Le Crédit Mutuel Arkéa, qui regroupe les fédérations Bretagne, Sud-Ouest et Massif Central du Crédit Mutuel, a engagé vendredi la procédure de divorce pour sortir de l'ensemble mutualiste, avec lequel il est en guerre ouverte depuis près de trois ans.

« Les caisses locales de notre groupe sont appelées à se prononcer sur une évolution historique de notre organisation », a affirmé Jean-Pierre Denis, le président d'Arkéa, cité dans un communiqué publié vendredi. Deux jours plus tôt, « le conseil d'administration du Crédit Mutuel Arkéa (...) a donné mandat aux dirigeants du groupe d'engager toute action permettant au Crédit Mutuel Arkéa de devenir un groupe bancaire coopératif et mutualiste indépendant, entièrement distinct du reste du Crédit Mutuel », a fait savoir la banque dans ce communiqué.

Réunis vendredi, les conseils d'administration des fédérations de Bretagne et du Sud-Ouest ont déjà adopté le principe d'une consultation de leurs caisses locales sur le projet d'indépendance d'Arkea, en vue d'un vote lors du premier semestre de l'année.

Un conflit ancien

Ce nouvel épisode intervient à l'issue d'une longue liste de différends judiciaires depuis plus de deux ans et demi entre Arkéa et la Confédération nationale du Crédit Mutuel, son organe de tête, accusé par le premier de vouloir porter atteinte à son autonomie et de favoriser le Crédit Mutuel-CM11, qui regroupe la banque CIC et 11 des 18 caisses régionales du groupe.

Tous deux issus d'une longue tradition mutualiste, Arkéa et CM11 cohabitent depuis 1958 au sein de la même maison, la Confédération, mais ont suivi chacun leur propre voie. Aux origines de la discorde, une mésentente depuis la fin des années 1990 autour de la présidence de la Confédération, dirigée de longue date par des dirigeants venus du Crédit Mutuel-CM11, au grand dam d'Arkéa qui accuse l'organe de tête de conflit d'intérêts et a engagé en 2014 une procédure en justice.

Depuis, plusieurs fronts se sont ouverts : répartition territoriale de l'activité, utilisation de la marque Crédit Mutuel, concurrence, réforme statutaire, accusations de conflits d'intérêts, contestation de décisions du régulateur. Au total, une dizaine de litiges sont en cours, la quasi-totalité à l'initiative d'Arkéa. « Depuis plusieurs mois, les initiatives et les pressions de la Confédération se multiplient, visant à centraliser le Crédit Mutuel Arkéa en portant atteinte à son autonomie », dénonce Arkéa.

Appelées à s'exprimer sur le sujet, « nos caisses locales pourront ainsi choisir librement l'orientation qu'elles souhaitent donner à leur avenir : la centralisation ou l'indépendance », a souligné Jean-Pierre Denis.

Discorde en interne

La perspective d'une séparation ne fait toutefois pas l'unanimité : le conseil d'administration de la fédération du Massif Central a voté à une large majorité pour son maintien au sein du Crédit Mutuel, a fait savoir jeudi cette fédération dans un communiqué. Sa nouvelle direction a engagé depuis l'été 2017 un rapprochement avec le Crédit Mutuel-CM11, ce que conteste Arkea. « Nous réaffirmons notre attachement à l'unité du Crédit Mutuel, je vous confirme que le Crédit Mutuel Massif Central ne sortira pas du groupe », a déclaré à l'AFP Frédéric Ranchon, le président de cette fédération.

Dans une lettre adressée quelques jours plus tôt aux administrateurs d'Arkéa, plusieurs syndicats du groupe ont également plaidé pour un maintien au sein du Crédit mutuel, évoquant les « lourdes incertitudes » que fait planer la perspective d'une sortie. Mais, à leur tour, ces propos ont été dénoncés par certains salariés réunis au sein d'un collectif, qui affirment ne pas se reconnaître « dans les positions prises par les organisations syndicales dites représentatives », dans un courrier adressé mercredi aux administrateurs que l'AFP a pu consulter.

« Nous avons désormais la conviction que la pérennité du groupe Arkéa, de nos emplois dans les services centraux, les filiales et les Caisses Locales passe forcément par notre indépendance, en sortant de la confédération. C'est aujourd'hui la seule voie possible pour maîtriser notre destin, comme nous avons toujours su le faire et poursuivre le chemin que vous avez tracé », estime ce collectif.

Reste que le chemin pour sortir s'annonce semé d'embûches : « juridiquement c'est possible, mais en pratique, c'est un processus long et lourd, avec tous les risques d'exécution que cela comporte et qui implique notamment l'abandon de la marque », confie à l'AFP une source proche de la Confédération.