Depuis Cetelem en mai 2011, c’est devenu un vrai mouvement de fond : plusieurs enseignes spécialisées dans le crédit à la consommation ont investi tour à tour le marché des livrets d’épargne, avec des offres souvent très agressives. Pourquoi ce soudain afflux ? Tour d'horizon.

Il y a d’abord eu Cetelem en mai 2011. Puis ce sont RCI Banque, le Crédit Municipal de Paris et Carrefour Banque qui ont débarqué en 2012, en attendant l’an prochain Banque PSA Finance. Toutes ces enseignes ont en commun d’être des spécialistes du crédit à la consommation. Toutes aussi ont lancé récemment leur propre livret d’épargne fiscalisé.

Qu’est-ce qui explique ce soudain afflux ? Le dynamisme de ce marché sans doute, qui attire de plus en plus les épargnants, en quête de produits sûrs et liquides. De janvier 2011 à septembre 2012, l’encours des livrets soumis à fiscalité a ainsi progressé à un rythme annuel compris entre 10 et 14% selon les mois (1), réveillant l’appétit de nouveaux acteurs pour les liquidités du grand public. Tous, toutefois, n’y sont pas venus pour (exactement) les mêmes raisons.

Le livret, un relais de croissance

Le dernier arrivé en date se nomme Carrefour Banque. La filiale bancaire des fameuses grandes surfaces était jusqu’ici surtout connue pour ses cartes de crédit, même si elle propose depuis plusieurs dizaines d’années des produits d’épargne (assurance-vie, compte à terme…). Fin octobre, elle a lancé pour la première fois un livret d’épargne fiscalisé, le Livret Carrefour Banque, qui offre un rendement plutôt dans le haut du marché : 2,30% brut garantis, après une période promotionnelle de trois mois à 5,4%. Officiellement, pour « répondre aux attentes des épargnants » qui « souhaitent des produits d’épargne simples, disponibles et qui répondent à leurs attentes en matière de sécurité et de rentabilité », nous a expliqué le service presse de la marque (2). Toutefois, Carrefour reconnaît que « cette nouvelle offre répond pleinement à [l’]objectif de développement de [ses] activités à travers la diversification des sources de financement ».

Les temps sont durs, en effet, pour les vendeurs de crédit conso, notamment ceux qui se spécialisent dans le crédit renouvelable. La loi Lagarde de juillet 2010, en imposant un amortissement minimal du capital emprunté et une durée maximale de remboursement, en a en effet limité les usages de produits, trop souvent impliqués dans les dossiers de surendettement au goût des autorités. Selon l’estimation de l’Association des sociétés financières (ASF), organisation professionnelle qui représente 80% du secteur, trois millions de comptes de crédit renouvelable ont ainsi disparu entre avril 2011 et avril 2012.

Il s’agissait donc de trouver un relais de croissance, et de mettre à jour leur modèle économique. C’est Cetelem, filiale de BNP Paribas spécialisée dans le crédit conso, qui a ouvert la voie, en 2011. « Nous sommes la première société de financement spécialisée à vouloir accompagner nos clients plus durablement, en proposant à la fois du crédit, de l’épargne et de l’assurance » expliquait ainsi Michel Jouve, le responsable marketing de la marque, en juin 2011.

Les dépôts plutôt que les marchés

Autre nécessité : diversifier leurs sources de refinancement. Certains établissements, notamment ceux qui ne sont pas adossés à un grand groupe bancaire, ont en effet été fragilisés par la crise bancaire. Le cas de Banque PSA Finance (BPF) est exemplaire. Malgré des résultats probants et un bon niveau de fonds propres, la filiale de Peugeot-Citroën a subi le contrecoup des difficultés de sa maison-mère et vu sa notation dégradée par les agences. Résultat : elle est devenue incapable de se refinancer seule sur les marchés financiers à des taux acceptables, ce qui est pourtant la clé de sa rentabilité. Pour pouvoir continuer à prêter, BPF a donc reçu en octobre 2012 une garantie de l’Etat français, à hauteur de 7 milliards d’euros. Elle a aussi annoncé le lancement en 2013 d’un livret fiscalisé, qui lui permettra de réduire sa dépendance aux marchés financiers (78% de son refinancement au 30 juin 2012) en captant l’épargne des particuliers. A l’image des banques des constructeurs automobiles allemands, pour qui ces dépôts peuvent représenter jusqu’à un tiers des ressources.

Cet exemple allemand, RCI Banque, filiale de financement de Renault, l’a déjà imité, avec une certaine réussite : 500 millions d’euros collectés entre février, date de lancement de son Livret Zesto, et juillet 2012. « Nous nous situons (…) dans une réflexion de plus long terme : comment se prémunir contre les crises qui affectent le système bancaire, et qui semblent se reproduire régulièrement ? », expliquait récemment Philippe Buros, directeur commercial de RCI Banque. « Notre objectif est (…) d’arriver rapidement à passer 10% de notre refinancement par ce nouveau canal. »

Autre cas de figure, celui des Crédits municipaux, à Toulouse, Lyon, Avignon ou encore Paris, où le CMP (« Ma Tante » pour les intimes), spécialisé dans le prêt à caractère social, a récemment lancé un Livret Solidarité et un compte à terme. L'héritier du Mont-de-Piété n'a pourtant pas de problème d'accès aux marchés. Financés par des fonds publics, il bénéficie par défaut de l’excellente note attribuée à la dette souveraine française. Mais l'institution préfère prévenir que guérir. « La situation économique nous préoccupe », expliquait ainsi Bernard Candiard, directeur général de CMP Banque, en juin 2012. « Je préfère donc qu’une partie des 140 millions d’euros dont nous avons besoin chaque année soit apportée par des dépôts. »

(1) Octobre 2012 a par contre été un mois de forte décollecte (–12,4 milliards d’euros) au profit de l’épargne réglementée (Livret A et LDD), dont les plafonds de versements venaient d’augmenter.

(2) Carrefour n’a pas donné suite à notre demande d’interview, mais nous a transmis quelques réponses par mail.