Depuis plus de 20 ans, c’est la BCE qui dirige depuis Francfort la politique monétaire de la zone euro. Dans ce contexte, la Banque de France a-t-elle encore une utilité ?

1er juin 1998 : naissance officielle de la Banque centrale européenne (BCE) . Depuis cette date, l’institution, basée à Francfort en Allemagne, a pris la main sur la politique monétaire des pays ayant adopté l’euro : 11 à l’époque, 19 actuellement (1). En clair, c’est elle qui émet la monnaie unique (mise en circulation le 1er janvier 2002), définit et met en œuvre les grandes orientations de politique monétaire de la zone, avec un objectif : maintenir le pouvoir d’achat de l’euro, et donc contenir la hausse des prix dans la zone.

Que devient, dans tout ça, la Banque de France (BdeF), maintenant qu’elle n’a plus la charge de « frapper monnaie » ? Au même titre que les autres banques centrales nationales, elle a intégré l’Eurosystème, et son « conseil des gouverneurs », qui participe au pilotage de la politique monétaire de la zone. Elle y contribue notamment à travers la publication régulière de statistiques, d'enquête, de prévisions sur l'état de l'économie française. Elle a aussi la charge de mettre en œuvre, dans le cadre national français, les décisions prises par la BCE. Mais ce n’est pas tout.

« Gardienne de la monnaie »

Si la Banque de France, au sens strict du terme, n’est plus émettrice de monnaie, elle reste la « gardienne » de l’euro dans l’espace français. Première mission : la fabrication des billets. Sur les 100 milliards de coupures produites en Europe depuis le lancement de la monnaie unique, près de 22 milliards ont été réalisées dans l’Hexagone, au rythme de 1 à 1,5 milliard par an. C’est le cas actuellement des six billets de la nouvelle gamme Europa, dont les dernières coupures, celles de 100 et 200 euros, ont été mises en circulation ce 28 avril 2019 : la Banque de France fabrique en moyenne 25% des besoins de la zone en billets neufs.

Europafi, sa filiale spécialisée, dispose ainsi de la première papeterie publique d’Europe, installée en Auvergne, à Vic-le-Comte près de Clermont-Ferrand. Ouverte en 1923, elle a été récemment modernisée. Elle produit du « papier fiduciaire », répondant aux exigences de solidité et de sécurité requises pour la fabrication de billets durables et infalsifiables. La Banque de France est également le premier imprimeur de billets en euros grâce à son imprimerie située à Chamalières, toujours à proximité de Clermont-Ferrand. Elle n’y produit d’ailleurs pas que des euros. « Elle consacre environ la moitié de sa capacité de production à l’impression de billets d’autres devises que l’euro destinées à une vingtaine de pays étrangers à la zone euro », détaille son site web.

Mais le rôle de la Banque de France va plus loin. Elle est également garante de la qualité des pièces et billets en circulation en France. A ce titre, elle prend en charge, dans ses 95 succursales réparties sur le territoire, l’échange et le retrait des billets endommagés, mais aussi des faux billets.

La 4e réserve d’or au monde

Situé dans le 1er arrondissement de Paris, l’Hôtel de Toulouse, siège de la Banque de France, dispose en sous-sol d’une immense salle de 11 000 mètres carrés. Baptisée « la Souterraine », elle accueille la réserve d’or de la France, la 4e au monde : 78,3 millions d’onces, l’équivalent de 2 436 tonnes, pour une valeur en 2018 de 87,8 milliards d’euros. Egalement conservé dans cet espace, un important stock de devises, équivalent à 52,2 milliards d’euros, majoritairement des dollars états-uniens.

Lire sur le sujet : Banque de France : que vaut réellement le stock d'or de l'Etat ?

Des services aux ménages, aux entreprises et à l’Etat

Outre l’échange des billets usagés, la Banque de France rend d’autres services aux particuliers, et notamment aux ménages modestes. Elle abrite en effet les commissions de surendettement, qui ont reçu en 2018 plus de 160 000 dossiers de particuliers - beaucoup de familles monoparentales - incapables de faire face à leurs dettes, et dont 45% bénéficient d’un effacement total, faute de capacité de remboursement.

C’est également la Banque de France qui encadre la procédure du droit au compte. Elle permet ainsi aux usagers essuyant des refus systématiques de la part des banques d’ouvrir un compte dans un établissement désigné par elle. En 2018, plus de 50 000 personnes ont bénéficié de ce dispositif d’inclusion financière.

La Banque de France s’adresse également aux petites et moyennes entreprises. Elle propose une cotation du risque de crédit des entreprises, offrant une référence commune qui permet de faciliter le dialogue avec les banques et donc l’accès au crédit. Dans le même ordre d’idées, la Banque de France chapeaute la médiation du crédit. Enfin, la Banque de France fournit certains services à l’Etat, même si elle en est indépendante : tenue du compte du Trésor public, élaboration de la balance des paiements, etc.

Garante de la stabilité du secteur financier

Même si elle a transféré une partie de ses prérogatives à la BCE, la Banque de France n’en reste pas moins garante de la stabilité du secteur financier. A ce titre, son rôle est de prévenir les risques en surveillant l’activité des parties prenantes, de veiller à la protection de l’argent des Français, et le cas échéant de contribuer à un renforcement de la réglementation.

Le bras de la Banque de France dans le domaine s’appelle l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR). Parfois désignée comme la « gendarme » du secteur, cette organisation adossée à la BdeF est chargée d’agréer les établissements - de crédit, de paiement, de monnaie électronique, etc. -, de surveiller leur activité et éventuellement de les sanctionner en cas de non-respect de leurs obligations réglementaires. Elle abrite également les travaux du CCSF (Comité consultatif du secteur financer), instance de concertation qui réunit les différents acteurs du secteur : outre les pouvoirs publics, des représentants des établissements financiers, des associations de consommateurs, des organisations syndicales et patronales, du Parlement ou de l’Université.

La Banque de France accueille enfin en son sein différents observatoires, qui dressent chaque année, sous la forme d’un rapport, l’état des lieux dans différents domaines : les tarifs bancaires, l’épargne réglementée, l’inclusion financière, la sécurité des moyens de paiement, etc.

(1) Onze pays créent la zone euro en 1999 : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal. Ils sont rejoints par la Grèce en 2001, la Slovénie en 2007, Chypre et Malte en 2008, la Slovaquie en 2009, l'Estonie en 2011, la Lettonie en 2014 et la Lituanie en 2015.