« Entrez dans l’histoire, entrez dans le capital ! » Voilà la promesse de la FDJ et du gouvernement, dans les spots diffusés en boucle à la télévision et à la radio. Ouverture des ventes : 7 novembre. Première cotation : 21 novembre. Mais est-ce réellement une bonne idée d’entrer ainsi dans « l’histoire » de la FDJ ?

La FDJ est-elle rentable ?

L’Etat, actuel détenteur de 72% du capital de la Française des Jeux, va en céder la majeure partie, pour n’en conserver que 20%. Les 52% en vente pourront être acquis par des actionnaires individuels - le « grand public » - et par des plus classiques investisseurs institutionnels (fonds d’investissement, etc.). Pour séduire le grand public et les investisseurs professionnels, l’Etat et la FDJ doivent montrer patte blanche. Foule d’informations sont livrées dans le document d’enregistrement, approuvé par l’Autorité des marchés financiers (AMF) : un dossier dense de 382 pages !

Quelle est la santé financière de la FDJ, avant le saut de la privatisation ? Les voyants sont au vert : le bénéfice de l’entreprise (1) est de 319 millions d’euros en 2018, il est attendu à 325 millions en 2019, et devrait même être réajusté à 375 millions après prise en compte de la réforme fiscale des paris et jeux de hasard en 2020.

Les chiffres clés de la FDJ

15,8 milliards d’euros de mises en 2018, 16,9 milliards d’euros attendus en 2019

10,7 milliards d’euros redistribués aux gagnants en 2018

3,5 milliards d’euros versés à l’Etat en 2018, principalement via la taxe sur les jeux de hasard

0,8 milliard d’euros distribués aux vendeurs détaillants des produits FDJ

51% de parts de marché du secteur des jeux d’argent et de hasard, malgré la dérégulation des jeux d’argent en ligne

85 jeux (Loto, Euromillions, Millionnaire, Parions Sport, etc.) et 30 000 points de vente répartis sur 11 000 communes

25 millions de joueurs (ou « clients ») de plus de 18 ans : la moitié, identifiés comme des joueurs réguliers, représentent 95% des mises

76,4 millions d’euros de capital social

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Est-ce que l’activité de la FDJ progresse ?

« Sur la période 2020-2025, le groupe cible un taux de croissance annuel moyen du chiffre d’affaires compris entre 3% et 4%, avec pour ambition de se situer dans le haut de la fourchette », lit-on dans le document d’enregistrement approuvé par l’AMF. La FDJ anticipe un « marché des jeux français poursuivant sa dynamique », avec une croissance annuelle de 3,5% pour la loterie et de 7,7% pour les paris sportifs.

Stratégie annoncée de la FDJ : fidéliser les joueurs de loterie, maintenir le nombre de points de vente, et accélérer la conquête de parts de marché sur les paris sportifs en ligne. Sur les pronostics sportifs sur internet, la FDJ est fortement menacée par la concurrence : elle doit ainsi investir massivement sur le développement de Parionssport.fdj.fr, ce qui rend cette activité moins rentable. La stratégie sur les paris sportifs pourrait être corrigée en cas de manque de compétitivité.

Reste l’incertitude des droits exclusifs sur le loto et sur le pronostic sportif en point de vente physique désormais octroyés par l'Etat sur une durée de 25 ans. Seront-ils reconduits dans 25 ans ? « Cela reste lointain », tempère Jocelyn Jovène, rédacteur en chef de Morningstar France, société de recherche financière indépendante. En attendant, la FDJ sait d’ores et déjà qu’elle devra payer 380 millions d’euros à l’Etat avant juin 2020 : il s’agit d'une contrepartie financière à la « sécurisation pour 25 ans de ses droits exclusifs ». Dans le document d’enregistrement, la FDJ souligne que cette dépense, en une fois, offre une véritable visibilité à l’entreprise : cette dépense ne sera pas rééditée dans l’immédiat et elle sécurise la majeure partie de l’activité. En effet : « plus de 95% des mises de la FDJ viennent d’activités sous droits exclusifs ».

L’Etat va-t-il garder un rôle ?

L’Etat va rester actionnaire, à hauteur de 20% du capital. Bonne ou mauvaise nouvelle pour les « petits » actionnaires ? « Etant actionnaire, ce dernier a tout intérêt à ce que la société prospère », commente Nicolas Chéron, responsable de la recherche marchés pour Binck.fr, dans une analyse dédiée à la FDJ. « De plus le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a ajouté que l’Etat continuera à agréer les dirigeants, donc personne ne pourra acquérir 10% de l’entreprise sans son accord. »

Le gouvernement a d’ailleurs tout intérêt à ce que la FDJ reste une société rentable car, même privatisée, elle fournira toujours d’importantes ressources financières au budget de l’Etat : en 2018, sur 15,8 milliards d’euros de mises, 3,5 milliards sont directement allés au Trésor public au titre de la fiscalité des jeux ! « Le chiffre d’affaires de FDJ ainsi que son EBITDA [bénéfice, NDLR] dépendent très fortement des taux de prélèvements sur les jeux », concède l’entreprise dans le document AMF. Outre le chantier de la privatisation, la loi Pacte portait aussi une réforme de la fiscalité des jeux de hasard : à partir de 2020 les taxes ne porteront plus sur les mises, mais directement sur le produit brut des jeux (les mises déduites des gains des joueurs), et la répartition de ce produit entre Etat et FDJ est désormais inscrit dans la loi. Autrement dit : la FDJ restera, durablement, une importante source de revenus pour les finances publiques. Et l’Etat garde évidemment la main sur la régulation des activités de paris et de hasard, même si le marché des jeux d’argent en ligne s’est ouvert à la concurrence depuis 2010.

