Les banques françaises et allemandes s'inquiètent d'une application trop stricte de nouvelles règles de prudence financière, qui risque de pénaliser le financement de l'économie et la compétitivité des établissements européens, affirment mercredi dans une tribune les fédérations bancaires des deux pays.

« Les travaux préliminaires au sein de l'Autorité bancaire européenne apparaissent très préoccupants », écrivent Laurent Mignon, président de la Fédération bancaire française, et son homologue allemand, Hans-Walter Peters, dans cette tribune publiée simultanément dans les Échos et le quotidien économique allemand Handelsblatt.

Les deux fédérations voient d'un très mauvais œil un accord conclu par les négociateurs internationaux fin 2017, finalisant les dernières modalités d'un vaste éventail de réformes, baptisées « Bâle 3 » et engagées après la crise financière de 2008-2009. Ce dernier volet visait à définir certaines règles de calcul des risques présents dans les bilans des banques et surtout à réduire les disparités en la matière d'un établissement ou d'un pays à l'autre.

135 milliards d'euros pour les banques

Une estimation récente, non définitive toutefois, de l'Autorité bancaire européenne a révélé que la transposition de cet accord pourrait augmenter en moyenne de 24% les exigences en capital pour les banques européennes, soit un montant de 135 milliards.

« L'impact de l'accord sur les conditions d'octroi de crédit et de financement devrait ainsi être considérable » et « une très grande partie de la capacité de développement des banques dans les années à venir devrait être ainsi consacrée au seul respect des nouvelles exigences prudentielles, sans marge de manœuvre pour accroître leurs concours à l'économie », s'alarment les deux fédérations. En outre, « la grande majorité des autorités nationales européennes ont marqué leur volonté de surtransposer l'accord en l'appliquant au niveau de chaque entité d'un groupe bancaire, ce qui multiplierait les exigences en capital et irait à l'encontre des conditions préalablement posées à l'accord », ajoutent-elles.

Rupture d'égalité

Cet accord se traduirait aussi par « une rupture d'égalité des conditions de concurrence et de rentabilité avec les banques américaines qui verront leurs exigences de capital augmenter de 1,5% seulement », écrivent-elles encore.

Deux semaines plus tôt, le Premier ministre français Édouard Philippe avait apporté un soutien inattendu aux établissements bancaires en déclarant vouloir porter « la plus grande attention à l'évaluation précise des conséquences sur l'économie européenne de l'accord final de Bâle 3 ». « Nous serons attentifs » à sa transposition en Europe en tenant compte aussi « des choix qui seront faits dans les différentes zones géographiques, en particulier aux États-Unis », a-t-il poursuivi, expliquant vouloir « ne pas nous imposer des normes démesurément contraignantes par rapport à celles des autres ».