Deux députés de la majorité veulent encadrer plus strictement les frais de rejet de virement et de prélèvement actuellement plafonnés à 20 euros. Des discussions avec les banques sont en cours.

Un an après le début du mouvement des Gilets jaunes, ses répercussions se font toujours sentir, notamment concernant l’encadrement des frais bancaires. Pour rappel, en décembre 2018, au paroxysme de la mobilisation sur les ronds-points, les banques par l’intermédiaire de la Fédération bancaire française (FBF) s’étaient engagées à plafonner à 25 euros par mois les frais d’incidents (commissions d’intervention, lettre d’information et autres frais de rejet) pour les clients détectés fragiles, soit quelque 3,4 millions de Français, selon l’Observatoire de l’inclusion bancaire. D'après lui, près d’un million de clients ont ainsi pu bénéficier du plafonnement des frais bancaires au deuxième trimestre 2019. « Et sur le premier semestre 2019, les frais d’incidents pour les personnes fragiles qui en payent s’élèvent en moyenne à 17 euros par mois », souligne ce jeudi la Banque de Fance.

Le respect de ce plafond fait toutefois débat. « En 2019, les banques se sont engagées à stabiliser les frais bancaires et à plafonner les frais d’incidents. Lors du premier bilan fait en juin dernier nous avions constaté que ces engagements étaient alors respectés. Nous restons vigilants et nous referons un bilan d’ici à la fin de l’année », annonce le ministère de l'Economie, interrogé par MoneyVox. Mais les associations de consommateurs (Unaf et 60 millions de consommateurs en tête) paraissent plus sceptiques. Sur la base d’enquêtes mystères, elles estiment notamment que 78% des interdits bancaires ne bénéficient d’aucun plafonnement. Ces associations mettent également en avant les disparités des pratiques et des critères retenus pour détecter les clients fragiles financièrement. Certaines les classant comme tels s’ils gagnent moins de 1 000 euros par mois. Pour d’autres, le critère de revenu est plus mouvant.

Un plafond plus faible des frais de rejet

C’est notamment à cause de ce flou et aussi parce que tout client, fragile ou non, peut connaître un trou d’air dans ses finances que deux députés de La République en Marche (LREM), Daniel Labaronne et Philippe Chassaing, planchent actuellement sur le durcissement du plafond des frais de rejet de virement et de prélèvement pour tous les clients.

Aujourd'hui, « pour les incidents de paiement autres que le rejet d'un chèque, les frais perçus par le prestataire de services de paiement du payeur au titre d'un incident ne peuvent excéder le montant de l'ordre de paiement rejeté, dans la limite d'un plafond de 20 euros », dispose l'article D133-6 du code monétaire et financier. A l’inverse des plafonnements pour les clients fragiles, cette limitation n’est pas mensuelle mais s'entend par opération. De plus, elle ne tient pas compte de tous les frais occasionnés par un découvert, comme par exemple la facturation éventuelle des lettres d’information en sus.

Dans ce contexte, les deux députés veulent aller plus loin. « La quasi-majorité des banques se sont alignées sur ce plafond de 20 euros des frais de rejet, explique Daniel Labaronne. L’idée et j’en ai parlé au sein du Comité Consultatif du Secteur Financier [auquel il appartient comme représentant législatif, NDLR] est d’abaisser ce montant maximum à 15, 10 voire 5 euros ». Pour faire passer la mesure, les deux députés comptent sur l’appui du CCSF et sur la concertation avec les établissements. « Nous ne voulons pas faire péter le modèle économique des banques, mais avoir une démarche de conciliation et d’échange, poursuit le vice-président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. En ce sens, nous sommes tombés d’accord avec la FBF pour organiser une réunion de travail sur cette thématique ». Daniel Labaronne est plutôt optimiste sur l’acceptabilité de la mesure. Selon lui, « les établissements bancaires sont actuellement dans une démarche de réhabilitation auprès de la société, en attestent les engagements pris l’an passé ».

Bercy à l’écoute mais dubitatif

Ensuite, une fois cet accord de place obtenu, les parlementaires proposeront au gouvernement de modifier la réglementation. A quelle horizon ? « Je souhaiterais que cette question aboutisse courant 2020 », ajoute Daniel Labaronne. Mais, encore faut-il que le ministère de l’Economie soutienne cette mesure. Et ce n’est pas acquis… « Le risque d’imposer des plafonds par ligne tarifaire est qu’ils ont tendance à se transformer en prix de référence, toutes les banques se mettent au plafond, redoute Bercy. L’autre risque est de voir apparaître d’autres lignes tarifaires, non plafonnées, afin de compenser ce maximum. En atteste la créativité de certaines banques qui se sont par exemple mises à facturer des lettres de relance en cas de découvert bancaire ». Le ministère craint au passage un certain effet d’aubaine et que la mesure profite aussi aux clients les plus aisés. « Que l’on protège les clients fragiles, oui. Que l’on plafonne les frais d’incident pour tous, au risque de créer des effets pervers, nous ne sommes pas convaincus du bien-fondé », plaide Bercy.

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