Un nouveau plan d’épargne en actions (PEA) a vu le jour l’an passé. Un décret daté du 5 mars a donné le coup d’envoi pour le PEA-PME, plan dédié aux PME et entreprises de taille intermédiaire. Passé l’engouement des premiers mois, le produit s’est surtout distingué par sa discrétion. Les statistiques se font rares, et certaines voix évoquent déjà un échec.

Combien existe-t-il de PEA-PME, un an après le coup d’envoi de la commercialisation de ces PEA dédiés aux PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) ? Personne ne le sait. Plus exactement, aucun observateur ne se hasarde à donner un chiffre précis, alors que des statistiques de la Banque de France sont attendues pour mars ou avril 2015. Le dernier à avoir livré une estimation n'est autre que le président de la République, François Hollande, en septembre dernier : 80.000 PEA-PME. A titre de comparaison, il existe environ 5 millions de PEA.

Cette estimation date toutefois du début de l’été 2014 selon Jean Rognetta, président de l’association PME Finance, qui a eu un rôle moteur dans la création de ce produit d’épargne. L’association avait « fait le tour de la place » pour obtenir des statistiques et c’est sur cette base que l’estimation de François Hollande aurait été réalisée. Jean Rognetta avance ainsi deux autres chiffres : 250 à 400 millions d’euros levés début juillet via les PEA-PME, pour un encours moyen tournant autour des 4.000 euros par plan, bien loin du plafond de 75.000 euros.

« Ce n’est clairement pas énorme »

80.000 PEA-PME, donc, fin juin ou début juillet 2014, et depuis ? Mystère. Cyril Blesson, du cabinet Pair conseil, qui veille les statistiques officielles sur les produits d’épargne, recense très peu d’informations sur les PEA-PME et même plus généralement sur les PEA. Jean Rognetta ne parie pas aujourd’hui sur une envolée du nombre de souscripteurs au PEA-PME depuis le chiffrage de la mi-2014.

Deux sociétés de bourse, Portzamparc et Arkéon Finance, se sont risquées à des estimations en se basant sur les évolutions des fonds [FCP ou Sicav, les particuliers pouvant aussi investir sur des titres en direct, NDLR] éligibles au PEA-PME. Avec un même constat : si leur encours a progressé au printemps 2014, il a ensuite régressé une fois passé le mois de juillet. Arkéon Finance estime que les fonds en question, dont certains existaient avant la création du PEA-PME, ont enregistré au final, de mars 2014 à janvier 2015, une collecte nette de 226 millions d’euros. « Si les chiffres d’Arkéon Finance sont vrais, ce n’est clairement pas énorme », juge Cyril Blesson, de Pair conseil. « Il suffit de mettre ces chiffres en parallèle avec la collecte 2014 [dépôts + intérêts, NDLR] de l’ensemble des placements financiers des ménages : 76 milliards d’euros en 2014. »

« Trop optimistes en mars 2014 »

En mars dernier, PME Finance avait publié une étude donnant une hypothèse haute et une hypothèse basse pour le nombre de souscripteurs et pour l’encours : 60.000 à 200.000 PEA-PME et 750 millions à 1,5 milliard d’encours dès la fin 2014. Le président de l’association fait amende honorable : « Avons-nous été trop optimistes dans notre estimation de l’époque ? Oui. Nous sommes clairement dans la fourchette basse. » Mais Jean Rognetta garde en tête l’objectif d’un encours de « 4 à 5 milliards d’euros », sans désormais livrer d’échéance pour y parvenir.

Concédant que certains évoquent déjà un « échec », Jean Rognetta met l'accent sur le positif : « L’argent versé sur les PEA-PME, il y reste », avance-t-il, la fiscalité du PEA-PME étant alignée sur celle du PEA avec un horizon de 5 ans pour que les plus-values ne soient pas imposables. « Cela constitue donc un noyau dur de liquidités investies dans les PME et ETI. » Sous-entendu, ce nouveau produit d’épargne remplit son objectif, dans des proportions toutefois plus faibles qu’espéré : flécher l’épargne des Français vers le financement des PME et ETI.

Les banques à la traîne ?

Cyril Blesson, associé au cabinet d’études Pair conseil, reconnaît des circonstances atténuantes aux faibles performances du PEA-PME : « La conjoncture boursière des PME, défavorable, n’a clairement pas porté le développement de ce produit spécifique. » L’indice CAC PME, créé spécialement pour le PEA-PME par l’opérateur boursier Euronext, a ainsi dégringolé au cœur de l’automne 2014, avant de progressivement remonter par la suite.

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Certains observateurs jugent pour leur part que les banques n'ont pas joué le jeu. Jean Rognetta, de PME Finance, ne leur jette pas la pierre : « Je suis mal à l’aise avec ce discours. Sur ce type de produit, les contraintes réglementaires sont fortes. Si les banques conseillent à leur client de souscrire un PEA-PME et d’investir sur tel ou tel titre, et si la valeur en question chute, le client peut se retourner vers elles. » Avant de conclure : « Les banques n’ont jamais été expertes dans les petites valeurs ! »

Une évolution du produit dès 2015 ?

Ce constat d’échec relatif dressé, faut-il déjà réformer le PEA-PME, afin de relancer sa commercialisation ? En décembre, une quinzaine de sénateurs UMP, UDI et sans étiquette ont proposé un coup de pouce fiscal. PME Finance, association mêlant « entrepreneurs et professionnels du financement des PME », n’y est pas favorable. Jean Rognetta se fait plutôt le relais d’une revendication portée par plusieurs acteurs du secteur, dont Arkéon Finance : autoriser les fonds estampillés PEA-PME à être investis à 100% en obligations de sociétés éligibles au PEA-PME - 50% en obligations convertibles (1), 50% en obligations non convertibles.

Actuellement, les fonds éligibles au PEA-PME peuvent en effet comporter des obligations de sociétés éligibles mais dans une proportion limitée. Le président de PME Finance constate que peu de ces « fonds hybrides avec actions et obligations » sont actuellement disponibles sur le marché.

« Si vous permettez aux établissements financiers de créer des fonds PEA-PME purement obligataires, alors les banques vont avoir des produits à vendre ! » Jean Rognetta voit ici le principal levier de développement du produit d’épargne qu’il défend, puisque ces fonds obligataires pourraient afficher des rendements attractifs, « 2 à 4 fois supérieur au Livret A » selon lui. Et il se montre plutôt optimiste : « Plusieurs personnalités politiques, de droite comme de gauche, se sont montrées très favorables à l’idée, notamment Valérie Rabault, rapporteure de la commission des finances de l’Assemblée. Il y avait d’autres priorités l’an dernier mais j’ai bon espoir pour l’une des lois de finances de l’année 2015. » Le rendez-vous est donc pris pour un nouveau bilan fin 2015.

(1) Une obligation convertible offre à son détenteur la possibilité de l’échanger contre une ou plusieurs actions de la société émettrice pendant la période de conversion.