Après des résultats contrastés en 2017, les banques françaises devraient bénéficier d'un environnement économique plus favorable cette année mais un défi s'impose à elles : l'adaptation complexe et coûteuse aux bouleversements numériques et mobiles.

« Les facteurs économiques devraient continuer à s'améliorer pour les banques françaises », résume l'agence de notation SP Global Ratings dans une note annuelle sur le secteur, prenant acte de la reprise économique en Europe comme en France.

En attendant la remontée des taux

Pour 2017, le bilan est contrasté. Crédit Agricole fait progresser son bénéfice net, BNP Paribas le maintient. Il chute chez Société Générale et BPCE, qui avait certes bénéficié d'un événement exceptionnel l'année précédente. Crédit Mutuel et la Banque postale doivent encore dévoiler leurs chiffres.

Le secteur souffle un peu. Le durcissement des contraintes réglementaires après la crise de 2008-2009 se stabilise, avec un accord fin 2017 qui clôture un vaste éventail de réformes au niveau mondial, dites Bâle III. Ces réformes ont contraint les banques à de coûteuses opérations de mise en conformité ces dernières années.

Surtout, les observateurs entrevoient une remontée prochaine des taux d'intérêt, attendue depuis longtemps par la banque de détail qui a encore souffert de leur bas niveau l'an dernier. Les taux bas compliquent la tâche de faire fructifier les dépôts des clients qui en profitent aussi pour renégocier leurs prêts.

Le numérique, « véritable enjeu »

« Les banques (...) ont énormément parlé des enjeux réglementaires (et) des taux bas » résumait en début d'année un observateur haut placé du secteur. « Mais il ne faut pas se tromper : le véritable enjeu, c'est le numérique. » Pour les banques, qui préfèrent le terme anglicisé de « digital », c'est une révolution à tous niveaux.

Non seulement elles automatisent massivement leurs procédures internes, mais, surtout, elles sont chamboulées par l'arrivée d'acteurs promettant de moindres frais et une plus grande facilité d'utilisation. Parmi les plus remarqués figure Orange Bank, offre lancée fin 2017 par le géant des télécoms, et de multiples start-up financières comme la banque mobile allemande N26.

Les investissements numériques sont au cœur des plans stratégiques à l'horizon 2020 annoncés l'an dernier par BNP Paribas, Société Générale et BPCE - Crédit Agricole avait ouvert la marche en 2016. Corollaire systématique : des suppressions de postes et d'agences. Car « les banques françaises vont devoir essayer de répondre à deux objectifs apparemment opposés » : améliorer leur rentabilité tout en payant cher leur transformation numérique, souligne SP.

Pour l'heure, la facture est élevée : BNP Paribas, Société Générale et BPCE ont inscrit des centaines de millions d'euros de coûts de restructuration dans leurs comptes.

Des attentes paradoxales

« Mais les clients n'en perçoivent pas encore les résultats », juge le cabinet Bain & Company dans une étude réalisée auprès de plusieurs milliers de particuliers. En moyenne, les clients n'ont pas tendance à recommander leur banque, à l'exception de Crédit mutuel. L'étude pointe toutefois un élément plus encourageant pour les banques : à part le service de paiement en ligne PayPal, les personnes interrogées n'ont quasiment jamais utilisé une technologie alternative comme N26.

Les grands établissements tentent donc d'occuper vite le terrain. Ils disposent presque tous d'une banque en ligne - dont la rentabilité reste généralement hypothétique -, mais tentent aussi d'adapter leurs agences physiques au numérique, par exemple en automatisant le dépôt des chèques pour concentrer les conseillers sur le crédit et l'épargne. Ce subtil équilibre est désigné par un néologisme de plus en plus affectionné par les banquiers : le « phygital ».

« On doit gérer des attentes pas forcément toutes intuitives », se justifiait jeudi Laurent Goutard, responsable de la banque de détail chez Société Générale, lors de la présentation d'un dispositif d'ouverture de compte en ligne via une identification faciale. Paradoxe, certains interlocuteurs d'une vingtaine d'années restent attachés à l'idée d'une agence... sans forcément compter s'y rendre eux-mêmes, constate Laurent Goutard.

Un chemin sinueux

Dans ce contexte mouvant, la route est parfois sinueuse : après avoir beaucoup mis l'accent sur l'acquisition en 2016 de la banque en ligne allemande Fidor, BPCE a finalement renoncé à la lancer pour l'heure en France comme banque de plein exercice, revendiquant une approche « pragmatique ».

« Personne ne sait quel sera le point d'arrivée ultime » du tournant numérique, « la seule chose certaine c'est qu'il faut le faire » et ce, de fond en comble, conclut un dirigeant bancaire français.