Outsider discret, Monabanq continue à tracer une voie originale sur le marché de la banque en ligne. Entretien à 360° avec son directeur général, Alain Colin, qui annonce notamment l’arrivée prochaine du crédit immobilier au catalogue de la banque et explique pourquoi il compte entretenir l’exception Monabanq.

Alain Colin, le crédit immobilier est devenu un incontournable du catalogue des banques en ligne. Monabanq travaille depuis longtemps sur le sujet. Etes-vous finalement prêt à vous lancer ?

Alain Colin : « Nous avons pris un chemin différent des autres banques en ligne, qui sont arrivées assez tardivement dans le monde de crédit, et par le biais du crédit immobilier. Chez nous, le crédit conso existe depuis très longtemps, depuis l’époque, il y a plus de 10 ans, de Banque Covefi, l’ancêtre de Monabanq. Nous avons donc un savoir-faire historique en la matière. En ce qui concerne le crédit immobilier, nous avons mis du temps à trouver une réponse satisfaisante, mais nous pouvons désormais annoncer une date : il sera déployé au premier trimestre 2019. »

A qui s’adressera ce nouveau produit ?

A.C. : « Dans un premier temps, seulement à nos clients. Nous allons également privilégier le conseil et l’accompagnement, en passant par le canal téléphonique. »

Y a-t-il une attente de vos clients pour ce produit ?

« La moitié de nos clients nous choisissent comme banque principale »

A.C. : « Oui, clairement. Aujourd’hui, la moitié de nos clients nous choisissent comme banque principale. Le crédit immobilier permet d’ancrer encore plus un peu plus cette relation. Cela va aussi nous permettre de nous distinguer des nouveaux entrants, qui arrivent sur le marché de la banque numérique avec des gammes très courtes, centrées essentiellement sur le paiement. »

Côté crédit conso, allez-vous faire évoluer votre offre ?

A.C. : « Dans le cadre de la refonte du site, nous avons mis en place un simulateur et la demande de crédit en ligne. Nous allons ajouter à la rentrée la signature électronique du contrat. »

Monabanq a récemment entrepris de moderniser ses canaux numériques, notamment son espace client en ligne. Etait-ce une demande de vos clients ?

A.C. : « Oui. Le credo de Monabanq a toujours été de proposer un accompagnement personnalisé à ses clients. En sondant leurs attentes, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait aussi, pour une partie d’entre eux, une aspiration à l’autonomie. Nous avons donc fait évoluer le site en ce sens, mais aussi dans le sens de plus de personnalisation. Chaque client est unique, et peut désormais construire son espace web en fonction de ses priorités. »

Qu’en est-il des interfaces mobiles ?

« Une nouvelle appli mobile d’ici quelques mois »

A.C. : « Le mobile est effectivement un canal de plus en plus utilisé, et les clients veulent une ergonomie adaptée et fluide. C’est pourquoi nous travaillons à une refonte de l’application, avec les mêmes lignes stratégiques que pour le web : autonomie et personnalisation. Une phase de test avec les collaborateurs de Monabanq va débuter, et la nouvelle application verra le jour d’ici quelques mois. En attendant, le nouvel espace client web est conçu pour s’adapter à toutes les tailles d’écran, y compris celui des smartphones. »

Comment transposez-vous votre savoir-faire en matière d’accompagnement du client sur le web et le mobile ?

A.C. : « Sur les canaux digitaux, nous cherchons à mettre en place une forme d’autonomie accompagnée. Mettre en place des outils d’aide à la gestion budgétaire, qui vont convenir à un public 100% autonome, ne suffit pas. Certains parmi nos clients ont besoin d’être accompagnés, pour éviter les découverts en fin de mois ou améliorer leur épargne. Pour eux, nous avons travaillé sur le coaching budgétaire. »

Quel canal utilisez-vous pour cela ?

A.C. : « Nous avons dans un premier temps testé, pendant un an et demi environ, un suivi au téléphone par les conseillers. Cela nous a permis d’engranger beaucoup de connaissances sur les besoins de nos clients, connaissances que nous avons utilisées pour concevoir une sorte de programme d’enseignement à distance, sur notre site &vous by Monabanq. »

Lire aussi notre article sur le coaching budgétaire chez Monabanq

Monabanq ne publie plus ses chiffres de conquête client depuis 2015. Pourquoi ce choix ?

