Après une année 2018 où elles ont dû affronter les vents contraires de la guerre commerciale et des risques politiques, les Bourses mondiales devraient continuer à naviguer en eaux troubles l'an prochain, sur fond de fin de cycle annoncée.

« Il y a quand même pas mal d'éléments qui n'étaient pas attendus qui se sont produits cette année », au premier rang desquels la guerre commerciale, qui « a changé diamétralement la donne », a rappelé à l'occasion d'un déjeuner de presse Vincent Juvyns, un stratégiste de JPMorgan AM. L'année 2018 avait pourtant de quoi nourrir tous les espoirs après un cru 2017 exceptionnel, où une croissance synchronisée d'une rare ampleur avait permis aux marchés boursiers mondiaux de finir sur des progressions à deux chiffres.

Mais la lune de miel a tourné court, surtout en Europe où, dès les premiers mois de 2018, les résultats des enquêtes de conjoncture se sont retournés, avant que le ralentissement de l'activité ne soit confirmé par les statistiques économiques. « Il y avait un grand optimisme sur les perspectives de croissance de l'économie mondiale », or l'« accélération supplémentaire attendue » ne s'est pas produite, « ce qui s'est traduit en termes boursiers par une perte de confiance des investisseurs qui ont remis en cause les niveaux de valorisation des indices », explique à l'AFP Jean-Louis Mourier, un économiste du courtier Aurel BGC.

Le CAC 40 a perdu près de 9% depuis janvier

Sur le Vieux continent, le CAC 40 a ainsi perdu près de 9% depuis janvier, devant le Footsie qui a reculé de plus de 11% tandis que le Dax a accusé des pertes supérieures à 15%, propulsant les trois indices au plus bas en deux ans. La Bourse de Milan, également retombée dernièrement au plus bas depuis décembre 2016, a chuté de quelque 13% sur l'année, affectée notamment par les inquiétudes autour du budget italien retoqué par Bruxelles.

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Le marché américain, dopé par les mesures fiscales de Donald Trump, a mieux résisté pour finir 2018 proche de l'équilibre, seul le Nasdaq s'octroyant une hausse de près de 3%. Or ce ralentissement de la croissance « a été accentué par l'incertitude générée par la politique commerciale américaine », indique Jean-Louis Mourier. Dans ce domaine, « plus que les actes, c'est le discours qui a créé un climat délétère pour les entreprises et pesé sur l'investissement », ajoute-t-il.

Si l'Europe et la Chine, confrontées à des fondamentaux économiques plus fragiles, ont été directement affectées par les taxes douanières imposées par Donald Trump depuis le début de l'année, la défiance générée sur les marchés par l'escalade entre Pékin et Washington a fini par gagner Wall Street.

Octobre rouge

« Les choses se sont vraiment gâtées après la fin septembre où même le marché actions américain a commencé à baisser », précise à l'AFP Nannette Hechler-Fayd'herbe, responsable de la stratégie d'investissement de Crédit Suisse. En cause notamment : le troisième relèvement de taux directeurs de la Fed pour 2018, mais surtout des commentaires de son président Jerome Powell qui ont laissé craindre une normalisation monétaire plus rapide que prévu et précipité une violente chute des Bourses mondiales en octobre. « Les marchés se sont alors focalisés de plus en plus sur la possibilité qu'on arrive à la fin du cycle économique », poursuit Nannette Hechler-Fayd'herbe.

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Si le spectre de la récession, déjà brandi par certains, sera vraisemblablement davantage l'affaire de 2020 que de 2019, il faudra toutefois que les investisseurs composent l'an prochain avec « des vents économiques moins favorables », selon Vincent Juvyns. « S'il y a un enseignement de 2018, c'est que nous pouvons estimer que le pic de croissance de ce cycle est à présent derrière nous », relève-t-il.

La politique de la BCE va rester accommodante

Mais dans ce contexte, « les politiques économiques, qu'elles soient monétaires ou fiscales, vont être décidées de façon à étendre le cycle économique autant que possible », juge Mme Hechler-Fayd'herbe. Tout en se montrant plus inquiète des risques pesant sur la conjoncture, la BCE a laissé entendre jeudi qu'elle resterait encore accommodante pour longtemps tandis que le marché s'attend à ce la Fed, après une quatrième hausse de taux la semaine prochaine, réduise le rythme de sa normalisation monétaire l'an prochain.

Face à un horizon commercial loin d'être dégagé, et alors que les incertitudes demeurent entières quant à la ratification de l'accord sur le Brexit, la prudence devrait donc être le maître-mot de 2019 sur les marchés. Mais le point positif, c'est que « plus le pessimisme prend le pas, plus le risque de bonnes surprises augmente », conclut Jean-Louis Mourier.