Écœuré par les scandales financiers, désespéré par l’impact environnemental des banques ou encore fatigué d’entendre le discours commercial de votre banquier, vous avez envie de fermer vos comptes bancaires. Mais est-il vraiment possible de s'en passer ?

Vous aimeriez bien retirer tout votre argent de votre compte-chèques et vous débrouiller sans banque. Certains y arrivent bien... Bernard Tapie, en faillite personnelle depuis un quart de siècle, « n’a plus de chéquier, plus de carte bancaire, plus de moyen de paiement », ironisait récemment Pierre Martel, un des avocats représentant les intérêts de l’Etat dans l’affaire de l’arbitrage controversé avec le Crédit Lyonnais. Mais ils sont extrêmement rares, puisque 99% des ménages français sont bancarisés, d’après la Fédération bancaire française qui s’appuie sur l’Observatoire de la microfinance.

Toutefois, la législation, en réglementant l’usage des espèces, prévoit, de fait, la possibilité de ne pas utiliser les moyens de paiement électroniques (carte bancaire, virements…) et donc potentiellement de se passer de compte en banque. L’article D112-3 du Code monétaire et financier vous autorise ainsi à payer un commerçant jusqu’à 1 000 euros en liquide. Et, si vous avez l’appoint, celui-ci ne peut pas s’y opposer sous peine d’être sanctionné d’une amende de 150 euros (article R642-3 du Code pénal).

Le paiement en espèces du salaire limité

Le versement en liquide du salaire plafonné à 1 500 euros

Du côté de vos ressources, vous pouvez demander à les recevoir en cash. En effet, les organismes sociaux (Caf, assurance maladie…) ne peuvent vous imposer de détenir un compte bancaire pour vous verser vos prestations, dixit la Cour de cassation dans une décision rendue publique en juin 2018. A la place, vous pouvez, dans certains cas, demander à ce que l’indemnité soit versée sur le compte bancaire d’une tierce personne. C’est ce que prévoit le Code de la sécurité sociale pour le remboursement des frais médicaux ou le versement des indemnités de congé de maternité (article R 362-1).

Quant au salaire, là encore, les textes rendent possible son paiement en espèces. Si le salarié en fait la demande et si la somme en jeu est inférieure à 1 500 euros, l’employeur est alors tenu de respecter le souhait de l’employé. Mais, au-delà de 1 500 euros nets mensuels, le versement du salaire ne peut se faire que par virement bancaire ou par chèque. Voici l’un des premiers freins à la vie sans compte : avec cette limite, 70% des salariés ne peuvent vivre sans compte de dépôts. Et, il y en a d’autres, notamment d’ordre fiscal. En effet, les contribuables ne sont pas autorisés à payer leurs impôts en cash au-delà de 300 euros (article 160 du Code général des impôts).

E-commerce, énergie, télécom… le casse-tête du cash !

Achats sur internet et cash ne font pas bon ménage

Plus généralement, concernant vos dépenses courantes, vivre sans compte bancaire s’avère complexe et chronophage. Par exemple, pour commander en ligne, la carte bancaire est quasi-incontournable ! Et les alternatives proposées – virement, chèque et même Paypal - nécessitent d’être bancarisé. Exception de taille toutefois : Amazon. Sans moyen de paiement électronique, vous pouvez tout de même y passer commande. Début 2019, le géant du e-commerce a lancé « Recharge » en France, un service qui permet de payer en liquide son panier. Mais, cela nécessite d’y consacrer un peu de temps.. Pour ce faire, l’internaute doit obtenir un code de recharge et se rendre dans un point de vente partenaire afin de créditer son compte Amazon.

Concernant les paiements physiques - on l'a vu - vous ne pouvez pas régler en cash une prestation dépassant 1 000 euros. Un plafond confortable pour le quotidien mais qui est limitant si vous devez changer de véhicule par exemple.

Autre casse-tête à prévoir : le règlement de vos abonnements. Payer en espèces l’électricité et le gaz est certes possible mais chronophage… Engie et EDF invitant leurs clients ne disposant ni de chéquier, ni de carte bancaire à se rendre en bureau de Poste munis de leur facture. La tâche se complique encore un peu plus quand il s’agit de souscrire un forfait mobile ou un abonnement internet. En effet, les fournisseurs vous demandent alors de leur donner un relevé d’identité bancaire (RIB). Vous avez déjà un forfait mobile et internet ? Dans ce cas-là, c’est au moment du règlement que cela risque de coincer. Fini le prélèvement automatique ! Votre opérateur va alors a priori vous proposer de payer par carte, par TIP (titre interbancaire de paiement) voire par chèque… mais pas en espèces.

Livret A et néobanques : les alternatives au compte classique

Un compte de paiement pour se passer des banques traditionnelles

Bilan, le principal obstacle à la vie sans compte en banque, ce sont les limites légales et d’usage de l’argent liquide. Mais, bonne nouvelle ou petite consolation pour les allergiques aux établissements traditionnels, il est possible d’obtenir une carte bancaire et un RIB – ce précieux sésame vous permettant d’émettre et recevoir des virements et des prélèvements – sans être client de BNP Paribas, Société Générale et autres Crédit Agricole. La solution : s’adresser aux néobanques (N26, Bunq, Revolut…).

A l’exception notable en France du compte Nickel (qui appartient à BNP Paribas), de C-Zam (Carrefour Banque) ou encore de Morning (Banque Edel), ces jeunes sociétés sont indépendantes des banques traditionnelles. Un bon compromis donc pour les usagers ne voulant pas rétribuer un établissement financier ayant pignon sur rue. Mais un compromis limité. L’offre des néobanques se restreint généralement au compte de paiement. Du coup, cela nécessite de faire l’impasse sur le crédit et les produits d’épargne classiques (livrets, PEL…). De plus, leur compte se pilotant depuis un smartphone, ces jeunes pousses ne s’adressent pas aux technophobes. Pour ces derniers, comme pour les autres d'ailleurs, il existe une autre alternative au compte-courant traditionnel : le Livret A de La Banque Postale.

Dans le cadre de sa mission d’intérêt général, la banque de La Poste doit ouvrir à toute personne en faisant la demande un Livret A qui peut alors s’apparenter à un compte courant. Pour accompagner ce livret, La Banque Postale peut lui associer gratuitement une carte de retrait, utilisable dans ses distributeurs. Elle délivre également gratuitement des chèques de banque. L'établissement permet aussi d'y domicilier quelques opérations de premières nécessités tels les virements des prestation sociales, les prélèvements pour régler les factures d'énergie et les impôts, mais pas les abonnements mobiles ou internet... Enfin, alors que les retraits et dépôts d’espèces sont fixés à 10 euros au minimum dans les autres établissements, le détenteur d’un Livret A à La Banque Postale peut y puiser, comme l’alimenter, dès 1,50 euro. Le Livret A de La Banque Postale est donc un palliatif au compte classique mais qui reste limité...