La Banque centrale européenne (BCE) n'a pas l'intention de relever ses taux d'intérêt avant la fin de son programme d'achats d'actifs, a déclaré jeudi son président, en réaction à des spéculations sur un changement de cap monétaire.

« Nous ne sommes pas encore parvenus à un stade où la dynamique de l'inflation peut s'auto-entretenir sans le soutien de la politique monétaire », a estimé Mario Draghi lors d'une conférence organisée à Francfort. Afin de soutenir une inflation jugée trop basse et de relancer la croissance en zone euro, la BCE a fixé depuis 2014 ses taux d'intérêt à leur plus bas niveau historique et a lancé en mars 2015 un programme de rachats massifs de dettes surnommé « QE », qui a porté à ce jour sur près de 1.800 milliards d'euros.

Mais des spéculations ont émergé ces dernières semaines sur un éventuel revirement de la BCE, sur fond d'embellie économique en zone euro. L'inflation du bloc monétaire a atteint 2% sur un an en février, pour la première fois depuis janvier 2013, un niveau considéré par la BCE comme un signe de bonne santé de l'économie, avant de retomber à 1,5% en glissement annuel en mars.

« Il est trop tôt pour crier victoire »

Bien que l'économie semble emprunter un « cycle vertueux entre hausse de la consommation, croissance de l'emploi et revenus du travail », « il est trop tôt pour crier victoire », a indiqué le président de la BCE. Les « risques géopolitiques » continuent de menacer la reprise et l'inflation dépend toujours des interventions massives et concomitantes de la banque centrale dans l'économie, a-t-il poursuivi.

Un discours étayé par le compte-rendu de la dernière réunion de politique monétaire en mars, publié ce jeudi. Si une « large majorité » du conseil des gouverneurs juge que les perspectives économiques dans la zone euro s'améliorent, il est trop tôt pour modifier le discours sur les orientations de la politique monétaire, souligne le document.

Durant cette réunion, certains membres de la BCE ont plaidé pour supprimer l'affirmation selon laquelle les taux pourraient encore baisser, mais sans être entendus. En modifiant son discours sur les orientations à venir de sa politique, la BCE courait le risque de provoquer des effets indésirables sur les taux d'intérêt de marché et de dégrader les conditions financières, sans que cela ne soit justifié par les attentes en matière d'inflation, explique le compte-rendu.

« Les effets secondaires négatifs ont été jusqu'ici limités »

Mario Draghi a de fait éliminé l'an passé la possibilité d'une nouvelle baisse de taux « lorsqu'il a indiqué que le conseil des gouverneurs n'anticipait pas le besoin de les réduire davantage », relève Carsten Brzeski, chef économiste chez ING Diba. En matinée, le banquier central a répondu aux critiques, surtout venues d'Allemagne, sur les effets néfastes de taux bas pour les épargnants. Selon lui, cette politique a amené un très net « assouplissement des conditions financières » alors que « les effets secondaires négatifs ont été jusqu'ici limités ».

Combinées à des octrois de crédit à long terme à taux très bas pour les banques, les mesures de la BCE ont, selon lui, permis de stimuler la croissance et d'éloigner le risque de déflation en zone euro, aidées par le coup de pouce induit par la baisse des prix du pétrole.