Le parquet a requis mardi des peines de prison avec sursis et des amendes à l'encontre de dirigeants de la Landsbanki Luxembourg, accusée d'avoir escroqué des centaines de propriétaires immobiliers en France, dont le chanteur Enrico Macias.

La procureure a critiqué l'« opacité totale » opposée à la justice par cette filiale d'une grande banque islandaise emportée par la crise financière de 2008. Elle a requis trois ans de prison avec sursis et 300.000 euros d'amende contre l'ancien patron de la maison-mère islandaise Landsbanki, Bjorgolfur Gudmundsson. La représentante du ministère public a estimé que cet homme d'affaires, ancien propriétaire du club de foot anglais de West Ham, était « parfaitement informé » des agissements de la filiale luxembourgeoise.

Contre les huit autres prévenus, cadres de la banque ou apporteurs d'affaires, le ministère public a demandé des peines de prison allant de six mois de prison avec sursis à trois ans avec sursis, et des amendes allant de 35.000 à 100.000 euros d'amende. Sans compter une amende d'1 million d'euros contre la banque elle-même.

Il est reproché aux prévenus d'avoir, surtout en 2007, escroqué une centaine de personnes en France en leur faisant hypothéquer leurs biens immobiliers contre un crédit versé en partie en liquide, en partie sous forme de placements financiers. Le tout sans les avertir des risques très élevés de l'opération, présentée comme un emprunt qui s'auto-finançait.

En 2008, sur fond de crise financière et de nationalisation des grandes banques islandaises, la Landsbanki Luxembourg avait fait faillite et entrepris de recouvrer les créances, quitte à vendre ou menacer de vendre les biens hypothéqués. Le parquet a également demandé mardi la confiscation de ces créances.

Plainte d'Enrico Macias

L'affaire a éclaté avec la plainte du chanteur Enrico Macias. Il a gagé sa villa de Saint-Tropez auprès de la Landsbanki Luxembourg, dont la liquidatrice lui réclame désormais 35 millions d'euros, alors qu'il n'en a touché que 9 millions en liquide. Son avocat, Pierre Haïk, a reproché à la procureure d'avoir « déserté l'audience » et d'avoir ainsi laissé faire une « stigmatisation des victimes, désignées comme seules coupables de leur triste sort » pour avoir cru aux promesses de Landsbanki.

Me Haïk a aussi reproché à la banque d'avoir « utilisé la crise financière comme un écran de fumée pour dissimuler ses pratiques trompeuses ». « On ne joue pas le bien de sa vie au casino », a plaidé pour sa part Me Eric Morain, représentant de plusieurs parties civiles, rappelant que les clients de Landsbanki n'étaient pas tous fortunés.

Défendant l'un des cadres dirigeants de la Landsbanki Luxembourg, Me Olivier Baratelli a, lui, estimé que cette affaire relevait du droit civil, et n'avait « rien à faire au pénal ». « Vous vous placez dans le rôle du malheureux en difficulté, mais j'ai connu pire malheur », a-t-il lancé à Enrico Macias, rappelant que le chanteur déclarait jusqu'à 500.000 euros de revenus par an. Me Baratelli a estimé que le chanteur avait joué un rôle de « mauvais lutin » entraînant les autres parties civiles au tribunal.

Me Ralph Boussier, défendant un conseiller clientèle de l'établissement luxembourgeois, s'est demandé si les parties civiles ne cherchaient pas à faire une « opération blanche en utilisant la procédure pénale » pour effacer une ardoise bancaire.