Vous avez récemment reçu un courrier, un peu inquiétant, de votre banque vous demandant votre résidence fiscale et votre numéro d'identification fiscale. Pour quelles raisons ? A quoi vont lui servir ces informations ? Et êtes-vous obligé de répondre à cette demande ?

Hors relevés de comptes, recevoir un courrier de votre banque est plutôt rare. Et le cas échéant, ce n'est probablement pas pour vous féliciter de la bonne tenue de vos finances. Du coup, quand une enveloppe avec en entête le logo de votre établissement bancaire atterrit dans votre boîte aux lettres, l’angoisse peut rapidement monter… Surtout si le courrier en question parle de « Code général des impôts », « évasion fiscale » et « amende de 1 500 euros ». Sueurs froides quasi-garanties ! Cette situation, vous l’avez peut-être récemment vécue.

En effet, cet automne, de nombreux internautes s’inquiètent d’avoir reçu un courrier de leur conseiller bancaire leur demandant de remplir un document, à l’apparence très officielle et très sérieuse, baptisé « Auto-certification de résidence fiscale ». Celui-ci est scindé en deux parties. La première vise à renseigner vos coordonnées : nom, adresse, lieu de naissance, nationalité… La seconde requiert que vous listiez vos diverses résidences fiscales - car oui, il est possible d’en avoir plusieurs ! – et le « NIF » qui va avec. Le NIF ou « numéro d’identification fiscale », c’est votre matricule pour les services des impôts. En France, il est plus connu sous le nom de « numéro fiscal de référence » et se trouve facilement sur vos avis d’impôts (revenu, taxe foncière, taxe d’habitation).

Pourquoi votre banquier a besoin de connaître votre résidence fiscale ?

Si votre banque vous a fait parvenir cette lettre, rassurez-vous ! Ce n’est parce que le fisc suspecte que vous êtes un évadé fiscal… ou plutôt pas encore. En fait, il s’agit d’une obligation qui incombe aux établissements financiers dans le cadre de « l’échange automatique d’information » (EAI). En effet, en 2014, suite à plusieurs scandales fiscaux d’ampleur - comme celui révélé en 2008 impliquant la banque UBS - plusieurs pays, sous l’égide de l’OCDE, se sont mis d’accord pour s’échanger les données bancaires. « Ces informations peuvent notamment concerner tout revenu de capitaux mobiliers ainsi que les soldes des comptes et la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature », dispose l’article 1649 AC du Code général des impôts (CGI) qui encadre ce recensement.

Aujourd’hui, les banques d’une centaine de pays y participent, dont la France depuis 2016, date d’entrée en vigueur du dispositif dans la législation française. Initialement, la transmission devait faire suite à une demande d’une autorité fiscale. Mais depuis 2018 l’échange est automatique et annuel. C’est pourquoi les banques mettent régulièrement à jour leur base de données. Pour autant, cela ne signifie pas que chaque année vous allez devoir compléter ce document. Dans les faits, vous aurez à renvoyer une nouvelle auto-certification de résidence fiscale seulement si votre banque pense que votre situation a évolué. Autre cas de figure déclenchant une demande : vous avez récemment ouvert un compte bancaire ou un support d’épargne. Dans ce cas-là, vous devez fournir à votre nouvel établissement financier les éléments lui permettant d’identifier les pays dans lesquels vous êtes susceptible de payer des impôts.

Êtes-vous obligé de donner ces informations ?

Le Code général des impôts encadre précisément la procédure de collecte et de relance. En cas de suspicion de changement de domicile fiscal, la banque a 30 jours pour vous faire parvenir sa demande par voie postale ou par e-mail. Si au bout de 60 jours, vous n’avez pas répondu au premier courrier, elle doit alors vous adresser une relance. Et si vous ne répondez toujours pas, l’établissement bancaire doit en faire part à l’administration fiscale française, la DGFiP, avant le 31 mars de l’année suivante.

Précisément, pour 2019, les banques ont donc jusqu’au 31 mars 2020 pour informer Bercy qu’au 31 décembre 2019 vous n’aviez pas renvoyé votre auto-certification de résidence fiscale. D’où l’empressement actuel de certains établissements financiers à connaître cette information. Et ce manquement n’est pas sans conséquence pour vous. Vous vous exposez en effet à devoir payer une amende de 1 500 euros si vous ignorez la relance de votre banque.

Votre banque vous demande précisément si vous êtes américain. Pourquoi ?

Au même moment que l’EAI, ou indépendamment, il est possible que votre établissement bancaire vous ait demandé de lui préciser expressément si vous aviez la nationalité américaine. Il s’agit là encore d’une obligation d’ordre fiscal. Dans les grandes lignes, hormis notamment le montant des amendes en cas de manquement, cette obligation de recensement est également régie par l’article 1649 AC du CGI. Et elle est également la conséquence des affaires d’évasion fiscale de la fin des années 2000. En revanche, elle résulte d’un accord bilatéral, entre la France et les Etats-Unis, pour permettre à l’oncle Sam d’appliquer sa loi sur la conformité fiscale des comptes étrangers (ou FATCA). Concrètement, elle impose aux banques françaises d’identifier leurs clients de nationalité américaine, de transférer leurs informations bancaires au fisc français chargé, quant à lui, de les faire parvenir à l'administration fiscale américaine.

Le problème, régulièrement rappelé par l’Association des américains accidentels (AAA), c’est que les personnes ayant acquise la nationalité américaine sans avoir vécu aux USA ne sont pas toujours en mesure de fournir d’identifiant fiscal américain aux banques. Et ces dernières, s’exposant elles-mêmes à de lourdes amendes en cas de non déclaration, menacent les clients concernés de fermer leurs comptes. Au 1er janvier 2020, ce sont environ 40 000 comptes qui pourraient ainsi être clôturés, redoute Fabien Lehagre, président de l’AAA. Certains établissements bloquent également le renouvellement de la carte bancaire si les clients ne transmettent pas leur identifiant fiscal américain. Contactée, la Fédération bancaire française (FBF) nous explique avoir « bien conscience des difficultés soulevées par la législation américaine pour les citoyens français ayant également la citoyenneté américaine et singulièrement les « américains accidentels ». S’agissant des fermetures des comptes, « il s’agit d’une décision individuelle commerciale de chaque banque concernée », ajoute la FBF.