En décembre 2017, le Crédit Agricole lançait partout en France EKO, une offre d’entrée de gamme à 2 euros par mois. Une initiative présentée comme une réponse à l’émergence de nouveaux acteurs 100% digitaux à très bas coût. Une quinzaine de mois plus tard, la banque verte a-t-elle transformé l’essai ? Premier bilan avec Bertrand Corbeau, membre du comité exécutif de Crédit Agricole SA.

Bertrand Corbeau (Crédit Agricole)

Bertrand Corbeau est directeur général adjoint de Crédit Agricole SA, en charge du Pôle Développement, Client et innovation.

Bertrand Corbeau, 15 mois après son lancement, prenons un peu de recul sur l’offre EKO. A-t-elle trouvé sa place au sein du catalogue du Crédit Agricole ?

Bertrand Corbeau : « Oui, EKO est un beau succès, à la fois technologique, marketing et commercial. Il faut toutefois situer EKO dans la performance de conquête plus globale du Crédit Agricole en 2018 : 1,3 million d’entrées en relation, dont 8% environ via EKO, et une part de marché en hausse de 4,4%, à 26,4%, l’an dernier pour les Caisses régionales. Tout cela montre que notre modèle de banque complète reste attractif. »

Offre low-cost ? Offre harpon ? Comment décrire EKO ?

B.C. : « Offre tout court me convient bien. EKO n’est pas une banque en ligne, encore moins une néobanque, mais l’entrée de gamme du Crédit Agricole. Une offre pérenne : on peut ainsi choisir de vivre avec EKO, sans découvert, ce qui n’empêche pas d’aller souscrire d’autres produits dans d’autres univers du Crédit Agricole : l’épargne, le crédit, etc. C’est d’ailleurs ce qu’on font plus de 50% des souscripteurs EKO au cours de la 1ère année. Certes, l’offre permet sans doute de retenir des clients tentés par certains nouveaux acteurs pour des questions de prix, mais ce n’est pas pour autant une offre low-cost. Si c’était notre intention, nous aurions développé une offre sans accès aux 7 000 agences et à leurs DAB, sans possibilité de joindre un conseiller, sans la sécurité qu’apporte le groupe Crédit Agricole… Non, le terme low-cost ne convient pas pour un service de cette qualité. »

86 000 comptes EKO en 15 mois

86 000 : c’est, à fin mars 2019, le nombre de comptes EKO ouverts depuis le lancement de l’offre, au mois de décembre 2017. S’y ajoutent 15 000 clients qui sont venus en agence pour ouvrir un compte Eko, et ont finalement opté pour une autre offre plus complète. Sur ce total, 75% sont des nouveaux clients pour l'enseigne. 75%, c'est aussi le pourcentage des comptes dont l'ouverture a été initiée depuis le web, avant parfois de finir l’ouverture en agence. La clientèle captée est plutôt jeune : près de 6 clients EKO sur 10 ont moins de 35 ans.

Plus d'infos sur l'offre EKO du Crédit Agricole

EKO, néanmoins, est une offre très accessible. Pensez-vous, comme de nombreux Français, que la banque de détail est en général trop chère ?

« nous allons revoir et compléter notre gamme de forfaits »

B.C. : « Je ne suis pas sûr que ce soit l’opinion dominante. Le rapport au prix d’un service est très subjectif. Un même consommateur peut être dual, posséder à la fois une Dacia et une voiture haut de gamme dans son garage, utiliser EKO au quotidien tout en conservant d’autres offres bancaires plus complètes. En revanche, ce dont je suis sûr, c’est que les Français veulent des offres adaptées à leurs besoins, en termes de services et de prix. C’est pourquoi nous allons prochainement - d’ici la fin du 1er semestre - revoir et compléter notre gamme de forfaits, à l’image de ce que nous avons fait avec l’offre Globe Trotter testée au Crédit Agricole d’Ile-de-France. »

Vous faites la promotion de l’offre EKO, à la télévision et sur internet. Mais est-elle mise en avant par les conseillers en points de vente ?

B.C. : « Oui, lorsqu’il se présente en agence, un nouveau client a le choix entre toutes les offres, dont EKO. »

EKO est-elle une manière pour vous de répondre à votre mission d’inclusion bancaire des populations fragilisées financièrement ?

« 5,6 milliards d’euros d’impôts par an en France »

B.C. : « Le climat social actuel en France a réactivé cette problématique. Mais le Crédit Agricole, depuis 150 ans qu’il existe, a toujours été la banque de tous, des plus modestes aux plus aisés, sans discrimination. Nous attachons beaucoup d’importance à la dimension citoyenne de notre action. Le Crédit Agricole paie chaque année 5,6 milliards d’euros d’impôts en France. Quelle enseigne aujourd’hui dispose d’agences dans tous les cantons, de DAB partout ? Quel acteur ouvre des villages de l’innovation (30 actuellement), pas seulement à Paris, mais aussi dans toute la France ? »

À 2 euros par mois, l’offre EKO est-elle rentable ? A-t-elle vocation à l’être ?

B.C. : « Nous n’abordons pas le sujet de cette manière. Oui, le modèle économique d’EKO a vocation à être rentable, notamment parce que 50% des clients EKO souscrivent des produits dans d’autres univers. Mais au Crédit Agricole, la relation avec un client dure en moyenne une trentaine d’années. Contrairement aux nouveaux acteurs, nous raisonnons sur la qualité de la relation à long terme. »

Chez LCL ce printemps

Comme annoncé, LCL, filiale de Crédit Agricole SA, va intégrer l’offre EKO à sa gamme, sous la dénomination de LCL Essentiel. Le lancement est imminent, prévu pour ce printemps. Il faudra en revanche attendre un peu plus pour voir l’offre EKO être étendue aux mineurs. Le projet existe, mais encore au stade du pilote.