A.C. : « Nous nous sommes rendus compte que les chiffres communiqués par les différents acteurs de la banque en ligne étaient très hétérogènes : parle-t-on du nombre de comptes ouverts ou du nombre de clients ? Ces derniers sont-il actifs ou non ? Tout cela fausse la comparaison. Nous avons donc choisi d’arrêter de communiquer. »

Quel est aujourd’hui le principal produit d’appel de Monabanq ?

« Nous ne sommes pas dans une course au chiffre »

A.C. : « Monabanq a la particularité d’avoir expérimenté différents produits de conquête au cours de son histoire : le crédit conso il y a un certain nombre d’années, l’épargne au début des années 2010… Depuis 2015, et notre repositionnement comme banque en ligne accessible à tous, nous avons privilégié la banque au quotidien, qui est désormais notre unique produit d’entrée. C’est un choix de fidélité. Nous ne sommes pas là pour participer à une course au chiffre avec nos concurrents mais pour recruter des clients qui vont rester avec nous et s’équiper au fur et à mesure de leurs besoins. »

Monabanq est-elle aujourd’hui une banque rentable ?

A.C. : « Je ne pense pas qu’il y ait intrinsèquement des banques en ligne rentables à l’heure actuelle. Et pour cause : nous sommes encore sur des modèles de prise de marché, avec des budgets marketing conséquents. Toutefois, contrairement à d’autres acteurs, nous avons choisi de ne pas fixer d’objectif chiffré de nombre de clients, à atteindre à tous prix. Entrer dans cette logique de volume, c’est en effet prendre le risque de dégrader la qualité de service. Nous préférons nous situer dans un juste milieu entre une croissance significative et le maintien de la qualité de service. Ne pas sacrifier la qualité à la quantité. »

La conjoncture actuelle est assez défavorable à la banque de détail. Dans ce contexte, combien de temps selon vous les banques en ligne vont-elles pouvoir continuer à offrir 80 euros à leurs nouveaux clients et la gratuité sur la banque au quotidien ?

« Certains de nos concurrents vont probablement réviser leur politique tarifaire »

A.C. : « C’est une bonne question, mais ce n’est pas à Monabanq qu’il faut la poser ! Nous, nous n’avons jamais voulu céder à ce discours de gratuité, qui nous semble court termiste et finalement peu transparent. Il est évident que les acteurs qui aujourd’hui sont les plus agressifs sur les prix se situent dans une logique de prise de marché. Il est fort probable qu’une fois atteint leur objectif de conquête, ils révisent leur politique tarifaire. Nous, nous n’aurons pas ce problème. Par rapport à ces acteurs, nous avons des chiffres sans doute moins flatteurs, mais avec beaucoup moins d’opportunistes et plus de clients engagés et fidèles. Nous avons toujours cherché à trouver notre propre voie, parfois avec succès, parfois avec plus de difficultés, mais en restant fidèles à nos convictions dans la durée, sans chercher à copier la concurrence. »

Quel est aujourd’hui le profil socio-économique de cette clientèle ?

A.C. : « Nous sommes assez atypiques de ce point de vue, car toutes nos offres sont accessibles sans conditions de revenus. Nous privilégions l’usage plutôt que le statut, à l’image de la Visa Premier que nos clients peuvent détenir sans devoir justifier d’un minimum de revenus. Ainsi, par rapport à l’ensemble de la population, nous comptons moins de retraités, plus de millennials et plus d’urbains. Mais notre clientèle est beaucoup plus représentative de la population française que celle des autres banques en ligne, où les CSP+ sont surreprésentés. »

De nouveaux entrants, comme Nickel ou C-zam, se positionnent eux aussi sur le créneau de la « banque pour tous ». Comment envisagez-vous cette nouvelle concurrence ?

A.C. : « Pour l’instant - je ne sais pas ce qu’il en sera dans quelques années - les nouveaux entrants ont plutôt tendance à ouvrir le marché qu’à venir mordre sur les acteurs en place. C’est le cas de Nickel qui a capté des clients qui soit n’étaient pas acceptés par les banques, soit cherchaient un compte pour d’autres usages. »

Et Orange Bank, lancée par un acteur extra-bancaire ?

« Orange Bank revoit ses objectifs à la baisse »

A.C. : « De la même façon, l’arrivée d’un acteur de cette importance crédibilise le marché de la banque en ligne. J’observe toutefois que, confronté à la réalité du marché, Orange a tendance à revoir à la baisse ses objectifs de conquête : c’était d’abord 2 millions de clients en 5 ans, c’est désormais en 10 ans. »