Comment s’est déroulé, en coulisse, le rachat de Compte Nickel par BNP Paribas ? S'agit-il du mariage de la carpe et du lapin ? Et quelles en seront les conséquences sur le « compte sans banque » au demi-million de clients ? Les réponses des principaux intéressés.

« Mardi 4 avril à 7h je dévoilerai l'avenir de @CompteNickel ». C’est sur Twitter qu’Hugues Le Bret, président de la Financière des paiements électroniques, a commencé, dès lundi soir, à lever le voile sur une des annonces les plus surprenantes des derniers mois dans le secteur bancaire : le rachat du Compte Nickel - trois ans d’existence, bientôt 550.000 clients et 2.500 points de vente - par BNP Paribas.

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L’autoproclamé « compte sans banque » qui tombe dans l’escarcelle d’une des dix plus grosses banques mondiales. Cela ne fait-il pas un peu tâche ? « C’est mal connaître les gens qui ouvrent des Comptes Nickel », s'en défend Hugues Le Bret. « La frange alter, c’est peut-être 1% de nos clients, qui vivent autour de Bastille. Les autres savent que le Compte Nickel répond à un fort besoin sociétal. Et ça, ça ne changera pas. »

Coup de foudre

A écouter ses principaux protagonistes, le mariage entre le Compte Nickel et BNP Paribas est le fruit d’un coup de foudre. Tout en effet a été très vite : moins de 5 semaines entre la première rencontre entre les deux sociétés, à l’initiative du fonds d’investissement Partech Ventures, et l’annonce mardi du rachat. D’emblée, Hugues Le Bret a été convaincu par la « vision d’avenir » de Thierry Laborde, le directeur général adjoint de BNP Paribas. Suffisamment pour lui accorder, avec l’accord du conseil de surveillance de la FPE, une courte période (15 jours) de négociations exclusives. La banque de la rue d’Autin a su en profiter, remportant la mise à sa seconde offre.

Le Compte Nickel a-t-il été victime de son succès ? Y avait-il urgence à s’adosser à un gros acteur ? Non, répond Hugues Le Bret : la société avait procédé à une augmentation de capital en décembre dernier, qui lui permettait de voir venir. Si trouver une solution de relais pour soutenir la croissance du Compte Nickel était incontournable, elle n’était envisagée que courant 2018.

Certains éléments conjoncturels, toutefois, ont convaincu les actionnaires que le moment était sans doute opportun pour sauter le pas. Le Brexit d’abord, qui a décuplé l’intérêt autour du Compte Nickel, fréquemment cité parmi l’une des meilleures fintechs européennes hors de la Grande Bretagne. Plusieurs grandes banques européennes ont ainsi fait connaître leur intérêt pour un rachat. L’évolution du contexte concurrentiel en France, ensuite, avec l’arrivée de C-zam, le compte courant de Carrefour Banque, dès le 18 avril, puis d’Orange Bank, sans doute à la mi-mai.

« Arkéa a préféré passer son tour »

Etablissement de paiement, la Financière des paiements électroniques n’est pas autorisée à détenir en propre les dépôts de ses clients. Elle a donc besoin pour cela d’un partenaire bancaire. Depuis les débuts du Compte Nickel, c’est le Crédit Mutuel Arkéa qui lui vend ce service. Cela ne changera pas avec l’arrivée de BNP Paribas. En quête d’un gros partenaire, la FPE n’a-t-elle pas pensé à la banque bretonne ? Si, répond Hugues Le Bret : « On discute depuis longtemps avec Arkéa, qui a préféré passer son tour et rester un simple fournisseur ».

Plus de solidité, plus de croissance

Pour autant, répète Hugues Le Bret, le mariage avec BNP Paribas est une « évolution naturelle », qui va permettre de solidifier et d’accélérer la croissance du Compte Nickel. Dans la foulée de l’annonce, les objectifs de conquête ont été revus à la hausse : 2 millions de clients à l’horizon 2020 - même objectif, par exemple, que la banque en ligne Boursorama - et 10.000 buralistes (sur 25.000 environ au total) agréés et équipés.

L’accord a aussi été l’occasion de renforcer le partenariat avec les buralistes. Ces derniers, via leur confédération, conservent 5% du capital de la FPE. Et le contrat qui leur assure l’exclusivité de la distribution du Compte Nickel est prolongé de 10 ans, jusqu’en 2035. Eux aussi se réjouissent de l’arrivée de BNP Paribas. « Les actionnaires avaient tous intégré le fait qu’au bout de 4 ou 5 ans, le Compte Nickel devrait atteindre une seconde phase et soit entrer en bourse, soit s’adosser à une grosse structure », rappelle Michel Guiffès, le porte-parole de la confédération. « Ce jour est simplement arrivé un peu plus tôt que prévu. »

Le partenariat entre BNP Paribas et les buralistes devrait par ailleurs dépasser le simple Compte Nickel. « Il est prévu que la confédération et BNP Paribas étudient ensemble tout projet contribuant à la modernisation du réseau des buralistes », précise le communiqué commun publié hier. Hugues Le Bret confirme : « D’autres synergies sont possibles, notamment dans le domaine de la monétique. »

Un service qui pourrait s’enrichir

Les buralistes, eux non plus, ne semblent pas inquiets de l’impact, symbolique mais pas seulement, de l’arrivée du géant bancaire. « La FPE devient une filiale de BNP Paribas, mais conserve son staff et son indépendance opérationnelle », rappelle Michel Guiffès. « Le produit va rester le même, son prix aussi. Le Compte Nickel ne perdra pas sa fibre. »

Le maintien en l’état de l’offre Compte Nickel fait effectivement partie de l’accord passé avec BNP Paribas, confirme Hugues Le Bret, qui croit en la rationalité de son nouvel employeur : « Le Compte Nickel est déjà un formidable succès. L’intérêt de BNP Paribas est au contraire d’aider le modèle à s’épanouir. Le Compte Nickel restera concurrent de BNP Paribas et de Hello Bank », la banque 100% en ligne de l’enseigne, promet le président de la FPE.

Son offre, toutefois, pourrait s’étoffer avec le temps. Les buralistes, en tout cas, l’espèrent. « Nous sommes disposés à tisser le partenariat le plus large possible avec BNP Paribas », confirme Michel Guiffès. « On peut tout imaginer. Aujourd’hui, le compte Nickel se limite à un compte de paiement. Pourquoi pas demain des comptes épargnes, des assurances, des comptes professionnels… » Pour autant, « il n’y a rien à annoncer aujourd’hui », explique Hugues Le Bret. « Mais nous allons étudier la question. »