Une « vérole » pour l’un, un dispositif qui permet de sauver des vies pour l’autre : le registre national des crédits, une des mesures de la loi consommation actuellement discutée à l’Assemblée nationale, est l’objet d’une controverse à distance entre Alain Bazot, président de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, et Jean-Louis Kriehl, qui dirige la Fédération Cresus, spécialisée dans l’accompagnement des ménages surendettés.

L’hostilité du premier au « fichier positif » n’est pas nouvelle. Il a à plusieurs reprises pris position contre tout dispositif recensant des crédits en cours contractés par les Français. En cause, la crainte qu’il soit instrumentalisé par les banques à des fins de démarchage, son coût et son inefficacité supposée. Dans un éditorial publié le 25 juin sur son blog, Alain Bazot évoque encore une fois l’exemple belge : « Dois-je rappeler aux députés qu’en Belgique où il a été mis en place il y a 10 ans, le fichier positif n’a pas empêché l’explosion du nombre de dossiers de surendettement entre 2006 et 2011 (+48%, contre +28,5% en France) ! Pourquoi ? Peut-être parce que les prêteurs, faussement rassurés par le fichier, ont prêté davantage… et se sont trompés ! » Un argument récurrent, auquel les partisans du fichier opposent un autre chiffre : le montant moyen de l’endettement des ménages belges surendettés est de 20 000 euros, contre 40.000 en France.

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Autre critique, cette fois adressée au gouvernement : le registre national, tel qu’il est proposé au Parlement, est un « pastiche (…) très éloigné des fichiers positifs classiques », qui ne se donne donc pas les moyens de ses objectifs . « Le fichier que nous propose le gouvernement n’intègre plus les crédits immobiliers, ni les découverts d’une durée de un à trois mois (qui sont pourtant un signe fort de difficulté !) » écrit Alain Bazot. « Il pourra servir à l’octroi des moyens de paiement – ce qui peut générer de l’exclusion bancaire pour les plus fragiles ; enfin, il n’y a aucun élément sur la fréquence d’actualisation du fichier, qui est un point crucial. »

« Ce fichier se fera tôt ou tard »

Cette charge du patron d’UFC-Que Choisir a suscité une vive réaction de la part de Jean-Louis Kriehl. Sa fédération, Cresus, accompagne sur le terrain les ménages surendettés et milite depuis longtemps pour la création d’un fichier positif. « Cresus et les millions de surendettés ont beaucoup de difficultés à comprendre que des institutions de défense des consommateurs puissent s’opposer au registre des crédits et tenir un tel discours. Vous trompez-vous de cible, qui défendez-vous ? », s’interroge-t-il sur la page Facebook de la fédération.

Pour lui, « (…) un fichier des crédits est partie intégrante de la distribution de crédit. C’est ainsi dans tous les pays occidentaux, seule la France fait encore exception. Ce fichier se fera tôt ou tard. Il est dans l’air du temps. Et comme le disait le Ministre Benoît Hamon, il vaut mieux le faire de notre propre initiative, conforme à notre environnement juridique, plutôt que de nous le voir imposé par Bruxelles. Ce combat est un combat d’arrière-garde. »