Avec quelles sociétés peut-on comparer la FDJ ?

Comment comparer la santé financière de la FDJ à d’autres entreprises ? Au sein même de Bercy le constat est dressé de l’absence de sociétés réellement comparables. Dans le document d’enregistrement, la FDJ et Bercy listent les principaux opérateurs du marché du jeu d’argent et de hasard. Sur le segment des loteries, la FDJ figure au 4e rang mondial, et au 2e rang européen, derrière l’italienne Lottomatica. Mais cette dernière exerce aussi dans le casino et le poker, et elle n’est pas cotée en bourse, ce qui la rend difficilement comparable.

« Pour juger de l’attrait de sa valorisation boursière, il faudra tout d’abord trouver des comparables boursiers », souligne Jocelyn Jovène, de Morningstar. « D’après le document d’enregistrement de FDJ, les sociétés les plus proches sont Tabcorp et Opap [une entreprise australienne spécialisé dans les paris sportifs et hippiques et une entreprise grecque de pari NDLR]. L’échantillon n’est certes pas très large. Mais cela permettra tout de même de juger si le prix fixé est raisonnable ou non. »

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Comment est fixé le prix de l’action ?

Le 7 novembre, l'Etat a annoncé la fourchette de prix de l'action FDJ : entre 16,50 et 19,90 euros. Après application de la décote de 2% dédiée aux particuliers, le prix de l'action sera ainsi fixé entre 16,17 et 19,50 euros. Un prix jugé élevé pour l'action FDJ selon les premières analyses financières, publiées le 7 novembre.

Plus d'infos : Acheter des actions FDJ, mode d'emploi

La « note d’opération », qui équivaut au prospectus boursier, a été enregistrée et publiée par l’AMF le 7 novembre. Ce document ne fait donc apparaître que cette « fourchette de prix » ! Pour rappel, en 2005, la note d’opération pour EDF annonçait une fourchette de prix de « 28,5 à 33,1 euros par action », en tenant compte de la réduction de 1 euro réservée aux particuliers. A la clôture de la période de réservation, le prix avait été fixé à 32 euros pour les acheteurs particuliers. Pour la FDJ, le prix définitif sera connu le 20 novembre, en vue de la cotation prévue pour le 21 novembre. Si le prix final sort de la fourchette indicative dévoilée le 7 novembre, « la période d’offre pourrait être modifiée » comme le rappelle la FDJ dans sa communication aux investisseurs.

Une promesse de dividendes dès 2020

Dans le document d’enregistrement, la FDJ fait une promesse forte : « FDJ a pour objectif sur la période 2020-2025, de distribuer des dividendes représentant 80% de son résultat net consolidé, sous réserve de l’approbation par l’assemblée générale annuelle des actionnaires. » Cet engagement de versement de dividendes constitue « un argument de vente important pour la réussite de l’opération », juge Jocelyn Jovène, de Morningstar.

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Combien d’actions pourrez-vous obtenir ?

Bercy a promis 1 action gratuite pour 10 achetées, après 18 mois de détention. Mais pourrez-vous viser une dizaine d’actions gratuites en en réservant 100 ? Tout dépend du nombre d'actions souhaité. Les actions à destination des particuliers leur seront réservées jusqu’à un certain seuil : jusqu'à 5 000 euros d'achat. Au-delà, les actionnaires individuels pourraient n’obtenir qu’une part de leur demande. Un exemple : 100% des actions demandées jusqu'à 5 000 euros d'actions réservées, puis 50% au-delà. Ce seuil ne sera toutefois activé qu’en cas de très large succès de la vente d’actions au grand public.

A noter : les ordres seront révocables jusqu’à la clôture de l’offre, donc jusqu’au 19 novembre.

Dans quelles banques pourrez-vous souscrire ?

Toutes ! Certes, l’Agence des participations de l’Etat a mandaté un syndicat bancaire (dont BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, Natixis, CIC…) pour mener cette introduction en bourse. Mais toutes les banques, courtiers et établissements financiers pourront proposer des actions FDJ. Et, selon nos informations, la commission revenant aux banques vendant des actions sera proportionnelle au nombre de ventes : en théorie, une banque donnée n’aura pas plus d’intérêt qu’une autre à vendre des actions FDJ.

Plus concrètement, si vous ne possédez pas encore de Plan d’épargne en actions ou de comptes-titres, il faudra en ouvrir un pour y loger des actions FDJ. Bonne nouvelle : l’achat d’action lors de la phase de réservation permet d’éviter les frais de transactions qui pourraient être facturés en cas d’achat d’actions en bourse plusieurs semaines plus tard.

(1) EBITDA, ou excédent brut d’exploitation (EBE) en français : élément représentant le bénéfice d’une société avant impôts, amortissements et intérêts.