier par la Banque centrale européenne de baisser son principal taux directeur à 0,25% pourrait contre-balancer les effets négatifs de la dégradation.

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