Nuisances pour les riverains, investissements : le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a donné jeudi de nouveaux gages pour la privatisation controversée d'Aéroports de Paris (ADP), que l'Assemblée nationale devrait de nouveau valider jeudi, non sans peine.

Interventions en chaîne, rappels au règlement, suspension de séance : les oppositions bataillaient contre cette privatisation prévue dans le projet de loi Pacte, examiné en nouvelle lecture. Les débats ont butté jeudi après-midi sur le contenu du cahier des charges du concessionnaire, plusieurs députés en réclamant la copie, tandis que le ministre en proposait la consultation dans une salle annexe. Dans la matinée, le ministre a assuré que « toutes les options de cession » restaient sur la table, « avec ou sans le maintien d'une participation de l'Etat dans le capital d'ADP ».

Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux avait indiqué mardi que l'Etat conserverait « à peu près 20% » du capital d'ADP. Le régime de concession durant 70 ans que prévoit le gouvernement dans le projet de loi Pacte est « la meilleure façon de garantir le développement de ce fleuron » qu'est ADP, a assuré le ministre, après un débat général de 3h30.

Participer au « désendettement » de la France

Cette privatisation doit aider au « désendettement » de la France et financer un fonds pour l'innovation, qui bénéficiera de « 250 millions d'euros de revenus garantis », a rappelé Bruno Le Maire. ADP a annoncé une hausse de 6,9% de son bénéfice net en 2018, à 610 millions d'euros, pour un chiffre d'affaires de près de 4,5 milliards d'euros.

Le ministre a une nouvelle fois répondu point par point aux oppositions et apporté de nouvelles « garanties », en particulier pour les riverains. « La taxe sur les nuisances aériennes était de 45 millions d'euros, nous allons la porter à 55 millions d'euros », ce qui facilitera « l'insonorisation des bâtiments ». En outre, « les riverains seront mieux consultés » en cas de modification de la circulation aérienne et « les descentes continues à Paris-Charles-de-Gaulle », pour éviter « les avions qui tournent en rond » avant d'atterrir, seront généralisées « à partir de 2023 », a-t-il dit.

« Aucun privilège » pour Vinci

Le ministre a indiqué que l'État pourrait « imposer des investissements à ADP si jamais le concessionnaire » y renonçait, évoquant en particulier le terminal 4 de Roissy, « si l'État estime qu'il est indispensable pour le succès d'ADP ». Concernant le choix de ce futur concessionnaire, Bruno Le Maire a assuré que la société Vinci, pour qui la gauche de la gauche soupçonne un éventuel « cadeau », « ne bénéficierait évidemment d'aucun privilège ». La procédure sera « transparente, avec des critères qui seront sous le double contrôle de la Commission des participations et du juge », a-t-il fait valoir. Et « il n'y aura pas de gré à gré ».

Le ministre (ex-LR) a ironisé sur les divergences entre le président des Républicains, Laurent Wauquiez, défavorable, et la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, pas opposée sous réserve de garanties. A Nicolas Dupont-Aignan, député de l'Essonne, qui avait demandé « quelle [était] la banque conseil de cette opération » et « qui [en dirigeait] la filiale française », Bruno Le Maire a répondu qu'il s'agit respectivement de Bank of America, choisie en novembre 2017, et de Bernard Mourad, arrivé un an après. Or celui-ci a conseillé Emmanuel Macron dans le passé, ce que le président de Debout la France trouve « malsain », a-t-il ensuite déclaré lors d'une conférence de presse.