Le locataire de Bercy a confirmé vendredi qu'aucune privatisation ne serait engagée pour Aéroports de Paris (ADP) durant la procédure de référendum d'initiative partagée (RIP), estimant qu'il faudrait « un peu de patience » pour voir le projet aboutir.

« Pendant que la procédure va courir, il est évident que nous n'allons engager aucune opération de privatisation », a assuré Bruno Le Maire sur Cnews, disant « respecter » la décision du Conseil constitutionnel, qui a donné son feu vert jeudi à ce processus inédit. Dans ces conditions, « il va falloir un peu de patience ». Mais « ce n'est jamais mauvais sur une opération économique de cette importance-là de prendre son temps », a poursuivi le ministre, se disant convaincu de la pertinence de cette privatisation.

Mais les investisseurs ont très mal réagi aux derniers développements : à 10H30, l'action ADP dégringolait ainsi de 9,14% à 154 euros à la Bourse de Paris, dans un marché en hausse de 1,04%. Plus tôt en séance, il avait même sombré de plus de 10% après avoir déjà chuté de 5,68% jeudi.

« Moi, je souhaite que nous mettions le temps de la procédure à profit pour mieux expliquer notre projet à tous les Français », a poursuivi le ministre de l'Economie. « Ce projet est bon économiquement pour notre pays »: c'est ce « que nous allons pouvoir expliquer dans les neuf mois de la procédure », a-t-il insisté.

La forte rentabilité d'ADP, dont l'Etat détient la moitié du capital, et son généreux taux de redistribution des bénéfices aux actionnaires, font partie des éléments qui font tiquer les opposants à la privatisation. Jeudi, ADP avait affirmé sa volonté de rester engagé dans l'avancement de ses chantiers, « indépendamment de l'évolution de l'actionnariat du groupe », leader mondial de la conception, de la construction et de l'exploitation d'aéroports.

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Selon Bruno Le Maire, le projet de privatisation d'ADP, destiné à financer un fonds de 10 milliards d'euros pour l'innovation de rupture, a ainsi « tiré les leçons des privatisations passées », et notamment celle des autoroutes en 2006. « Dans la privatisation d'ADP, il est prévu que ce soit l'Etat qui négocie les tarifs aéroportuaires. Il n'y a aucun risque que les tarifs explosent », a notamment défendu le ministre, selon qui « tout ce qui est du domaine du contrôle des frontières restera dans les mains de l'Etat ».

Pour la ministre des Transports Elisabeth Borne, « cette privatisation est une bonne chose ». « L'Etat a beaucoup de casquettes : c'est à la fois le régulateur, c'est celui qui définit le cahier des charges; est-ce que c'est sain d'être en même temps l'actionnaire ? », s'est-elle interrogée sur LCI. « Je pense que quand on a trop de casquettes, on finit par se perdre ! »

Le projet de privatisation d'ADP, au cœur d'un bras de fer politique depuis plusieurs mois, a connu un nouveau rebondissement jeudi avec le feu vert donné par le Conseil constitutionnel à la proposition de « RIP » portée par 250 parlementaires de droite et de gauche opposés au projet. Ce feu vert des « Sages » est cependant loin d'être suffisant pour autoriser la consultation des Français. La prochaine étape sera pour ses initiateurs de recueillir en neuf mois, par voie électronique, l'approbation qu'au moins 10% du corps électoral, soit plus de 4,7 millions de personnes. Le référendum d'initiative partagé, introduit dans la Constitution en 2008, n'a jusqu'à présent jamais utilisée.