Selon un communiqué publié mercredi, les négociateurs de la commission des affaires économiques du Parlement européen et ceux du Conseil européen ont trouvé un accord sur le niveau de plafonnement des commissions payées par les commerçants aux banques à l’occasion des paiements par carte bancaire. Le texte doit désormais obtenir l’agrément des pays membres, avant d’être voté courant 2015.

A chaque fois qu’il accepte un règlement par carte bancaire, un commerçant paye une commission, dite d’interchange, à sa banque, qui la rétrocède ensuite à la banque du client. Ce système de « rétro-commission » est destiné à équilibrer, entre les enseignes, la charge du financement des réseaux d’acceptation, de l’innovation, de la lutte contre la fraude, etc. Au final, toutefois, ce coût est supporté par les usagers, le prix de ces commissions étant répercuté par les commerçants sur leurs prix de vente. Ces commissions représentent, selon certaines estimations, un chiffre d’affaires annuel de quelque 10 milliards d’euros pour les banques européennes.

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Actuellement, le niveau de ces commissions est fixé par un accord entre banques. Dans certains pays, elles sont déjà plafonnées. C’est le cas en France, où l’Autorité de la concurrence a imposé un plafond de 0,29%. Dans d’autres pays européens, ce n’est pas le cas, et ces mêmes commissions peuvent dépasser les 1%.

Les cartes commerciales exclues du texte

Pour mettre un terme à ces distorsions, l’Union européenne a entrepris de légiférer sur la question et d’harmoniser à l’échelle continentale le coût de ces commissions, comme elle l’a fait pour les virements et les prélèvements dans le cadre du SEPA (1).

Ainsi, selon l’accord signé mercredi entre les négociateurs de la commission des affaires économiques du Parlement européen et ceux du Conseil européen (2), ces plafonds pourraient être les suivants :

  • 0,2% de la valeur de la transaction pour les paiements transfrontaliers, effectués par exemple en Italie avec une carte française ;
  • 0,2% de la valeur de la transaction pour les paiements nationaux. Dans un premier temps, pendant cinq ans après sa mise en œuvre, ce plafond de 0,2% pourra être une valeur moyenne annuelle calculée sur l’ensemble des transactions. A terme, il deviendra un plafond par transaction, avec un montant maximum fixé à 5 centimes d’euros.
  • 0,3% de la valeur de la transaction pour les paiements effectués avec une carte de crédit.
  • Ni les cartes de type American Express, ni les cartes commerciales utilisées seulement pour des dépenses professionnelles ne sont concernées par ces plafonds.

L’accord prévoit également de permettre aux commerçants de n’accepter que certaines cartes, celles par exemple proposant les commissions les plus basses, « sauf si elles sont soumises à la même commission d’interchange, respectant les plafonds fixés par ces règles », explique le communiqué du Parlement européen.

Menace pour l’interbancarité ?

Si le texte issu de l’accord devait être voté en l’état, il s’imposerait dans un délai de 6 mois après son entrée en vigueur. Le conditionnel, toutefois, reste de rigueur. En effet, il n’est pas encore au bout de son parcours législatif. Il doit encore être approuvé par les Etats membres et par la commission des affaires économiques, avant d’espérer être mis aux voix au Parlement courant 2015.

D’ici là, les industriels des paiements (notamment les deux principaux réseaux d’acceptation, MasterCard et Visa), très opposés au projet, ont encore le temps de faire valoir leurs arguments, qui trouvent d’ailleurs en France l’oreille des autorités. Dans son récent rapport d’activité 2013, Le Comité consultatif du secteur financier, l’organe de la Banque de France chargé notamment de réguler les relations entre les banques et leurs clients, affirme ainsi qu’il « restera vigilant sur ce projet » qui « pourrait constituer une menace pour l’interbancarité des cartes à laquelle les consommateurs et utilisateurs français de cartes sont particulièrement attachés ».

(1) Single Euro Payments Area, espace unique de paiement en euros en français.

(2) Le Parlement Européen est l’organe parlementaire de l’Union européenne, le Conseil européen son organe exécutif composé des chefs d’Etat ou de gouvernement des 28 pays membres.