Le rapporteur public du Conseil d'État a préconisé vendredi de rejeter un recours formé par les « Américains accidentels » contre l'accord permettant au fisc américain de réclamer des impôts à ces personnes nées aux États-Unis mais vivant en France.

L'accord bilatéral entre la France et les États-Unis, qui rend possible ce dispositif dans l'Hexagone depuis 2014, est « a priori applicable » et ne présente pas de défaut d'exécution « avéré » mais tout au plus « des difficultés techniques de mise en œuvre », a estimé le rapporteur public. « Ces propos sont difficiles à entendre, on se demande sur quoi il se base », a réagi Fabien Lehagre, président de l'Association des Américains accidentels (AAA), qui lutte pour « faire tomber cet accord qui nous porte préjudice en étant mis en application par les banques, qui soit nous excluent, soit nous discriminent ». Les conclusions du rapporteur public étant généralement suivies, la décision du Conseil d'État, mise en délibéré et qui devrait être rendue avant la fin du mois de juillet, pourrait faire perdurer le calvaire des « Américains accidentels ».

Pour eux, les problèmes bancaires, tracas administratifs, menaces de redressement fiscal et poursuites s'accumulent. En cause, un dispositif américain consistant à taxer les revenus sur le fondement de la nationalité, quel que soit le lieu de résidence : le « Foreign account tax compliance act » (Fatca), adopté par Washington en 2010. Destiné à lutter contre l'évasion fiscale et appliqué depuis 2014 en France, il autorise Washington à réclamer des informations aux banques sur leurs clients américains. En cas de refus, les établissements concernés s'exposent à de lourdes sanctions.

Pour l'avocat de l'association, Me Patrice Spinosi, cet accord instaure un déséquilibre et bafoue le principe de réciprocité, « les États-Unis ne respectant pas leur part d'engagement ». D'autre part, il estime que « les garanties imposées par le RGPD (Règlement européen général sur la protection des données) ne sont toujours pas respectées ». « Il incombe au Conseil d'État de renvoyer à la CJUE (Cour de justice de l'Union européenne) le soin de trancher cette difficulté pour l'ensemble de l'UE », a-t-il soutenu.

Un soutien du gouvernement français ?

Outre la piste européenne, l'association attend un soutien du gouvernement français. Mi-juin, les Américains accidentels avaient en revanche gagné une première bataille. Le fisc américain avait reconnu que le paiement de la Contribution sociale généralisée (CSG) et de la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) par les contribuables américains vivant en France donnait droit à une réduction d'impôts aux États-Unis.

Plusieurs milliers des 100 000 citoyens américains résidant en France pourraient ainsi réclamer le remboursement de millions de dollars d'impôts. En mai, ils avaient reçu le soutien d'une mission d'information de députés français, qui estimaient que la question du retrait de l'accord bilatéral se poserait si aucune avancée n'intervenait.