Depuis la crise financière de 2008, la réglementation bancaire s’est durcie, obligeant notamment les banques à accroître leurs fonds propres. Les établissements financiers apparaissent aujourd'hui plus solides et moins interdépendants, selon une étude publiée par la Banque de France. Un rééquilibrage également facilité par le contexte de taux bas.

Apparue au grand jour il y a tout juste 10 ans - en septembre 2008 lorsque plusieurs établissements financiers américains (Lehman Brothers, AIG...) se sont retrouvés en cessation de paiement – cette crise financière a été révélatrice des excès d’une finance dérégulée et des dangers d’un système bancaire trop interconnecté. Et ses conséquences ont largement dépassé la sphère financière.

Sur la seule année 2008, les Etats-Unis - là où tout a commencé - ont perdu 2,6 millions d'emplois, du jamais vu depuis 1945, indiquait alors le Département du travail américain. L'Europe n'est pas non plus sortie indemne de la crise financière. En France, le taux de chômage est ainsi passé de 7,4% de la population active en 2008 à plus de 9% l'année suivante. Un taux qui, depuis, n'est jamais redescendu en-deçà. Sans parler des conséquences sur l’endettement public.

Les banques contraintes de gonfler leurs réserves

Afin d'enrayer la propagation des faillites bancaires et limiter l'effet domino - les particuliers perdant leurs économies en cas de défauts à la chaîne - les Etats sont intervenus en soutenant financièrement les banques. En France, la plupart des établissements financiers (BPCE, BNP Paribas, Société Générale, le Crédit Agricole ou encore la banque franco-belge Dexia) ont reçu des aides publiques.

Pour éviter que les gouvernements soient obligés d'intervenir à nouveau en cas de crise, pour redonner confiance dans le système financier et, plus généralement, pour éviter qu'un choc d'une telle ampleur se reproduise, les autorités de contrôle internationales – impulsées par le Comité de Bâle où siègent une trentaine de pays – ont imposé aux banques de nouvelles règles.

Celles-ci visent deux objectifs : améliorer la résistance des banques en leur imposant de constituer des réserves importantes et éviter que les difficultés d’un établissement se propagent à d’autres. Le Comité de Bâle a ainsi, via des ratios financiers, obligé les banques à augmenter leurs fonds propres, c'est à dire les capitaux qui leur appartiennent. Leurs quasi-fonds propres - les ressources jugées stables, comme les dépôts bancaires des particuliers, car peu affectées en cas de choc financier - ont également été renforcés.

L’application de la règlementation source de litiges

Du point de vue des banques, cette règlementation est parfois jugée contraignante et sujette à interprétation. Le Crédit Agricole en a d'ailleurs fait les frais le 20 août dernier. Il s'est vu infliger une amende de plus de 4,3 millions d'euros par la Banque centrale européenne pour avoir classé des actifs dans la catégorie des instruments de haute qualité (CET1).

Autre reproche envers ces règles : elles ne tiennent pas toujours compte des spécificités propres à chaque pays. Récemment, le Livret A a d’ailleurs été au cœur d’un litige entre les banques de l’Hexagone et la BCE. L’autorité monétaire, soucieuse d’harmoniser les règles au niveau européen, a imposé aux établissements français de mettre des capitaux en réserve pour couvrir les risques liés à l’épargne réglementée. Or, une partie de ces avoirs n’est pas conservée par les banques mais transférée à la Caisse des Dépôts. En 2016, 6 banques, dont La Banque Postale, ont saisi la Cour de justice de l’Union européenne pour faire infléchir la BCE. La Cour leur a donné raison en juillet dernier. Ces établissements viennent par ailleurs de s’engager dans un autre contentieux avec la banque centrale, toujours en lien avec les réserves obligatoires.

Des banques moins dépendantes les unes des autres

Bien que sujettes à débat, ces nouvelles obligations ont eu des effets positifs, notamment sur le risque de propagation d’une crise. C’est en tout cas la conclusion d’une étude, qui se base sur 9 banques européennes, publiée cet été dans le bulletin de la Banque de France (1).

Il y a 10 ans, les établissements de l’échantillon apparaissaient particulièrement dépendants de financements externes. Ils s’endettaient massivement sur les marchés ou auprès d’institutions financières pour développer leurs activités. Et finalement, ils comptaient peu sur les dépôts de leurs clients, si bien qu’en 2008 les financements externes étaient en moyenne 2,5 fois plus élevés que les dépôts. Pour certaines banques telles que Barclays, Deutsche Bank et UBS, les ressources hors dépôts pesaient même 5 fois plus. En 2017, le rééquilibrage est net. En moyenne, les banques utilisaient une part presque égale de dépôts et de financements alternatifs pour financer leurs activités. Le déséquilibre reste toutefois de vigueur pour Deutsche Bank et Barclays mais aussi pour BNP Paribas.

Autre enseignement : depuis 10 ans, les banques sont moins interdépendantes. Elles empruntent moins les unes auprès des autres et détiennent moins de titres d’établissements financiers. La part des créances bancaires - prêts interbancaires, obligations et autres actions de banques - est ainsi passée de 5,5% de leur actif en 2008 à 4,2% en 2017. Résultat, si une banque fait défaut ou si la valeur de sa propre action ou de ses obligations chute, le risque de contagion sera moindre.

Les auteurs de ce rapport se montrent toutefois prudents concernant cet indicateur. Ce ratio d’exposition interbancaire « n’évalue que partiellement le risque de contagion étant donné que plusieurs canaux de transmission coexistent », écrivent-ils dans le bulletin de la Banque de France.

Un rééquilibrage facilité par la BCE

Par ailleurs, ce rééquilibrage a été favorisé par le contexte monétaire particulier de ces dernières années, marqué par un accès facilité à l’argent. Pour relancer l’activité économique, la Banque centrale européenne a en effet injecté chaque mois, pendant plus de 3 ans, plusieurs dizaines de milliards d’euros sur les marchés, ce qui a facilité le financement des banques. Concernant les dépôts des clients, là encore, les taux d’intérêt bas - une autre conséquence de la politique menée par la BCE - ont incité les particuliers à laisser hiberner leurs liquidités sur leurs comptes.

Or, l’activité économique reprenant, la banque centrale a prévenu qu'elle allait, d’ici la fin de l’année, arrêter progressivement son programme de rachat de dette. Une nouvelle donne monétaire qui pourrait avoir des conséquences sur le mode de financement des banques.

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(1) « Les instruments de politique macroprudentielle : un rempart contre les risques de contagion interbancaire » - Bulletin de la Banque de France n°218 : article 3.