Longtemps considéré comme l'apanage des seules banques, le secteur du paiement est désormais pris d'assaut par une foule de nouveaux acteurs, avides de fidéliser la clientèle et d'en capter un précieux suc : les données.

Il y a encore quelques années, la question ne se posait pas : pour obtenir une carte de paiement, un chéquier ou retirer des espèces, la plupart des clients n'avaient guère d'autre choix que de passer par un établissement bancaire traditionnel. « Pendant des années, le paiement n'a pas semblé intéresser d'autres acteurs que les banques classiques, mais des barrières sont tombées, ce qui explique que le paiement est devenu un point d'entrée accessible et attractif vers les services financiers », dit Alice Poizat, directrice au sein du cabinet Kea Partners.

Cette évolution tient pour partie à la réglementation : entrée en vigueur début janvier, la directive européenne sur les services de paiement, la DSP2, organise la concurrence dans ce compartiment de la finance avec l'objectif de favoriser l'innovation et l'émergence de nouveaux acteurs. Ce nouveau cadre se conjugue à une explosion de nouveaux outils technologiques et à la révolution de la téléphonie mobile. « La production et l'industrialisation de la carte n'est plus un sujet. On peut proposer une carte physique mais aussi s'en passer en optant pour le mobile comme appareil de paiement ou même pour des cartes virtuelles », souligne Alice Poizat.

Carrefour, Apple, Orange, Samsung, etc.

Conséquence, commercialiser des services de paiement n'a jamais paru aussi accessible et de plus en plus d'acteurs - même éloignés du monde de la finance - s'invitent désormais sur les plates-bandes des banques traditionnelles. « En France, le système des cartes était jusqu'à présent entièrement dans les mains des banques. L'arrivée de tout un ensemble de nouveaux acteurs entraîne aujourd'hui une déstabilisation des banques de détail », explique Jérôme Reboul, sous-directeur en charge des banques à la direction générale du Trésor.

Fer de lance de ce mouvement, d'innombrables fintech, ces jeunes pousses innovantes de la finance, proposent désormais solutions bancaires de base, outils de virements, transferts d'argent et cartes physiques ou virtuelles de manière gratuite ou presque. Les grands groupes ne sont pas non plus en reste : dans la grande distribution en France, des enseignes telles que la Fnac ou Carrefour ont lancé l'an dernier leur propre carte de paiement, quand le géant des télécoms Orange a effectué une entrée remarquée sur le secteur bancaire français avec le lancement de sa banque mobile Orange Bank.

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Ailleurs dans le monde, les mastodontes du numérique Apple et Google, de même que le conglomérat sud-coréen Samsung, proposent chacun leur propre service de paiement via smartphone, sans oublier le champion du commerce en ligne Amazon qui fournit des cartes Visa à ses clients américains. Même dans le transport aérien : la compagnie malaisienne Air Asia vient de lancer une offre de transferts d'argent et de prêts en Asie, baptisée « BigPay ».

La donnée, nouvel or noir

« L'or noir de demain, c'est la donnée. C'est quelque chose qui est entré dans l'esprit de tous les acteurs », déclare Julien Maldonato, expert du secteur financier chez Deloitte. À ce titre, les paiements par carte, qui ont généré plus de 11 milliards de transactions rien qu'en France en 2016 selon les statistiques de la Banque de France, constituent une véritable mine pour qui veut faire le plein d'informations sur les habitudes de sa clientèle.

« Dans toutes les industries, on pourrait être tenté de devenir prestataire de paiement afin de maîtriser la relation client », estime Julien Maldonato. La généralisation progressive de nouveaux outils comme le « sans contact » ou le paiement instantané, qui doit permettre de réaliser un virement d'un compte à un autre en temps réel, devrait encore renforcer cette tendance.

Autres avantages recherchés : la multiplication des points de contact avec les clients, une fidélisation accrue grâce notamment à des mécanismes de réduction sur certains achats ou encore une utilisation moindre de l'argent liquide avec à la clé une baisse des charges associées à la manipulation des espèces.

« Maîtriser le paiement est aussi un moyen de contrer les méga-plateformes comme Amazon, qui veulent contrôler la chaîne des achats de bout en bout, et de développer des canaux alternatifs à la carte, dominée aujourd'hui par Visa et Mastercard », pointe encore Julien Maldonato.

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